Des entreprises américaines redoutent le coût des droits douaniers

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De l’automobile à l’agriculture, des entreprises américaines, déjà confrontées à la hausse des prix du pétrole, redoutent que les taxes sur les importations d’acier et d’aluminium des alliés des Etats-Unis affectent leurs investissements et conduisent à des licenciements en raison des représailles promises.

“Décevante”, “contre-productive”: c’est ainsi que la plupart des organisations patronales, à l’exception de la sidérurgie, ont accueilli l’imposition à compter de ce vendredi de droits de douanes supplémentaires de 10% sur l’aluminium et 25% sur l’acier importés de l’Union européenne, du Canada et du Mexique. Une décision ardemment défendue par le président Donald Trump.

Ces droits douaniers, qui viennent s’ajouter à des taxes sur les importations chinoises, sud-coréennes et japonaises entre autres, vont entraîner une hausse des prix de produits tels que les voitures, les canettes de boissons ou de bière et les boîtes de conserve, préviennent ces organisations qui ont tenté sans succès de convaincre la Maison Blanche de renoncer à ses projets.

“Restreindre la chaîne d’approvisionnement en matières premières pour les Etats-Unis en imposant des droits douaniers sur des importations de nos plus proches partenaires commerciaux est un coup dur pour le secteur manufacturier américain”, fustige Paul Nathanson, porte-parole de la Coalition of American metal manufacturers and users, un groupement réunissant plus de 30.000 entreprises utilisant l’acier et l’aluminium.

Ford affecté

M. Nathanson affirme que des entreprises “vont être forcées de faire des choix difficiles entre les technologies, les investissements et les emplois”, l’Union européenne, le Canada et le Mexique ayant par exemple représenté à eux trois près de 44% des importations d’acier au premier trimestre 2018.

Il rappelle qu’en 2002, la décision de George W. Bush d’imposer des taxes sur l’acier avait causé la suppression de 200.000 emplois alors même que le Mexique et le Canada en étaient exemptés. Ces taxes avaient été abandonnées fin 2003 sous la pression de l’UE.

Cette fois-ci, au moins 70.000 emplois nets devraient disparaître dans les deux prochaines années dans le secteur manufacturier, estime le cabinet Oxford Economics.

Le constructeur automobile Ford, dont la dernière génération du pickup F-150, véhicule le plus vendu aux Etats-Unis, est composée d’aluminium, a accusé au premier trimestre un surcoût de l’ordre de 1,5 milliard de dollars lié à la hausse des prix des matières premières. Cette facture, qui n’incluait pas l’augmentation du prix de l’aluminium, est susceptible de se corser dans les prochains mois, craint la marque à l’ovale bleu.

Arconic, qui fournit des matériaux composites pour les industries automobiles et aéronautiques, a révisé à la baisse ses prévisions de bénéfice pour l’année, tandis que le fabricant de ketchup, de condiments et de soupes Kraft Heinz redoute des pressions sur les prix des emballages.

“Les entreprises qui font état de la hausse du coût des matières premières ont le choix soit de les assumer en réduisant leurs marges bénéficiaires, soit de les répercuter sur leurs clients”, avance Patrick O’Hare, expert chez Briefing.com. “Si elles choisissent la deuxième option, alors leurs clients les répercuteront sur les leurs et ainsi de suite, ce qui aboutira à une inflation plus généralisée”.

Colère des agriculteurs

Les conséquences du protectionnisme de l’administration Trump se ressentent également dans le secteur agricole, poumon économique dans les Etats ruraux ayant voté pour le magnat de l’immobilier en 2016, car la riposte immédiate du Canada et du Mexique touche le porc, les pommes, le yaourt et le papier toilette.

“Ces droits douaniers nuisent aux agriculteurs américains et vont conduire certaines exploitations déjà en difficulté au bord du gouffre”, fustige Brian Kuehl, de Farmers For Free Trade, un lobby d’agriculteurs.

L’industrie automobile, qui comptait pour 27% de la demande d’acier en 2017, craint, elle, une perte de compétitivité.

“Un droit douanier est un impôt et cette décision va augmenter les prix et affecter les producteurs automobiles américains et leurs clients. Des représailles de la part de nos partenaires commerciaux décupleraient cet impact et risqueraient de décourager les exportations américaines”, argumente John Bozzella, le président de Here for America, qui regroupe constructeurs et concessionnaires.

“La hausse des coûts va entraîner le report, voire l’abandon de milliards de dollars d’investissements dans des sites de production de produits chimiques qui avaient été annoncés lors des dix dernières années”, regrette pour sa part Cal Dooley, d’American Chemistry Council, le lobby de l’industrie chimique en pleine renaissance grâce au boom des gaz et pétrole de schiste aux Etats-Unis.

A l’inverse, les sidérurgistes américains saluent des droits qui relancent, selon eux, la production dans l’Ohio et l’Illinois, Etats ouvriers sinistrés par le déclin de l’industrie américaine.

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