Connaissez-vous le plan bonus collectif ?

© Thinckstock

Diverses dispositions existent pour contourner en toute légalité le quasi-blocage des salaires. Parmi celles-ci, la mise en place d’un plan d’octroi d’un “avantage non récurrent lié aux résultats”.

Les dispositions prises par le gouvernement fédéral pour préserver la compétitivité de nos entreprises ont eu pour effet secondaire de brider la liberté contractuelle entre employeurs et travailleurs en termes de révision à la hausse des salaires. Les négociations entre partenaires sociaux dans le cadre de l’accord interprofessionnel 2007-2008, la convention collective de travail (CCT) n° 90 du 20 novembre 2007 et une loi votée dans la foulée ont cependant ouvert une certaine brèche, permettant aux employeurs de verser à leurs travailleurs, sous certaines conditions de forme et de fond, une prime nette d’impôt. Son montant maximum était à l’origine fixé à 2.200 euros par travailleur et par an. Il a progressivement évolué pour atteindre en 2014 la somme de 3.131 euros.

Le versement de cette prime est lié à la mise en place d’un “plan d’octroi d’avantage non récurrent lié aux résultats”, communément appelé “plan bonus collectif”. Pour les travailleurs, la condition sine qua non d’obtention de l’avantage est liée à l’atteinte d’un ou de plusieurs objectif(s) collectifs prédéfini(s) par l’employeur. Bref, de résultats tangibles à atteindre. Les textes évoquent la “non-récurrence” parce que l’octroi de la prime, même répété dans le temps, ne constitue pas un “droit acquis” pour les travailleurs. Cet avantage n’entre pas non plus en ligne de compte dans le calcul du pécule de vacances, de la prime de fin d’année, des indemnités de préavis, etc.

Un outil de motivation “Le plan d’octroi d’un avantage non récurrent lié aux résultats est un outil de gestion des ressources humaines, un instrument de motivation d’ordre collectif du personnel, estime Joëlle Pirlet, administratrice déléguée du secrétariat social UCM-Liège. Soyons clairs, on récompense ici une équipe, pas des performances individuelles !”

Dans les faits, une très grande partie des plans bonus est corrélée à une évolution du chiffre d’affaires de l’entreprise. “Ce critère me semble effectivement très pertinent, embraie Michel Strongylos, avocat associé chez Elegis-Hannequart & Rasir à Liège. Avec le nombre de pages dactylographiées, c’est d’ailleurs un de ceux que nous avons mis en place au sein de notre propre cabinet. Les autres critères étant liés chez nous à l’atteinte d’objectifs plus qualitatifs (retour de satisfaction de la clientèle, rapports d’évaluation, etc.). A nos yeux, et abstraction faite du régime fiscal favorable du mécanisme, la prime que nous versons ainsi à nos collaborateurs est avant tout une forme de partage et de récompense de la bonne marche du bureau.”

Reste que la prise en compte de l’évolution du chiffre d’affaires comme élément d’octroi ou non du bonus peut poser problème chez certains commerçants et titulaires de professions libérales qui exercent en personne physique ainsi que dans le chef de patrons de PME dont la taille permet encore une publication des comptes à la BNB sans mention du chiffre d’affaires. “La communication de cette information au personnel reste encore un sujet tabou chez certains, confirme Paul Ciborgs, conseiller juridique au secrétariat social UCM-Liège. On peut néanmoins s’en sortir en retenant à la place d’autres critères tels que l’évolution du nombre de clients, l’obtention d’une norme de qualité (ISO), la réussite d’une migration vers un nouveau support informatique. L’objectif lié à une diminution de l’absentéisme ne peut quant à lui être utilisé que si l’entreprise est parfaitement en règle en matière de politique de bien-être des travailleurs. Comme il s’agit d’une matière complexe, cet objectif doit être manié avec une extrême prudence.”

Non imposable mais soumise à l’ONSS… Si l’objectif prédéfini est atteint, la prime est due. Tant que son montant ne dépasse pas le plafond autorisé et si toutes les conditions sont remplies (lire l’encadré), elle est exonérée d’impôts dans le chef du travailleur et est intégralement déductible pour l’employeur.

La prime est toutefois soumise à l’ONSS. Elle est l’objet d’une retenue de 13,07 % à la source et l’employeur doit également supporter une cotisation patronale spéciale de 33 %. “Au final, le plan bonus reste des plus intéressants, conclut Paul Ciborgs. C’est une des formules qui permet le mieux de minimiser l’écart entre le coût à charge de l’employeur et le net perçu par le travailleur.”

JEAN-MARC DAMRY

En pratique EN L’ABSENCE D’UNE DÉLÉGATION SYNDICALE :

• l’employeur détermine un plan d’octroi sur base d’un canevas-type contenant les mentions obligatoires (document disponible sur le site web du SPF emploi *). Il reprend clairement le ou les objectif(s) à atteindre sur une période de référence de minimum trois mois.

• Le plan d’octroi débouche sur un acte d’adhésion soumis aux travailleurs. Ces derniers disposent d’un délai de 15 jours pour faire valoir leurs éventuelles observations.

• Au terme de ces 15 jours, l’employeur transmet une copie de l’acte d’adhésion (avec les éventuelles observations des travailleurs) au Contrôle des lois sociales.

• L’employeur envoie son dossier au greffe de la Direction générale des Relations collectives du SPF Emploi à Bruxelles.

• Le greffe transmet à son tour le dossier à la commission paritaire dont relève l’employeur.

• La Commission paritaire dispose alors d’un délai de deux mois maximum pour approuver ou non le plan d’octroi. Les motifs de refus sont souvent liés à l’absence d’une des mentions obligatoires sur l’acte d’adhésion, au non-respect de la législation anti-discrimination, à des critères d’octroi de la prime jugés non pertinents et/ou non vérifiables. Dans les faits, il arrive fréquemment que la commission paritaire délègue l’examen des plans bonus à un fonctionnaire délégué à cette fin.

• En cas de refus de la Commission paritaire ou du fonctionnaire délégué, l’employeur peut le cas échéant introduire un plan corrigé remédiant à certains manquements ponctuels.

• En cas de refus définitif, la voie de recours est alors le recours au Conseil d’Etat.

• Au moment de l’attribution de la prime, l’employeur doit remettre une fiche d’information individuelle à chaque travailleur.

EN PRÉSENCE D’UNE DÉLÉGATION SYNDICALE :

• L’instrument clé est la conclusion d’une convention collective d’entreprise (disponible sur le site web du SPF Emploi) laquelle doit être déposée au greffe de la direction générale des relations collectives du SPF Emploi. Nonobstant les risques et les conséquences d’un contrôle a posteriori, le législateur fait donc confiance aux partenaires sociaux…

Si tout ceci peut sembler rébarbatif et lourd à mettre en place, les secrétariats sociaux sont par contre bien rodés à ce genre de pratique. Le plan bonus est également possible là où l’entreprise ne compte qu’un seul travailleur. Le succès de la formule va croissant chaque année. Répondant à une question parlementaire, la ministre de l’Emploi expliquait au début de l’année dernière que si le montant cumulé des bonus salariaux se chiffrait à 62,1 millions en 2008, il avait constamment augmenté pour atteindre en 2011 la somme de 322,1 millions.

(*) www.emploi.belgique.be/WorkArea/linkit.aspx?LinkIdentifier=id&ItemID=33792

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content