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Edito: Quel genre de relation entretient le gouvernement avec l’industrie pharmaceutique ?

D’un côté, GSK, de l’autre, Laurette Onkelinx qui assume pleinement avoir négocié à la baisse le prix d’un médicament auprès de la société Alexion. Deux informations a priori sans rapport mais qui soulèvent ensemble cette question : quel genre de relation entretient le gouvernement avec l’industrie pharmaceutique ?

D’un côté, il y a GSK qui “renforce le rôle de la Belgique comme QG mondial des vaccins”. De l’autre, il y a Laurette Onkelinx qui assume pleinement avoir négocié à la baisse le prix d’un médicament auprès de la société Alexion, certes pour un cas de force majeure (la survie d’un enfant en dépendait). Deux informations a priori sans rapport mais qui soulèvent ensemble cette question : quel genre de relation entretient le gouvernement avec l’industrie pharmaceutique ?

Vu l’importance du secteur pour la Belgique et la Wallonie en particulier, on se doute qu’il ne s’agit pas simplement de se faire des courtoisies. Forcément : à eux quatre, GSK, UCB, Janssen Pharmaceutica et Pfizer représentent environ 40 % des investissements de recherche privés dans notre pays, soit une grande part des 52 % affichés par le secteur dans son ensemble. Un lobby de taille, d’autant que s’il existe un dernier bastion industriel que l’on puisse encore qualifier “d’avenir”, c’est bien celui-là.

Ainsi donc, si GSK rapatrie avec fracas le portefeuille de vaccins du groupe suisse Novartis acquis en avril 2014, valant pas moins de 2,4 milliards d’euros, ce n’est pas tant pour faire plaisir au gouvernement belge que parce que le gouvernement belge lui a fait le plaisir d’autoriser la déduction fiscale de 80 % des revenus desdits brevets. Pourquoi ? Parce que le secteur pharma joue aussi un rôle crucial dans l’équilibre budgétaire, en particulier celui de la sécurité sociale.

A force de se regarder les yeux dans les yeux, pharmaceutiques et politiques ont oublié d’avoir des yeux dans le dos et pourraient bien se faire flinguer en pleins ébats.

Rudy Demotte, qui était ministre de la Santé sous le gouvernement Verhofstadt II (2003-2007), en sait quelque chose : c’est lui qui avait négocié, à l’époque, une réduction des tarifs pharmaceutiques en échange de fonds pour le remboursement d’une série de médicaments “qui apportent une réelle plus-value thérapeutique”. Et qui contribuent aussi à l’essentiel du chiffre d’affaires de leurs fabricants. Ce tour de force, assorti de la fameuse fiscalité avantageuse sur les brevets et de la création d’une plateforme de concertation spécialement taillée pour les “big 4”, avait aussi pour but de calmer les esprits, alors que quelques mois plus tôt, Pfizer annonçait renoncer à investir 185 millions d’euros chez nous en raison d’un climat “anti-pharmaceutique”. Investissement qui sera finalement et comme par magie concrétisé, du moins à hauteur de 71 millions d’euros.

Reste que si la direction de GSK et le gouvernement belge se félicitent de voir le rôle de la filiale wallonne intensifié dans un contexte certes favorable à l’innovation, l’OCDE risque de ne pas considérer la chose d’un très bon oeil. En octobre dernier, l’organisation bouclait en effet son plan de lutte contre les “beps” (base erosion and profit shifting, ces mécanismes qui érodent la base taxable et transfèrent les profits là où ils sont les moins imposés), dont fait partie, à première vue, notre fiscalité avantageuse sur les revenus de brevets. Et il n’est pas exclu que la Commission emboîte le pas de l’OCDE…

A force de se regarder les yeux dans les yeux, pharmaceutiques et politiques ont oublié d’avoir des yeux dans le dos et pourraient bien se faire flinguer en pleins ébats. Ce serait une bien triste fin car personne ne doute que l’industrie pharmaceutique est l’une des rares à qui l’on promet un bel avenir en Wallonie. Aidons-la à se développer. Pas à utiliser notre territoire comme un coffre-fort blindé.

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