Des euro-obligations… sans le dire ?

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Le succès de l’émission d’obligations par le Fonds européen de stabilité financière, ajouté à celui du Mécanisme européen de stabilité financière, fait dire à Guy Verhofstadt qu'”on a déjà commencé” à faire des euro-obligations sans le dire. Le système est toutefois loin d’être mis en place.

Le débat fait toujours rage au sein de la zone euro entre partisans et adversaires des euro-obligations pour régler la crise de la dette, alors qu’en réalité, elle s’est déjà engagée sur cette voie sans le crier sur les toits.

L’Union monétaire a franchi un cap mardi avec le franc succès de la toute première émission obligataire de son Fonds européen de stabilité financière (FESF), qui a permis de lever 5 milliards d’euros pour alimenter le plan d’aide financier promis fin 2010 à l’Irlande, en association avec le FMI.

Créé en mai 2010 dans le sillage de la crise grecque pour sauver l’euro, le FESF n’avait encore jamais servi. Athènes avait certes bénéficié l’an dernier d’un plan de sauvetage international, mais via un dispositif distinct.

Pour Guy Verhofstadt, “on a déjà commencé” à faire des euro-obligations sans le dire

L’arsenal européen se compose aujourd’hui de deux armes.

D’une part, le FESF, un fonds de secours doté de 440 milliards d’euros qui emprunte sur les marchés de l’argent pour les pays en difficulté grâce à des garanties apportés par les différents Etats de l’Union monétaire.

D’autre part, le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF), doté de 60 milliards d’euros garantis eux par le budget de l’UE. Il a déjà amorcé la pompe pour l’Irlande en empruntant avec succès 5 milliards d’euros début janvier.

Pour Guy Verhofstadt, chef de file des élus libéraux au Parlement européen, “on a déjà commencé” à faire des euro-obligations pour l’Irlande avec ces outils. A présent, il convient d’aller plus loin et de franchir “le pas vers un système de marché obligataire pour couvrir une partie des dettes publiques en Europe”, a-t-il estimé, jugeant que “les Chinois sont ravis qu’on commence à émettre des obligations en euros”.

Autre promoteur de l’idée, Jean-Claude Juncker, chef de file des ministres des Finances de la zone euro, juge encourageant le succès des premières émissions européennes pour l’Irlande : “Lorsque cela s’appelle zone euro, la confiance est là, cela me rend confiant quant à d’autres propositions qui ont été faites récemment.”

Cela a la couleur des euro-obligations, le goût des euro-obligations… mais ce ne sont pas encore des euro-obligations

Pour autant, si l’opération de sauvetage de l’Irlande a le goût des euro-obligations, la zone euro en est encore loin. Le projet d’euro-obligations passe certes par une mutualisation des emprunts publics par plusieurs pays, pour permettre aux plus fragiles d’être protégés sous le parapluie commun en s’endettant à moindre coût. Mais il suppose surtout que cela se fasse à très grande échelle.

“Il faudrait le faire sur une échelle qui créerait un actif avec un marché profond, liquide”, ce qui n’est pas le cas actuellement, souligne Jean Pisani-Ferry au sein de l’institut de recherche Bruegel.

Pour y parvenir, les pays de la zone euro devraient accepter de mutualiser une très grande partie de leurs obligations : au moins la moitié. Or, l’Allemagne, qui bénéficie aujourd’hui des meilleurs taux d’intérêt, ne veut pas en entendre parler, par crainte de devoir payer plus cher et de supporter les conséquences des déficits budgétaires d’autres Etats moins disciplinés.

Si la France, elle-même bien notée par les agences financières avec un “AAA”, ne ferme pas totalement la porte, elle conditionne une telle avancée à des garanties strictes en matière de discipline budgétaire par tous les pays : “Si vous mettez en place des eurobonds, concrètement, vous diluez la force, la solidité de certains Etats membres sans avoir intégré ou consolidé la zone euro sur les plans budgétaire et économique, a relevé Christine Lagarde, ministre hexagonale de l’Economie, lundi sur la chaîne américaine CNBC. Je pense que nous devons faire cela avant, après quoi nous pourrons songer aux eurobonds.”

Trends.be, avec Belga

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