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Edito: “La crise grecque, c’est House of Cards, en mieux”

Pour les journalistes, écrire à propos de la Grèce est devenu une véritable torture. Voilà des semaines que cette saga fait la Une de l’actualité, et on ne compte plus les heures de tractation, les phrases assassines, les rebondissements ni les coups de théâtre qui jalonnent les pages des gazettes. Comment viser juste ?

Pour les journalistes, écrire à propos de la Grèce est devenu une véritable torture. Voilà des semaines que cette saga fait la Une de l’actualité, et on ne compte plus les heures de tractation, les phrases assassines, les rebondissements ni les coups de théâtre qui jalonnent les pages des gazettes. Comment viser juste ? Livrer au lecteur une analyse qui aura encore du sens le lendemain ou le surlendemain ? Non, en fait, ce qu’il faudrait pour expliquer la “crise grecque”, ce ne sont pas des articles. Mais un roman, voire une série télé. Le suspense est sans fin, les personnages plus rocambolesques les uns que les autres, tantôt hargneux et butés, tantôt confiants et rassurants, rarement déconfits, parfois nonchalants, la plupart du temps sûrs d’eux, probablement presque toujours hypocrites, et surtout tous assoiffés de pouvoir. Les intérêts des uns et des autres divergent, le dénouement fera évidemment des gagnants et des perdants. La crise grecque, c’est House of Cards, en mieux.

Sauf que s’ils pensent nous divertir, nos dirigeants européens se trompent : ils nous dépriment. Et il n’y a pas que sur le dossier grec que le spectacle vire au cauchemar. A la sortie du sommet de la semaine dernière sur l’immigration – un dossier tout aussi brûlant, Charles Michel lui-même a eu la lucidité de décrire l’inaction européenne comme étant “affligeante”. Non, il n’y aura pas de quotas contraignants de réfugiés instaurés par Etat membre, et l’Italie et la Grèce (n’a-t-elle pas d’autres chats à fouetter ?) continueront d’absorber la vague déferlante d’immigration en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient, puisqu’elles sont en première ligne. La solidarité entre pays de l’Union européenne est donc une notion toute relative. Quelle tristesse.

La crise grecque, c’est House of Cards, en mieux.

Comment croire au projet européen si l’on constate que les plus hautes sphères sont trustées par une bande d’acteurs incapables de prendre les décisions qui s’imposent si celles-ci entament ne serait-ce que d’un millimètre leur crédibilité, ou celle de leur pays, ou celle de l’institution qu’ils représentent ? Le voilà, le vrai problème : l’Europe ne peut pas fonctionner correctement avec des représentants d’autre chose que de l’Europe elle-même. Certes, le plan proposé par le président de la Commission Jean-Claude Juncker le 22 juin dernier, visant à “parachever l’union économique et monétaire”, est déjà un pas dans la bonne direction. Mais l’échec des débats actuels est aussi un appel criant pour une Union politique et sociale.

Faut-il pour cela créer une Europe à deux vitesses, faite d’un club restreint de pays ambitieux mais capables aussi de parler d’une seule voix et de se plier à des règles plus strictes, et d’autres, qui profiteront seulement de certains avantages tant que l’état de leur économie ne leur permet pas de s’y soumettre ? L’issue de la “série grecque” – même si nous ne sommes toujours pas à l’abri d’une ou deux saisons supplémentaires – nous le dira peut-être. En attendant, forçons-nous à ne pas zapper. Certes, la programmation européenne manque de punch. Mais ce n’est pas the end que nous avons envie de lire à l’écran.

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