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Doit-on vraiment redouter un tel flot de réfugiés ?

L’afflux des réfugiés suscite encore pas mal d’interrogations sur le plan économique et politique. Les uns parlent de geste humanitaire, d’autres d’invasion. Mais qu’en est-il en réalité ? Un démographe nous éclaire.

La question a été posée à un démographe, François Héran, spécialiste des questions migratoires. Son interview par mes confrères du journal Les Echos, en France, éclaire sous un autre jour l’actualité de ces dernières semaines.

D’abord, le geste d’Angela Merkel qui a décidé d’accueillir 800.000 réfugiés. Comme le dit François Héran, si elle l’a fait, au-delà sans doute de sa sincérité dans la compassion, c’est aussi parce qu’elle peut se le permettre. Un surcroît de 800.000 personnes sur un pays de 80 millions d’habitants, c’est une augmentation de 1% de la population. Son pays n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai, l’Allemagne a accueilli autant de personnes en 1992. À l’époque, son pays accueillait les migrants fuyant les guerres de l’ex-Yougoslavie, sans oublier les Russes ou Kazakhs d’origine allemande qui bénéficiaient d’un droit au retour !

De plus, la chancelière allemande sait également que depuis les années 70, l’Allemagne enregistre plus de décès que de naissances ! Et puis, les projections démographiques confirment que d’ici 40 ans, demain donc, la population active de l’Allemagne va baisser mécaniquement de 20%.

La morale et l’intérêt se rejoignent donc dans le cas du geste d’Angela Merkel. Sans compter qu’en terme d’image, l’Allemagne qui avait la réputation d’être le pays de la rigueur, de l’égoïsme budgétaire et du “NON” aux Grecs, démontre qu’elle sait aussi être très généreuse. En d’autres termes, si l’Allemagne avait déjà le leadership économique sur l’Europe, avec ce geste, elle a aussi pris le leadership moral !

Pour l’Europe, accueillir 1 million de réfugiés, ce n’est jamais qu’une croissance de 1/500e !

Bien entendu, tout n’est pas aussi simple. Une autre question arrive immédiatement en tête: va pour la morale, mais est-ce soutenable économiquement, alors que nous sommes encore en crise ? D’abord, comme le rappelle ce démographe, la grande partie des réfugiés – syriens notamment – sont en Turquie, en Jordanie ou au Liban. Et donc, n’arrivent en Europe que les plus jeunes et les plus instruits. Pour l’Europe et ses 510 millions d’habitants, accueillir environ 1 million de réfugiés ou d’exilés, c’est l’équivalent d’une croissance de 1/500e !

Évidemment, les images à la télévision, et le désarroi de nombreux politiques, donnent l’impression qu’il y a flot énorme de réfugiés. C’est une réaction normale, même le général de Gaulle a eu une première réaction horrifiée lorsque l’un de ses ministres lui a indiqué qu’il faudrait accueillir 10.000 rapatriés à la fin de la guerre d’Algérie. En réalité, ils étaient un million sur un pays de 47 millions à l’époque ! François Héran a par conséquent raison de dire que les chiffres absolus impressionnent, voire font peur, mais en démographie, il faut raisonner en proportion.

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