Débarrassée des USA, la Chine prête à redessiner la carte du commerce mondial

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En abandonnant l’accord de libre-échange transpacifique (TPP), l’Amérique de Donald Trump pourrait laisser le champ libre à la Chine pour redessiner le paysage du commerce mondial, à l’heure où elle ambitionne de mettre sur pied des pactes économiques alternatifs en Asie.

L’objectif du TPP n’était autre que “d’institutionnaliser la domination économique des Etats-Unis en excluant et effaçant la Chine”, en “endiguant” le géant asiatique, a affirmé jeudi dans un commentaire le Quotidien du Peuple, porte-voix du Parti communiste chinois.

Autrement dit, Pékin ne regrettera pas le naufrage annoncé de cet ambitieux accord commercial qui réunit douze pays bordant l’océan Pacifique, mais pas la Chine.

Ce texte, promu par Washington et censé façonner les règles du commerce du 21e siècle, a été signé en 2015 mais n’est pas encore entré en vigueur. Il paraît désormais largement compromis après la promesse de Donald Trump d’en retirer les Etats-Unis.

L’exubérant milliardaire s’est également engagé à établir des droits de douane prohibitifs pénalisant les importations venant de Chine et du Mexique.

“C’est la Chine qui bénéficiera le plus d’un protectionnisme américain accru”, renchérissait le Global Times, quotidien officiel chinois au ton nationaliste, pour qui la deuxième économie mondiale pourrait “reprendre le flambeau” et devenir “un chef de file du libre-échange”.

Les alliés des Etats-Unis apparaissent eux déconcertés: “Le TPP sans les États-Unis n’aurait pas de sens”, a lâché le Premier ministre nippon Shinzo Abe, assurant toutefois qu’il ne désespérait pas de convaincre M. Trump de renoncer à son projet.

“Si les Etats-Unis s’éloignent du TPP, cela pourrait ouvrir la porte au développement par la Chine de ses propres initiatives en Asie”, ont observé les analystes du cabinet IHS Global.

Le RCEP, un TPP avec la Chine, sans Etats-Unis, et sans normes environnementales ou de travail

Plusieurs pays semblent déjà prêts à tourner la page et à accélérer les négociations sur d’autres projets de libre-échange en discussion, dans lesquels Pékin joue un rôle clef.

L’Australie avait ainsi averti, dès l’élection de Donald Trump, que le vide provoqué par un échec du TPP “pourrait être comblé” par le RCEP.

Ce projet d’accord de libre-échange réunit l’Asean (Association des nations du sud-est asiatique), l’Australie, l’Inde, le Japon, la Corée du sud, la Nouvelle-Zélande et la Chine, qui soutient ardemment l’initiative. Mais pas les Etats-Unis.

Contrairement au TPP, il n’imposerait pas à ses membres des normes environnementales et en termes de droit du travail.

Surtout, la Chine entend désormais accélérer son propre projet de Zone de libre-échange Asie-Pacifique (FTAAP) visant à rassembler les 21 membres de l’Apec (Forum Asie-Pacifique, 60% du commerce planétaire), comme l’a récemment martelé le président chinois Xi Jinping lors d’un sommet de l’Apec au Pérou.

“La construction de la FTAAP est une initiative stratégique vitale pour la prospérité à long terme de la région”, a-t-il insisté.

Pour Pékin, l’enjeu est majeur: décriant l’influence diplomatique et économique très forte des Etats-Unis en Asie, le régime communiste s’efforce de muscler sa stature sur la scène régionale et mondiale et évoque sa relation à Washington comme un dialogue d’égal à égal “entre grandes puissances”.

‘Champion’ du libre-échange ?

A Lima, devant ses homologues des pays de l’Apec, Xi Jinping a enfoncé le clou, s’engouffrant dans la brèche ouverte par la victoire de Trump, pour faire la promotion d’un libre-échange décomplexé.

“Nous n’allons pas fermer la porte, mais l’ouvrir encore plus largement”, a-t-il souligné. “Nous allons pleinement nous investir dans la mondialisation en soutenant le commerce multilatéral.”

Cette autoproclamation de la Chine comme championne du libre-échange a de quoi étonner, tant cela contraste avec les innombrables restrictions que le pays impose en son sein aux entreprises étrangères, bannies de certains secteurs ou contraintes de s’associer à des firmes locales.

Pékin, par ailleurs, adapte volontiers sa politique commerciale et ses taxes douanières en fonction de ses relations diplomatiques avec les autres pays.

En reprenant la main sur les négociations d’accords de libre-échange régionaux, la Chine pourrait engranger des gains en influence géopolitique: en cas de désengagement progressif des Etats-Unis, le géant asiatique pourrait notamment imposer plus aisément ses vues dans les différends territoriaux en mer de Chine méridionale.

Le ministère chinois des Affaires étrangères s’en défend pourtant farouchement: “On devrait éviter de politiser des accords de libre-échange, et tous les pays devraient cesser de les surinterpréter via des lunettes géopolitiques”, s’est énervé mercredi son porte-parole Geng Shuang.

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