Crise de la dette: pourquoi la BCE ne rassure pas les marchés

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La Banque centrale européenne a repris ses achats d’obligations publiques de pays de la zone euro en difficultés sur les marchés. Elle va aussi venir en aide aux banques. Deux opérations censées ramener le calme sur les marchés. Les Bourses européennes ont pourtant accéléré leur chute.

La Banque centrale européenne (BCE) a décidé d’intervenir fermement pour tenter d’éteindre les feux de crise de la dette en zone euro, notamment en reprenant ses interventions sur le marché obligataire, a annoncé jeudi 4 août son président Jean-Claude Trichet. Le conseil des gouverneurs de la BCE a décidé “à une écrasante majorité” de procéder à de nouveaux achats, a-t-il dit lors d’une conférence de presse à Francfort (ouest), siège de l’institution. Des sources de marchés parisiennes ont confirmé à l’AFP que la BCE intervenait jeudi après-midi. Auparavant, M. Trichet avait déclaré n’avoir “jamais dit” que ce programme avait été “interrompu”.

La BCE n’en avait pourtant pas fait usage pendant plus de quatre mois. L’ampleur de l’intervention ne sera connue que lundi au plus tôt, la BCE ne communiquant qu’une fois par semaine à ce sujet. Il se pourrait même que l’intervention de ce jeudi ne figure pas encore dans les chiffres de lundi, du fait des délais de compensation. M. Trichet a toutefois ajouté qu’il souhaitait voir le Fonds européen de stabilité financière (FESF), mis en place pour prêter aux Etats en difficulté de la zone euro, le relayer rapidement comme cela a été décidé lors d’un sommet à Bruxelles le 21 juillet. “Ce que nous attendons c’est que ce fonds soit efficace ce qui nous permettra de ne pas intervenir”, a-t-il dit.

La BCE va aussi venir en aide aux banques, en mettant à leur disposition des liquidités supplémentaires. Une opération exceptionnelle de prêt sur six mois aux banques sera lancée le 9 août avec une maturité au 11 mars 2012, en réaction aux “tensions renouvelées sur certains marchés de la zone euro”, a précisé M. Trichet. La BCE avait déjà procédé à ce type d’opérations pour faire face à la crise mondiale, mais ces opérations avaient cessé fin 2009. L’allocation illimitée de crédits aux banques, à taux fixe et sur des périodes allant jusqu’à trois mois, est quant à elle prolongée d’un trimestre, jusqu’à janvier 2012, a ajouté M. Trichet. “Nous pensons que c’est approprié dans les conditions actuelles, afin de restaurer le bon fonctionnement sur tous les marchés”, a commenté le président de la BCE, qui a décidé en outre de maintenir son principal taux directeur à 1,5%

Les Bourses européennes au plus bas

La reprise des achats d’obligations d’Etats de la zone par la BCE n’a pas rassuré des marchés orientés à la baisse depuis plusieurs jours. Plusieurs analystes avaient pourtant fait de cette opération de rachat d’obligations, qui aide les pays les plus fragiles, une condition pour ramener le calme sur les marchés. La Bourse de Paris a fini sur une chute de 3,90% à 3.320,35 points jeudi, au plus bas depuis juillet 2009. Le CAC 40, qui a perdu 134,59 points sur la séance, signe sa neuvième séance de baisse d’affilée, une série inédite depuis septembre 2002 et la fin de l’éclatement de la bulle internet.

L’indice Ibex-35 des principales valeurs de la Bourse madrilène a clôturé en chute de 3,89% à 8.686,5 points, repassant sous la barre symbolique des 9.000 points, pour la première fois depuis juin 2010. L’indice vedette Dax de la Bourse de Francfort a terminé jeudi en recul de 3,40% à 6.414,76 points contre 6.640,59 points la veille à la clôture, soit son plus bas niveau de l’année. La Bourse de Londres a elle terminé en baisse de 3,43%, atteignant son plus bas niveau depuis près d’un an. L’indice Footsie-100 des principales valeurs a cédé 191,37 points pour s’établir à 5.393,14 points, son plus mauvais score depuis le 2 septembre dernier. La Bourse de New York accélérait encore sa baisse jeudi à la mi-journée, au moment de la clôture des places européennes qui ont enregistré de très forts replis: le Dow Jones perdait 3,11% et le Nasdaq 3,59%.

La BCE jugée peu convaincante

Le fait que Jean-Claude Trichet ait annoncé la reprise du rachat d’obligations, en termes sybillins, au détour d’une réponse à la question d’un journaliste, “crée des doutes sur le sérieux” de cet engagement, estime Holger Schmieding, chef économiste chez Berenberg Bank. M. Trichet a par ailleurs “refusé de dire si la BCE allait aussi racheter des obligations espagnoles et italiennes”, ce qui constitue un mauvais signe, poursuit l’économiste. Son confrère de IHS Global Insight, Howard Archer, estime pour sa part que le fait que M. Trichet ait indiqué que cette décision n’avait pas été prise à l’unanimité du conseil des gouverneurs mais à “une majorité écrasante” fait naître des spéculations sur son impact limité.

M. Trichet a ajouté qu’il souhaitait voir le Fonds européen de stabilité financière (FESF), mis en place pour prêter aux Etats en difficulté de la zone euro, relayer rapidement la BCE comme cela a été décidé lors d’un sommet à Bruxelles le 21 juillet. Or ce transfert serait “dangereux”, estime Holger Schmieding. “En cas de panique irrationnelle, un message puissant est nécessaire pour l’arrêter”, ce que seule une banque centrale “qui peut agir vite et à grande ampleur” peut faire”, ajoute-t-il, estimant que la BCE avait “raté une opportunité d’agir de manière plus convaincante”. “En se montrant si réticente (…) la BCE sape l’efficacité” de son action “puisque les marchés financiers ne peuvent pas s’appuyer sur elle comme prêteur de dernier recours aux gouvernements”, renchérit Marie Diron, du cabinet Ernst and Young.

Lexpansion.com

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