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Comment même les ONG utilisent les grosses ficelles marketing

Il faut se méfier des titres accrocheurs dans la presse, surtout lorsqu’ils portent sur un chiffre qui est là pour choquer. Le dernier en date ? Celui avancé récemment par Oxfam sur la répartition très inégale des richesses.

Le dernier chiffre qui a interpellé le monde entier, on le doit à une étude d’Oxfam. Une étude qui pourrait se résumer à ceci: “1% de la population va détenir 50% de la richesse mondiale en 2016”. Ce n’est pas moi qui vais dire le contraire, les inégalités sont un sujet important, et c’est une raison pour les traiter sur la base de faits, et uniquement de faits indiscutables. Or, malheureusement, les données d’Oxfam sont très controversées et plusieurs médias se sont mordu les doigts de les avoir reproduits sans les vérifier. Le problème, c’est que ces chiffres sont eux-mêmes fondés sur un rapport très controversé de la banque Credit Suisse et dont les services d’Oxfam ont prolongé les courbes. Ce qui donne – hélas – une idée trompeuse des faits.

Comment même les ONG utilisent les grosses ficelles marketing

Si vous lisez, par exemple, le site d’Alexandre Delalgue, un professeur d’économie à Saint Cyr, en France, vous verrez une démonstration lumineuse de cette erreur monumentale ! Que reproche ce professeur à la méthode reprise par Oxfam ? C’est simple: “la mesure utilisée par Oxfam, c’est le patrimoine net, c’est-à-dire les actifs des personnes moins leurs dettes. Et sur cette base-là, par exemple, de nombreux Américains sont endettés et ont donc un patrimoine net négatif, ce qui les rend plus pauvres que des gens qui eux…. n’ont rien du tout ! Selon ce mode de calcul, un étudiant américain à Harvard, qui a pris un crédit pour faire ses études, est donc plus pauvre qu’un réfugié syrien qui cherche à survivre dans les montagnes libanaises. Et toujours selon ce critère, la personne la plus pauvre du monde n’est pas un Africain affamé, c’est Jérôme Kerviel qui depuis sa condamnation doit environ 5 milliards d’euros à la Société Générale, ce qui lui vaut le patrimoine net le plus bas du monde, à moins 5 milliards”.

Et on peut continuer longtemps de la sorte: “Les Américains qui ont pris un crédit auto sont plus pauvres que des Chinois qui n’ont rien du tout. Selon ces calculs erronés, deux milliards de personnes ont donc un actif net négatif, ce qui veut dire que même si vous n’avez rien, vous appartenez déjà aux 70% les plus riches.” Et ce professeur d’économie d’ajouter, très ironique, “que son neveu, qui joue avec une pièce de 50 centimes d’euros, se retrouve d’un coup plus riche que 2,5 milliards de personnes”.

En réalité, si j’en parle aujourd’hui, ce n’est pas pour nuire à la réputation d’Oxfam, dont l’utilité est avérée. Peu importe les erreurs de calcul, il n’en reste pas moins vrai que les inégalités restent monstrueuses au niveau mondial. Et Oxfam a raison de les dénoncer. Non, ce qui est dommage, c’est que même des organisations non gouvernementales utilisent les ficelles marketing les plus grosses pour se faire entendre.

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