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Donald Trump et les guerres commerciales

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

Il est vrai que Donald Trump fait l’objet, en Europe, tant auprès de la presse que des gouvernants, de critiques systématiques et parfois injustes. A côté de mesures discriminatoires, improductives et idiotes, comme la construction du mur à la frontière mexicaine, la politique de Trump comprend aussi quelques bonnes décisions.

La chasse aux réglementations inutiles (toute norme nouvelle implique la suppression de deux normes anciennes) en est une. Sa réforme fiscale, certes incomplète et insuffisante, est un grand succès qui montre, notamment, l’inutilité de la réforme belge de l’impôt des sociétés.

En revanche, lorsqu’il annonce une décision de taxer des importations d’acier d’un droit de douane de 25 % et celles d’aluminium de 10 %, Donald Trump risque de lancer une guerre commerciale, notamment, mais pas uniquement, avec l’Europe, qui sera nécessairement perdante pour tout le monde.

Les dirigeants européens ont raison de dire que toute guerre commerciale est nuisible, mais ils ont tort d’annoncer des mesures douanières du même type envers les produits américains, ce qui ne peut que déchaîner une surenchère au détriment de l’ensemble du commerce mondial.

Il faut aussi reconnaître que la Commission européenne a la mémoire fort courte. C’est pourtant elle qui, le 9 août 2017 (il y a à peine six mois ! ) annonçait des droits de douane nouveaux, prétendument ” anti-dumping “, d’un taux de 18 à 27 %, sur les… aciers chinois résistant à la corrosion ! Donald Trump n’avait pas besoin d’un meilleur exemple et la Commission européenne paraît décidément n’être favorable au libre-échange que lorsque cela l’arrange.

Ce qui est nuisible, c’est cette volonté de laisser le pouvoir intervenir dans tous les domaines, en les soumettant à des licences, des autorisations, des réglementations, des conditions, et finalement des taxes et des contingents.

Lorsque Trump taxe les aciers étrangers, cela implique certes que les fournisseurs américains seront favorisés sur leur propre marché. Mais cela veut aussi dire que ceux qui achètent de l’acier, par exemple les producteurs automobiles américains, devront les acheter plus cher, et ce tant s’ils achètent des aciers américains que des aciers étrangers. Si les aciers américains étaient moins chers que ces derniers, il n’y aurait pas besoin de droits de douane pour les rendre compétitifs. Donc le prix de revient des voitures américaines va augmenter, et elles devront sans doute être vendues plus cher, ce qui les rendra moins compétitives et s’avérera nuisible pour les constructeurs américains et leurs ouvriers, et ce même si les Etats étrangers ne taxent pas à leur tour l’importation des voitures américaines.

Comme l’avait montré dès le 19e siècle le brillant économiste et essayiste français Frédéric Bastiat, toute entrave au libre-échange se retourne toujours contre les consommateurs, obligés de payer plus cher, ou de se passer des produits les plus performants. C’est cela qui fait que toutes les guerres commerciales entre Etats sont nuisibles et que Donald Trump a tort de s’y risquer. La liberté du commerce est indispensable à la prospérité économique, aux Etats-Unis comme ailleurs. En taxant des importations d’acier étranger, on protège peut-être quelques industriels américains qui produisent de l’acier – comme pour les Européens il y a quelques mois lorsque l’Union européenne taxait les aciers chinois – mais c’est l’ensemble de l’économie qui en pâtit. Et la réaction de Jean-Claude Juncker est malheureusement exacte lorsqu’il dit : ” Si les Etats-Unis veulent instaurer des barrières, nous serons aussi stupides qu’eux “.

Bastiat stigmatisait déjà ce genre de comportement au 19e siècle, lorsqu’il écrivait que ce qu’il attaque dans la douane ” c’est la pensée féodale : c’est la protection, la faveur, le privilège…, le but avoué de réglementer, de limiter et même d’interdire les transactions “. C’est cette tentation du pouvoir et d’utiliser celui-ci au profit d’une clientèle déterminée, comme le fait Donald Trump, et comme le faisaient il y a peu de temps les opposants wallons au Ceta, ce traité international de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada : s’opposer à ce qui favorise la liberté en réservant toujours au pouvoir la possibilité d’empêcher les transactions, de les soumettre à des conditions, de faire prévaloir la volonté politique sur la réalité économique.

Ce qui est nuisible dans des décisions comme celles du président américain, c’est cette volonté, commune aux étatistes conservateurs et aux socialistes, de laisser le pouvoir intervenir dans tous les domaines, en les soumettant à des licences, des autorisations, des réglementations, des conditions, et finalement des taxes et des contingents. Le problème, c’est l’Etat.

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