Comment Obama a perdu la bataille des impôts

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Les républicains ont eu tout ce qu’ils voulaient : la prolongation des cadeaux fiscaux pour les plus riches et le plafonnement de l’impôt sur les successions.

Barack Obama a perdu la bataille des impôts. Pas plus tard qu’en novembre, pourtant, le président américain promettait encore de supprimer les cadeaux fiscaux pour les contribuables les plus aisés. A priori, ce n’était pas compliqué : les baisses d’impôts temporaires accordées par Bush arrivent à échéance à la fin de l’année, il suffisait de les laisser mourir de mort naturelle.

Les 2 % des ménages gagnant plus de 250.000 dollars par an verraient le taux d’imposition sur la dernière tranche remonter de 35 % à leur niveau de 2001, soit 39,6 %. Sachant que les impôts fédéraux sont à leur niveau le plus faible depuis 60 ans, il y avait effectivement de la marge pour les relever légèrement et s’attaquer doucement au problème du déficit.

Quelques millionnaires avaient même lancé une pétition demandant à être davantage taxés au nom de la “santé fiscale de notre nation”. En revanche, compte tenu de la fragilité de la reprise, Obama souhaitait reconduire les réductions fiscales pour le reste de la population, ce qui coûterait quand même 400 milliards de dollars sur deux ans.

Obama victime d’une “prise d’otage” par les républicains

C’était compter sans la détermination des républicains qui, dès cet été, ont annoncé la couleur : le maintien des baisses d’impôts pour tous, y compris pour les plus aisés, serait une condition sine qua non pour discuter de toute autre mesure.

Après la défaite fracassante des démocrates aux élections législatives du 2 novembre, les républicains ne se sont pas privés de mettre leur menace à exécution : ils ont fait échouer samedi au Sénat le projet de loi réservant des allègements d’impôts aux ménages gagnant moins de 250.000 dollars par an. Autrement dit, les baisses d’impôt seraient pour tous ou elles ne seraient pas. Devant ce qu’Obama a qualifié de “prise d’otage”, les républicains ont gagné.

Dans le compromis trouvé lundi, non seulement les citoyens aisés continuent de bénéficier des baisses d’impôts – ce qui coûtera 60 milliards de dollars sur deux ans – mais en outre, l’impôt sur la succession est lui aussi puissamment limité : tout patrimoine inférieur à 5 millions de dollars est exempté d’impôt ; au-delà, il est taxé à seulement 35 %. Manque à gagner pour l’Etat sur cette largesse : 88 milliards de dollars sur deux ans. Et là où Obama fait fort, c’est que ces plafonnements sont encore plus généreux que ceux décidés la dernière année de la présidence de Bush.

Nombre de démocrates soulignent “l’hypocrisie” des républicains: ceux-là même qui plaident pour des coupes dans les dépenses de santé et de la sécurité sociale au nom de la très urgente maîtrise du déficit ne sont guère perturbés à l’idée de le creuser davantage si c’est pour la bonne cause, accorder des avantages fiscaux aux plus fortunés.

Obama décroche malgré tout des contreparties

Si les républicains ont donc obtenu tout ce qu’ils voulaient, cela ne s’est pas fait sans contrepartie. Obama a pu faire adopter un certain nombre de mesures de relance, même si la plupart passent par des réductions fiscales plutôt que par des dépenses publiques.

D’abord, il a obtenu 13 mois supplémentaires d’allocations chômage, soit bien plus que prévu. La mesure coûte 57 milliards de dollars. Ensuite viennent les réductions de taxes qui doivent relancer la demande et l’emploi. Une baisse surprise de 6,2 % à 4,2 % des charges sociales sur les salaires inférieurs à 107.000 dollars par an doit notamment dégager du pouvoir d’achat pour les employés. La mesure coûtera 120 milliards de dollars l’année prochaine.

Reste à évaluer l’efficacité de ce package de relance qui coûtera au total entre 600 milliards et 800 milliards de dollars sur deux ans. Le déblocage des allocations est crucial alors que le chômage a grimpé à 9,8 % en novembre et que la part des personnes sans emploi depuis plus de six mois est supérieure à 40 %.

Il faut pourtant relativiser la portée de ces mesures. La plupart d’entre elles ne sont en fait que des prolongements de dispositifs fiscaux déjà existants, ce qui n’aura donc pas d’effet de relance supplémentaire. Tout au mieux évite-t-on la contraction qui aurait résulté de la fin de ces allègements.

Pour ce qui concerne les cadeaux aux plus aisés, il n’est pas certain non plus qu’ils soient de nature à relancer l’économie, puisque, selon la théorie keynésienne, les riches ne feront qu’épargner davantage…

Laura Raim, L’Expansion.com

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