Croissance : l’Allemagne pourrait vite déchanter

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Le rythme de croissance de l’économie allemande du deuxième trimestre n’est pas tenable sur le reste de l’année. Le PIB devrait retomber à des niveaux modestes dans les prochains mois. Explications.

Tout semble aller pour le mieux outre-Rhin : la croissance a atteint 2,2 % au deuxième trimestre, le marché du travail a bien résisté, la production va croissante, les exportations sont en forme… et pourtant, les milieux des affaires continuent de broyer du noir. En effet, deux questions se posent autour des performances exceptionnelles de l’Allemagne.

L’économie allemande continuera-t-elle à croître sur le même rythme ?

“Non, l’euphorie ne durer a pas et la croissance devrait retomber à des niveaux bien plus modestes dès le troisième trimestre (autour de 0,7 %, en variation trimestrielle)”, répond Stefan Schneider, économiste chez Deutsche Bank. L’austérité budgétaire qui s’installe dans tous les pays d’Europe et la fin des politiques monétaires accommodantes réduiront les débouchés pour les produits allemands sur le Vieux Continent.

Les exportations de la première puissance européenne pâtiront également des piètres performances de l’économie américaine et du ralentissement chinois. En effet, les PMI chinois et américain, indice phare de l’activité dans le secteur manufacturier de ces pays, et très bon indicateur avancé de l’évolution des exportations allemandes, sont en chute libre depuis avril. Dans ce contexte, les exportations allemandes ne devraient croitre que de 6 % en 2011, contre 12 % cette année.

En outre, il ne faut toujours pas compter sur la demande intérieure pour prendre le relais. Au mois de juillet, Berlin a mis en oeuvre son programme d’austérité avec une baisse des dépenses de 12,5 milliards d’euros par rapport à 2010. Ce n’est qu’un début, car cette réduction s’inscrit dans le cadre d’un vaste plan d’économies de 80 milliards d’euros sur quatre ans, le plus important de l’histoire de la République fédérale allemande. La croissance allemande ne devrait pas dépasser 1,5 % en 2011, toujours d’après les estimations de Deutsche Bank.

Les bonnes performances du marché du travail allemand sont-elles durables ?

Le marché du travail allemand offre une résistance exemplaire à la crise, puisque le taux de chômage est au plus bas depuis 1993 (7,6 % en juillet) et continue de baisser. Mais ces bons chiffres s’expliquent par plusieurs facteurs qui ne sont que temporaires. “La croissance allemande n’est pas porteuse d’emploi”, souligne Sylvain Broyer chez Natixis.

Depuis un an, les autorités allemandes ont renforcé les mesures d’accompagnement des chômeurs en offrant des formations, des requalifications, des emplois d’intérêt public à 1 euro. Les chômeurs bénéficiaires de cet accompagnement sortent des statistiques officielles. Sans parler de “maquillage” du nombre de chômeurs, ces mesures ne génèrent pas d’emplois pérennes ou bien rémunérés. En les rapprochant du nombre officiel de chômeurs, celui-ci augmenterait de 897.000 personnes, à 4,15 millions de personnes.

Ensuite, en 2010, la baisse de la population active, entraînée par le recul des jeunes diplômés et la hausse des départs à la retraite du au vieillissement de la population, s’est accélérée. Quelque 0,3 % de la baisse du taux de chômage en 2010 s’explique par ce phénomène, contre 0,1 % l’année dernière.

Enfin, la politique de l’emploi active (dépenses d’infrastructures publiques pour créer des emplois dans la construction et subventions au chômage partiel) menée par le gouvernement pendant la crise commencera à s’essouffler et sera remise en cause par le plan d’austérité budgétaire.

L’Allemagne ne doit donc pas crier victoire trop rapidement. Même si elle reste mieux placée que ses voisins européens pour repartir, le géant germanique doit continuer de consolider son économie pour l’avenir, afin de soutenir la croissance et le marché de l’emploi.

Elodie Grangié, L’Expansion.com

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