Crise : La France au point mort

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Bien qu’elle échappe de justesse à la récession, on ne peut pas dire que la situation économique de la France soit au beau fixe : Sa croissance est au point mort depuis neuf mois, et son PIB pas plus vaillant. Pour pouvoir tenir ses engagements de déficits, le gouvernement va se voir contraint de durcir encore davantage sa cure de rigueur. Décryptage.

Le verdict est tombé ce matin: le PIB de la France a stagné au deuxième trimestre (0%), comme au premier trimestre et comme au quatrième trimestre 2011, selon les chiffres publiés par l’Insee. Cela fait donc neuf mois que la croissance française est nulle.

Pourquoi la croissance française stagne-t-elle?

Après trois trimestres consécutifs de faible progression, la consommation des ménages français, principal moteur de la croissance en France, a reculé (-0,2%) au deuxième trimestre. Le repli a concerné à la fois les dépenses en produits manufacturés et, phénomène plus exceptionnel, les services. De fait, le pouvoir d’achat des ménages a commencé à se contracter légèrement depuis la mi-2011.

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La production industrielle de nos voisins a continué de chuter (-1% après -0,9% au premier trimestre). Le secteur automobile a été particulièrement touché (-3,3%). Le commerce extérieur encore une fois pesé négativement (-0,5 point de PIB), compte tenu de la crise en zone euro qui pèse sur les exportations tricolores. Si la croissance n’a pas évolué en territoire négatif sur la période, c’est grâce à l’investissement, notamment celui des entreprises non financières qui progresse de 0,6% après -0,8% au premier trimestre. L’investissement des administrations lui aussi se redresse (+0,9% après -0,1%), grâce aux travaux publics.

La France est-elle en récession?

Ces chiffres “ne sont pas excellents”, a reconnu Pierre Moscovici ce matin sur Europe 1. “En même temps, ce que je constate, c’est qu’en effet la France n’est pas en récession” contrairement à “la plupart de ses partenaires”, a ajouté le ministre de l’Economie. Techniquement, il a raison: la définition officielle de la récession est deux trimestres de suite de recul du PIB. Mais la croissance est au point mort.”Compte tenu de l’environnement actuel – aggravation de la crise en Europe et resserrement de la politique budgétaire -, cette atonie est presque une bonne nouvelle”, commente Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas, dans une note de conjoncture publiée mardi.

La France fait-elle mieux ou pire que ses voisins?

L’économie française fait mieux que la moyenne européenne : la zone euro a, elle, fait un pas vers la récession au deuxième trimestre, avec un PIB en recul de 0,2%. Mais la France reste à la traîne par rapport à son principal partenaire, l’Allemagne, qui enregistre une progression de 0,3%. La Belgique (-0,6%) fait un pas vers la récession ; l’Espagne (-0,4% au deuxième trimestre), l’Italie (-0,7%), le Portugal (-1,2%) et Chypre (-0,8%) s’enfoncent dans la récession. La situation la plus préoccupante est celle de la Grèce qui traverse sa cinquième année de récession et dont le PIB s’est contracté de 6,2% au deuxième trimestre 2012, après une contraction de 6,5% au premier trimestre. En dehors de l’Allemagne, l’Autriche et les Pays-Bas résistent. “On est dans le ventre mou du championnat européen”, note le chef économiste d’Exane BNP Paribas, Pierre-Olivier Beffy. “L’économie française n’est pas aussi robuste que l’économie allemande, mais ça reste une performance honorable dans un environnement qui n’est pas très positif”, explique-t-il à l’AFP.

Le compteur français va-t-il rester bloqué sur zéro?

Cette panne de croissance en France dure déjà depuis trois trimestres. C’est inquiétant. Néanmoins, la croissance devrait être positive sur l’ensemble de l’année. Le ministre de l’Economie et des Finances a d’ailleurs maintenu l’objectif gouvernemental de progression de l’activité de 0,3% pour 2012. Cet objectif semble en effet réalisable. L’acquis de croissance, c’est-à-dire le résultat d’ores et déjà obtenu pour l’année si le PIB devait continuer à stagner jusqu’en décembre, est en effet de 0,2%. Et l’Insee prédit un léger rebond au second semestre (+0,1% au troisième trimestre et +0,2% au quatrième). C’est pour 2013 qu’il faut s’inquiéter. Si la situation en zone euro ne s’améliore pas, la croissance française n’atteindra pas l’objectif visé par le gouvernement l’an prochain (+1,2%), et sera probablement inférieure à 1%.

Quelles conséquences pour les finances publiques françaises?

Cette panne de croissance complique l’équation budgétaire du gouvernement. Moins de croissance signifie moins de rentrées fiscales. Un ancrage dans la stagnation va contraindre le gouvernement à durcir encore davantage sa cure de rigueur pour ramener le déficit public à 3% du PIB l’an prochain, comme promis à Bruxelles. Avec une croissance estimée à 1% en 2013, il faudra dégager 33 milliards d’euros d’économies supplémentaires l’an prochain tenir cet objectif, selon la Cour des comptes. Les hausses d’impôts figurant dans le programme de campagne de François Hollande -17,3 milliards sur les entreprises et 11,8 milliards sur les ménages – ne suffiront pas, d’autant que ces recettes fiscales sont probablement surestimées. Il faudra également couper dans les dépenses publiques, au risque d’affaiblir plus encore la croissance.

Et pour le chômage?

Le début d’année n’était pas si mauvais: la France avait créé 18.000 emplois au premier trimestre et les plans de licenciements avaient été retardés par les élections présidentielles. Mais depuis, les mauvaises nouvelles s’enchaînent sur le front de l’emploi. L’économie a détruit 11.700 emplois au deuxième trimestre. Le taux de chômage a franchi la barre des 10% et le seuil des trois millions de demandeurs d’emplois sera atteint avant la fin de l’année, probablement en septembre. Pour que le chômage recule en France, il faut que la croissance atteigne au moins 1,5%. Ce ne sera pas le cas cette année, ni l’année prochaine. Sur le front de l’emploi, le pire reste encore à venir…

Trends.be avec l’Expansion

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