Chine: le tout-puissant Xi Jinping

© REUTERS

Le chef du Parti communiste chinois joue gros en voulant concentrer tous les pouvoirs. Il faut freiner ses ambitions autocratiques et impérialistes.

Lorsqu’ils se réuniront à l’automne 2017 pour leur congrès quinquennal, les quelque 400 membres du Comité central du Parti communiste chinois feront un pas de plus vers la postérité. Ce congrès, le 19e du nom, intervient après 68 ans de règne ininterrompu du parti. Si le PC reste au pouvoir jusqu’au 20e, la dictature communiste chinoise aura dépassé celle de l’ex-Union soviétique en matière de longévité. Peut-être les camarades du parti se félicitent-ils déjà mutuellement : peu de menaces planent sur leur pouvoir. Sous Xi Jinping, le dirigeant qu’ils ont nommé en 2012, la croissance économique a marqué le pas, mais reste tout de même au-dessus de 6 % par an. Les dissidents démocrates et les séparatistes au Tibet et au Xinjiang sont faciles à museler. Les Etats-Unis, bien loin de se préparer à l’effondrement du régime communiste, tentent péniblement de rivaliser avec la montée en puissance de la Chine.

Le maintien de leurs prérogatives étant leur motivation principale, la plupart des délégués devraient approuver la feuille de route de Xi Jinping pour son deuxième mandat et au-delà. Ils donneront leur accord par crainte autant que par intérêt : la campagne de lutte acharnée contre la corruption, l’une des caractéristiques du mandat de Xi Jinping, est une arme qui peut être utilisée contre ses détracteurs. Mais les membres les plus clairvoyants du comité savent qu’il engage le parti et le pays sur un chemin hasardeux, économiquement et politiquement, mais aussi sur la scène internationale.

Omniprésident

Xi Jinping a passé le plus clair de son premier mandat à concentrer le pouvoir entre ses mains. La ” gouvernance collective ” de son prédécesseur, Hu Jintao, qui avait vu une coterie de technocrates anonymes aux cheveux noir corbeau présider aux destinées du pays, a été supplantée par un despotisme plus individualisé – avec des effluves occasionnels de culte de la personnalité. Des ” groupes de pilotage restreints ” constitués au sein du parti décident des orientations politiques dans la plupart des domaines, prenant ainsi les rênes de l’économie des mains du Premier ministre et de son cabinet. Xi Jinping, l'” omniprésident ” chinois, cornaque la plupart de ces groupes.

Le congrès est l’occasion pour lui d’asseoir son pouvoir en plaçant plus de ses partisans à des postes clés. Ils lui permettront peut-être de faire fi des règles interdisant à ses prédécesseurs de rester en place plus de deux mandats. La Chine a connu 30 années de stabilité politique depuis le soulèvement de Tian’anmen, en 1989. C’est en partie dû au fait qu’elle est parvenue, à deux reprises, à opérer un transfert sans heurt du pouvoir suprême. Que Xi Jinping rue dans les brancards et cette stabilité vacillerait.

Ses partisans feront peut-être valoir qu’une main de fer est aussi indispensable aujourd’hui qu’elle l’était lorsque Deng Xiaoping a entrepris de détricoter l’héritage de Mao, le collectivisme, l’économie planifiée et la stagnation. Après une quarantaine d’années de croissance spectaculaire, la Chine se trouve à nouveau à la croisée des chemins. La main-d’oeuvre est moins nombreuse ; la position de la Chine, atelier du monde jusqu’ici, est menacée par la hausse du coût du travail ; des années d’investissements à crédit pourraient se solder par une récession.

Pourtant, Xi Jinping ne semble pas concentrer le pouvoir dans le but de mener à bien les réformes audacieuses dont la Chine aurait besoin. Malgré les belles promesses de son début de mandat, son sens économique ressemble à son sens politique. Il se méfie des libertés, redoute les prises de risque et n’est pas prêt à renoncer au contrôle suprême de l’Etat-parti.

Revendications territoriales

A l’heure où l’économie ralentit, Xi Jinping se reposera plus que jamais sur le nationalisme chinois, considéré à la fois comme source de légitimité et gage de popularité. Un choix dangereux, sachant qu’il semble avoir décrété que la primauté stratégique des Etats-Unis – qui a facilité l’essor en douceur de la Chine – doit être remise en cause. Son insistance à défendre les revendications territoriales chinoises en mer de Chine méridionale a fait trembler la région. La Chine semble visiblement confiante dans l’idée que ses voisins finiront par s’apercevoir que la proximité de la Chine est une réalité géographique, que sa montée en puissance s’inscrit dans le sens inexorable de l’histoire, et que la position américaine contre l’expansionnisme chinois sera sans effet.

Là aussi, Xi Jinping joue gros. Une erreur pourrait obliger les Etats-Unis à réagir fermement, ou des démonstrations de force de part et d’autre en mer pourraient accidentellement causer un accrochage susceptible de dégénérer. Il vaudrait mieux prendre conscience que les Etats-Unis sont prêts à accepter l’essor de la Chine – non par faiblesse, mais parce qu’ils ont confiance en leur propre puissance.

Les rouages de la politique chinoise sont insondables. Il est impossible de savoir exactement quelle est, au sein du Parti communiste chinois, l’ampleur réelle de l’opposition à la concentration implacable des pouvoirs de Xi Jinping. Il est toutefois permis de supposer qu’elle est considérable. Reste à espérer qu’elle soit également efficace.

Simon Long, journaliste financier à “The Economist” et observateur de la situation chinoise.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content