Comment les spéculateurs “jouent” avec la dette belge

© Bloomberg

Certains investisseurs profitent et alimentent tout à la fois la contagion de la crise de la dette en Europe. Cet effet contagion rattrape à présent notre pays. Petit tour de la question en quatre temps. Deuxième étape de notre série… et cette question : comment, au juste, ces investisseurs spéculent-ils sur la dette belge ?

“A côté des gestionnaires de portefeuille détenteurs de titres souverains qui veulent se débarrasser d’un risque obligataire pour des raisons de gestion financière, les spéculateurs qui mettent la pression sur les Etats ne détiennent souvent pas les titres souverains en question”, précise Alexandre De Groote, administrateur délégué de Petercam Institutional Bonds. Pour ce faire, ils utilisent principalement deux techniques.

La première consiste à vendre du “papier” qu’on n’a pas. Dans le jargon financier, cette pratique s’appelle le short-selling. En français dans le texte, la vente à découvert. Le principe ? Un investisseur vend à un prix et à une date déterminés un titre (action, obligation, etc.) qu’il ne détient pas en portefeuille. Jouant à la baisse, il espère ainsi gagner de l’argent sur la différence entre le prix de vente de ce même titre et son prix de rachat au moment de la livraison.

En 2008, KBC, Dexia et surtout Fortis ont vu leurs cours de Bourse fondre comme neige au soleil, victimes de “vendeurs à découvert” lorsque ces derniers ont “shorté” leurs actions dans l’espoir de les racheter à des niveaux de cours inférieurs. Les obligations belges n’échappent pas à ce jeu. Pour lutter contre cette forme de spéculation, certains régulateurs ont d’ailleurs interdit les ventes à découvert à nu sur des titres souverains. En d’autres termes, les naked shorts. C’est notamment le cas de la Bafin en Allemagne, pour le Bund allemand.

La seconde technique consiste à jouer sur le marché parallèle, celui des produits dérivés permettant aux détenteurs de dette de s’assurer contre le risque de défaut de paiement d’un Etat ou d’une entreprise, mieux connu sous le nom de CDS (credit default swap). Concrètement, pour assurer une créance de 10 millions d’euros avec un CDS à cinq ans dont le prix s’élève à 168 points de base, il faudra débourser 168.000 euros annuellement pendant cinq ans. Plus le risque s’accroît, plus le prix du CDS grimpe.

Déjà accusés au printemps d’avoir amplifié la crise grecque, les CDS permettent donc à un investisseur d’alimenter indirectement la panique sur les marchés. Comment ? “En pariant sur une hausse de la valeur des CDS sans pour cela avoir le sous-jacent à couvrir en portefeuille”, répond Alexandre De Groote. A titre indicatif, celui de notre pays a bondi de 133 à 204 entre le 19 et le 30 novembre avant de se détendre un peu le 1er décembre, à 192. La France, dans le même temps, passait de 72 à 94. Une envolée moins importante. Et à un niveau inférieur de moitié. L’Allemagne, elle, se situe à un niveau d’environ 50, après la tension récente.

Sébastien Buron

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content