Charles Michel osera-t-il reporter l’équilibre budgétaire ?

Charles Michel © BELGA

Le rapport du comité de monitoring confirme des bonnes nouvelles sur le front de l’emploi. Mais au prix d’un dérapage budgétaire que le gouvernement peine à contenir. Il devrait trouver 2,4 milliards d’ici la fin 2017. Et encore 3,2 milliards ensuite, juste avant les élections…

Le gouvernement Michel tiendra-t-il ses engagements budgétaires ? La question revient à chaque contrôle budgétaire, les analyses du comité de monitoring confirmant systématiquement un décalage avec la trajectoire de retour à l’équilibre pour l’exercice 2018. Et, bien entendu, plus l’échéance approche, plus il est douloureux de rectifier le tir. A politique inchangée, la Belgique accuserait fin 2017, selon le rapport publié cette semaine par le comité de monitoring, un déficit structurel de 5,6 milliards d’euros. C’est 2,4 milliards de plus que le niveau prévu pour la fin de l’année prochaine…

Face à un tel défi, la solution la plus simple est sans doute d’étaler un peu l’effort en se contentant d’un équilibre budgétaire à l’horizon 2019 voire 2020. Plusieurs arguments plaident en ce sens: trop d’austérité risque d’étouffer notre économie, alors qu’elle recommence à créer des emplois (74.000 sur 2016-2017, selon la BNB); le niveau des taux d’intérêt permet de vivre avec un déficit (ce déficit est d’ailleurs bien moindre que ces charges d’intérêt, qui s’élèvent cette année à un peu plus de 10 milliards) ; la réforme des pensions réduit la facture du vieillissement à terme, il n’est donc plus crucial de dégager un boni pour le financer à moyen et long terme (l’Europe a d’ailleurs revu les objectifs belges en ce sens).

Mais comme toujours en économie, des arguments inverses existent aussi : si on ne parvient pas à assainir quand les charges d’intérêt sont faibles (elles baisseraient de 791 millions en 2017), quand le fera-t-on ? Politiquement, le sujet est sensible. Le principal parti de la coalition, la N-VA, n’avait eu de cesse de donner des leçons de rigueur aux précédents gouvernements, il aura bien du mal à lâcher du lest sur ce terrain. Enfin, il y a la question de la crédibilité : le retour à l’équilibre budgétaire avait été fixé à 2015 par le gouvernement Di Rupo. En fin de législature, il l’a reporté à 2016. Dès qu’il a pris ses fonctions, le gouvernement Michel a à nouveau reculé l’objectif, l’établissant à 2018. Un nouveau report d’un an, cela ferait peut-être beaucoup. “Le report de notre objectif budgétaire n’est, en soi, pas dramatique, expliquait récemment dans Trends-Tendances Giuseppe Pagano, professeur de Finances publiques à l’Université de Mons. Mais reporter chaque fois l’échéance d’un an pose un problème de crédibilité, un peu comme le fumeur qui promet d’arrêter demain.”

Premiers résultats positifs pour le tax shift

Le gouvernement aura d’autant moins envie de dévier de sa route que les premiers résultats positifs se font sentir. Certes, la croissance demeure plus molle en Belgique que dans la zone euro mais l’emploi repart comme en atteste la hausse des recettes du précompte professionnel et des cotisations sociales (malgré les réductions de taux).

Le problème provient du financement de ce tax-shift. La TVA rapporte 500 millions de moins que prévu, le précompte mobilier 300 millions de moins, la TOB 100 millions de moins… Le ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) explique ces piètres résultats par le climat post-attentat qui a freiné la consommation. Au total, il y a un trou de 760 millions dans les recettes fiscales 2016. Pour l’an prochain, le gouvernement intégrera une enveloppe d’un milliard d’euros afin de ne pas se retrouver étranglé par des prévisions trop optimistes.

Le comité de monitoring maintient par ailleurs son scepticisme quant au re-design de l’administration fédérale (projet nébuleux qui doit générer à terme 500 millions d’économies). Il n’intègre pas non plus dans ses calculs les effets-retours (ils sont déjà inclus dans les prévisions de croissance et d’emplois du Bureau du plan) ainsi que certaines mesures d’économie dans la sécurité sociale qui n’ont pas encore été implémentées.

Des clarifications s’imposeront donc pour enfin passer de la déclaration d’intention à la mesure concrète. Cela vaut aussi en fiscalité, avec par exemple une opération de régularisation qui doit rapporter 250 millions cette année alors que le projet de loi est toujours contesté par la Wallonie et Bruxelles.

Le casse-tête de la sécurité sociale

Charles Michel a choisi de ne pas trancher dans la précipitation. Son gouvernement n’a pas présenté d’esquisse du budget 2017 au début juillet et il ne se plongera vraiment dans les discussions budgétaires qu’à la fin août. Sa seule échéance est celle de la rentrée parlementaire d’octobre. D’ici là, il devra jongler entre une N-VA qui réclame déjà des économies supplémentaires dans la sécurité sociale et des syndicats prêts à durcir les mouvements de protestation ; entre une N-VA qui veut initier une réforme de l’impôt des sociétés et un CD&V soucieux de ne pas se couper définitivement de sa base syndicale.

Ces débats autour de la sécurité sociale risquent d’être décisifs. D’une part, parce que les derniers chiffres indiquent un dérapage en 2017 (525 millions en soins de santé) et qu’il faudra de toute façon régler la question du financement alternatif par la TVA (10 milliards en 2016). Il était prévu de réduire le financement alternatif car la 6e réforme de l’Etat a transféré une série de dépenses sociales vers les Régions. Mais, sans cette ressource, la sécurité sociale plongera vraiment dans le rouge.

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