Cuba réforme sa Constitution et va reconnaître l’économie de marché

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Cuba s’apprête à reconnaître le marché et la propriété privée comme des composantes de son économie socialiste: l’Assemblée nationale examine à partir de samedi une réforme de la Constitution sans renier pour autant ses fondements idéologiques.

Ce changement vise selon les autorités à faciliter l’indispensable ouverture de l’économie de l’île aux investissements étrangers et à l’initiative privée, lancée par Raul Castro en 2008.

Mais “à Cuba, il n’y aura pas de virages capitalistes”, a récemment souligné le président cubain Miguel Diaz-Canel.

Depuis son entrée en vigueur, la Constitution de 1976 a déjà été modifiée à trois reprises.

Le futur texte réaffirme “le caractère socialiste” du système politique, économique et social, et le rôle central du parti unique au pouvoir, le Parti communiste de Cuba (PCC), en tant que “force dirigeante supérieure de la société et de l’Etat”.

“Que le marché ait une plus grande importance et joue un rôle transcendant dans le projet économique et social à Cuba était attendu” dans la nouvelle Constitution, a déclaré à l’AFP l’avocat constitutionnaliste José Antonio Fernandez.

Le texte de 224 articles, élaboré par une commission parlementaire dirigée par Raul Castro et Miguel Diaz-Canel, doit être adopté ce week-end par l’Assemblée nationale avant d’être soumis à un référendum.

Propriété privée

Après quatre décennies d’une économie en grande partie étatisée, les réformes de Raul Castro ont stimulé l’entrepreneuriat privé, qui emploie désormais 591.000 personnes, selon les chiffres officiels, soit 13% de la population active.

Le gouvernement, qui avait suspendu l’octroi de nouvelles licences pour une trentaine d’activités parmi les plus rentables, notamment dans la restauration, afin de revoir la réglementation, vient de redonner son feu vert à ces initiatives tout en renforçant les contrôles.

Le projet de Constitution “reconnaît le rôle du marché et de nouvelles formes de propriété, entre elles la privée”, a résumé le journal d’Etat Granma. Cela permettra la légalisation de la petite et moyenne entreprise.

Le texte reconnaît aussi “l’importance des investissements étrangers pour le développement du pays”, un mécanisme qui existait déjà mais en complément à l’investissement public d’Etat via des sociétés mixtes.

“J’espère que la Constitution limitera le marché pour que celui-ci va permettre le développement du pays sans étouffer le caractère humaniste de la révolution”, a ajouté Me Fernandez.

Premier ministre

La future Constitution rétablit le titre de président de la République, actuellement appelé président des Conseils d’Etat et des ministres.

En outre, la figure de Premier ministre est créée, mais les détails sur le mode de désignation n’ont pas encore été précisés.

“Ce ne sera pas une figure quelconque. L’objectif est sans doute de retirer des responsabilités exécutives ou administratives au président. Cela pourrait aider à équilibrer la concentration des pouvoirs”, estime Me Fernandez.

Le futur texte accordera plus de droits à la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres), longtemps discriminée sur l’île, selon Granma.

“J’espère que le chapitre de la famille, où figurait un concept totalement hétérosexuel du mariage, ouvrira la porte au mariage et à l’adoption pour tous”, a souligné l’avocat constitutionnaliste.

La prochaine Constitution cubaine devrait aussi reconnaître Cuba comme un Etat socialiste de droit, démocratique, indépendant et souverain.

“Reconnaître en 2018 que Cuba est un Etat de droit est une sacrée victoire pour la démocratie. Mais il faut ensuite que des lois suivent”, estime Me Fernandez.

Parmi elles, il cite “la régulation des relations politiques et sociales, les garanties en matière des droits de l’homme, liberté de la presse, de parole et de pensée”.

Sur les réseaux sociaux, le débat faisait rage concernant ces sujets-là après un récent discours du président Diaz-Canel à un congrès de journalistes où il a critiqué ceux qui faisaient du journalisme hors du giron de l’Etat.

“On l’est ou on ne l’est pas, depuis les temps de Shakespeare”, a jugé M. Diaz-Canel en référence aux révolutionnaires, rappelant au passage que les fondements idéologiques n’était pas concernés par les réformes constitutionnelles.

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