Charleroi, redynamisation par la culture

© Belga

Les clichés collent à Charleroi comme la grisaille à son paysage. Mais à l’image de Lille, Liverpool ou de la Ruhr, l’ancienne cité industrielle pourrait bien renaître de ses cendres.

Rictus et sourires en coin, lorsque l’on parle de Charleroi, tous les sarcasmes sont de mise. Pour beaucoup, la métropole se résume à son taux de chômage (qui en janvier flirtait encore avec les 20%), ses usines délabrées, ses magouilles financières et sa tristement célèbre affaire Dutroux.

Charleroi dispose cependant d’atouts considérables. Considérée pendant longtemps comme la “capitale de l’inculture”, la ville pourrait bientôt devenir “the place to be”.

L’effet Magnette “Charleroi sera LA ville créative dont on parlera dans les dix ans !”. Pour l’échevin de la culture et bourgmestre fraîchement élu, Paul Magnette, cela ne fait pas de doute. Son projet ? Faire de la culture un des piliers du redressement de la ville et lui redonner une place centrale. Un projet salué d’emblée par le monde culturel carolo.

Pour Fabrice Laurent, directeur du centre culturel régional de Charleroi (l’Eden), “la présence de Paul Magnette en tant que Bourgmestre de la culture va permettre de faire avancer les choses. Mais il ne faut pas croire que le bourgmestre va tout changer à lui seul. C’est à l’ensemble des forces vives à se battre pour redresser cette ville”.

Charleroi – Lille, même combat Utiliser la culture comme instrument de changement, est-ce bien réaliste ? La crise est là, les coupes budgétaires aussi, et pour beaucoup la culture n’est pas un secteur d’investissement prioritaire.

Selon Anne Vincent et Marcus Wunderle, chercheurs au Centre de recherche et d’information socio-politique (CRISP), investir dans la culture pourrait cependant s’avérer bénéfique. “Si autrefois le secteur culturel était perçu comme une charge, dépendant des subventions publiques, son rôle comme vecteur du développement économique ne fait plus aucun doute”, indiquent-ils (1).

En Europe, diverses expériences ont démontré que la revitalisation d’une ville de cette manière était possible. À Bilbao, l’ouverture du Musée Guggenheim, en 1997, s’est traduite par une augmentation du nombre de touristes. À Lille, l’expérience de Capitale européenne de la culture en 2004 a servi de levier de développement pour l’ensemble de la région lilloise. En Wallonie, des expériences sont actuellement en cours. On songe notamment à Mons, Capitale européenne de la culture 2015.

“La culture joue un rôle capital dans le développement local”, ajoutent les chercheurs du CRISP. “Elle constitue une composante essentielle du cadre de vie, une source de revenus liés au tourisme, une facette du sentiment identitaire, ainsi qu’un levier de production de biens et de services nouveaux mais aussi d’intégration sociale pour des individus et des communautés en difficulté. Elle contribue à rendre le développement durable”. Soutenir la culture carolo en vue de redynamiser la région ne serait donc pas dénué de toute pertinence.

Des acteurs culturels motivés Des acteurs culturels motivés, Charleroi n’en manque pas. Au sein de la ville, grandes institutions, acteurs plus pointus, jeunes ASBL et entreprises culturelles travaillent d’arrache-pied. “L’offre est attractive et dynamique, tant de la part des institutions reconnues que de la part d’une jeune génération de porteurs de projets qui créent des asbl et qui mettent des choses en place”, explique Fabrice Laurent.

La cité hennuyère bouge et attire de plus en plus de touristes curieux et impatients de découvrir la ville si longtemps décriée. “L’histoire est souvent à balancier”, explique Fabrice Laurent. “Dans beaucoup de ville, les quartiers délaissés d’hier sont les quartiers branchés aujourd’hui. Par exemple, le quartier des halles Saint Géry à Bruxelles. Les artistes sont souvent les piliers de la reconquête urbaine… On peut espérer que Charleroi subisse le même changement”.

Berlin miniature Difficultés sociales, passé industriel et ambiance underground, il n’en fallait pas plus au quotidien flamand “De Standaard” pour qualifier Charleroi de Berlin miniature.

Si la comparaison est flatteuse, pour Fabrice Laurent, comparaison n’est pas raison. “La comparaison n’est pas dénuée de toute pertinence même si ces villes n’ont pas la même taille… Comme Berlin, Charleroi est une ville défoncée, avec des friches industrielles, une scène underground Cependant, il faut prendre la comparaison pour ce qu’elle est : une comparaison”.

Mini Berlin ou pas, à Charleroi, nombres d’artistes et institutions culturelles ont aujourd’hui pris le parti d’assumer leurs origines. À l’instar des villes du bassin de la Ruhr, la ville élue la plus laide du monde par un sondage hollandais en 2009, fait de ses cicatrices ses forces. Peut-être ce changement lui sera-t-il salutaire. Peut-être lui permettra-t-il, aussi, de décrocher le titre de Métropole Culture 2016.

(1) “Le développement territorial transversal”, Dossiers du CRISP, extraits.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content