Développer le tourisme à Lagos, une question “de vie ou de mort”

A Lagos, l'aéroport international fuit de toutes parts à chaque saison des pluies... © AFP

A Lagos, l’aéroport international fuit de toutes parts à chaque saison des pluies, les embouteillages découragent les plus audacieux et les plages ressemblent à des décharges publiques. Mais pour le gouvernement local, développer le tourisme dans la capitale économique du Nigeria est aujourd’hui un “besoin absolu”.

Le Nigeria vit presque exclusivement de sa rente pétrolière depuis plus de 50 ans, mais face à la chute du prix du baril, l’ex-première économie d’Afrique est officiellement entrée en récession mercredi, après deux trimestres consécutifs de croissance négative. “Nous devons trouver des alternatives à nos revenus”, explique le ministre local pour le tourisme et la culture, Folorunsho Folarin-Coker. “Encourager le tourisme est une question de vie ou de mort”.

Alors que l’économie du Nigeria recule et que l’inflation galope, Lagos a les reins plus solides: le hub financier et culturel du pays représente 40% des revenus d’impôts de tout le pays (1,3 milliard de dollars en 2015), selon le directeur de la chambre de commerce et d’industrie de Lagos, Muda Yusuf. Et pourtant, les pénuries de devises découragent les investisseurs et l’enthousiasme des dernières années ne se fait plus sentir dans la mégalopole de 20 millions d’habitants.

“Les loisirs et le tourisme sont les moyens les plus rapides de relancer l’économie en touchant toutes les strates de la société”, confie M. Coker à l’AFP. “Un concert peut faire vivre les vendeuses de suya (viande grillée) dans la rue, des ingénieurs du son, promouvoir un artiste…”, dit-il, rêvant de faire de la nuit lagossienne l'”Ibiza de l’Afrique”.

Selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme (WTTC), le tourisme ne représentait que 1,6% de son PIB en 2012.

Pour l’institut économique Oxford Business Group, ce “secteur du tertiaire négligé par rapport au développement des banques et des télécommunications”, pourrait atteindre les 4,8% du PIB en 2016, “si le Nigeria parvient à mettre en valeur son offre culturelle”.

Et sur ce point Lagos part de très loin. Le célèbre guide de voyage Lonely Planet promet une ville “où les gens sont au coude-à-coude, les voitures côte à côte, la pollution et le bruit au-delà de l’imaginable, le taux de criminalité intimidant (…) et les embouteillages absurdes”.

Le ministre local le reconnaît volontiers, “il nous est toujours difficile d’imaginer un tourisme international. Mais nous devons aujourd’hui construire les bases d’un tourisme local, et profiter de l’émergence de notre classe moyenne”.

Réfléchir autrement

En 2014, il manquait encore 8.000 chambres d’hôtel à Lagos. Ces dernières années, toutes les grandes enseignes se sont implantées dans les riches quartiers des îles, mais il manque un grand nombre de logements pour les revenus intermédiaires.

Raphael Chiadikobi a travaillé 18 ans dans le secteur bancaire, avant de se lancer dans l’hôtellerie. Son premier 3 étoiles, Imax Guesthouse, a ouvert le mois dernier dans le quartier chaotique d’Apapa. “Maintenant, tous les pays ont du pétrole, alors il faut réfléchir autrement”, explique le businessman. “Le secteur de l’hôtellerie a énormément de potentiel”, affirme-t-il. “Mais, nous n’avons pas d’électricité, pas de bonnes routes, il faut tout faire nous-même”.

C’est le même constat qui a poussé Emeka Okocha à lancer “Nothing to do in Lagos” (Rien à faire à Lagos), une application mobile qui répertorie tout ce que la ville peut offrir comme activités et loisirs pour ses 20.000 inscrits. “Les gens se plaignent qu’il n’y a rien à faire, mais ce n’est pas vrai”, assure le jeune entrepreneur. Son site propose les horaires des cinémas, concerts, événements sportifs…

Il organise aussi des pique-niques géants dans des spots insoupçonnables. “Il n’y a pas de parc à Lagos, pas de carte routière fiable et on ne peut pas s’aider de Google pour trouver quoi que ce soit! Mais grâce au bouche à oreilles, on trouve des endroits incroyables”. “Avec la chute du cours du naira, les Nigérians ne peuvent plus voyager, alors ils restent là et ils doivent bien s’occuper”, explique M. Okocha à l’AFP. “La crise nous force à être créatifs.”

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