Ce qui se cache derrière l’idée d’un Fonds monétaire européen

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Née de la crise grecque, l’idée d’un fonds monétaire européen est bel et bien sur les rails. La Commission européenne va en discuter dès mardi. Voici ce qu’on sait déjà sur ce projet. Et ce qui reste à définir.

Un fonds monétaire européen (FME), ça paraît bien, mais ce serait quoi, exactement?

L’idée d’un “Fonds monétaire européen” a été émise par deux économistes, Daniel Gros, du Centre for European Policy Studies, et Thomas Mayer, de la Deutsche Bank, en février dernier, dans une tribune publiée sur le site de The Economist. Ils préconisent de calquer son mode de fonctionnement sur celui du Fonds monétaire international : un conseil d’administration représentatif des pays de la zone euro, une fonction de contrôle et de surveillance de leurs finances publiques et le pouvoir de mettre en place et de superviser des programmes d’aide aux pays en difficulté. Olli Rehn, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, a repris l’idée ce lundi dans un entretien au Financial Times Deutschland. En prévenant à l’avance que l’obtention de ces prêts serait liée à des économies budgétaires et à la mise en place de réformes potentiellement impopulaires.

Pourquoi cette idée émerge-telle seulement maintenant?

Jusqu’ici, la question de l’assistance à un pays en difficulté était toute théorique. L’Union européenne dispose bien d’un système de prêts d’urgence, mais il est réservé aux membres qui n’ont pas adopté l’euro. Il a déjà servi en 2009 pour certains pays terrassés par la crise financière, comme la Lettonie, la Hongrie ou encore la Roumanie. Mais les traités ne prévoient pas de mécanisme d’entraide pour les pays de l’euroland. L’Allemagne y a toujours été opposée, par crainte de devoir payer pour les pays plus laxistes qu’elle… C’est à dire tous, ou presque. Mais avec la crise grecque, Berlin évolue. La Grèce n’a pour le moment bénéficié d’aucune aide de l’Europe, qui lui a seulement imposé une cure d’austérité potentiellement contre-productive. Athènes assure pouvoir s’en sortir seule, mais, si ce n’était pas le cas, la seule solution serait de faire appel au FMI. Or, “accepter des aides financières du FMI serait à mon avis un aveu que les pays de l’euro ne peuvent pas régler leurs problèmes tous seuls”, a concédé Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances. Voilà pourquoi l’Allemagne, avec la France, défend désormais l’idée d’un FME.

Pour aider un pays en difficultés, il faut de l’argent… De quels moyens disposerait ce FME?

Daniel Gros et Thomas Mayer proposent que les pays les moins vertueux de la zone euro soient ceux qui participent à la constitution des réserves du FME. Selon cette logique punitive, les Etats qui dépassent les critères de Maastricht – un déficit public égal à 3% du PIB au maximum, une dette égale à 60% – seraient taxés à hauteur de 1% sur les montants qui correspondent au dépassement de ces critères. Si cette règle avait été appliquée durant les dix dernières années, le FME disposerait désormais de 120 milliards d’euros pour sauver la Grèce, selon leurs calculs. Le but d’un tel mécanisme, propre à rassurer l’Allemagne, est évidemment d’inciter les pays de la zone euro à garder leurs finances publiques saines. Mais il n’est pas sans failles. Pendant des années, l’Espagne a été l’une des meilleures élèves de la zone euro, affichant croissance insolente et excédents budgétaire. Elle est aujourd’hui au bord du gouffre, parce que, comme l’explique le blogueur Reversus, la dette privée, sur laquelle reposait le “miracle” espagnol, s’est transformée, à la faveur du plan de sauvetage de l’économie et de la récession, en dette publique. Le FME façon Daniel Gros et Thomas Mayer n’aurait été d’aucune utilité pour le cas espagnol. L’autre problème de ce FME, plus prosaïquement, c’est que, pour le moment, il n’existe pas. Et quand bien même il serait rapidement mis en place, il disposerait de zéro euro.

Le FME ne serait pas prêt à temps pour sauver la Grèce. Alors, à quoi va-t-il servir?

Daniel Gros et Thomas Mayer le concèdent : “Le FME ne pourra pas être mis en place en une nuit”. Mais ils ajoutent aussitôt : “Il n’est pas trop tard. L’expérience passée, avec l’Argentine notamment, montre que le chemin vers un défaut de paiement souverain est long”. Surtout, le FME a vocation à être pérenne et à aider à renforcer la coordination des politiques budgétaires et fiscales. Car le pacte de stabilité, qui a été foulé aux pieds de nombreuses fois pour finir par voler en éclat à l’occasion de la crise financière, a montré ses limites. C’est pourquoi les débats qui arrivent seront sans doute animés. L’Allemagne va pousser pour renforcer l’arsenal de sanctions contre les mauvais élèves de la zone euro et envisage, rien que ça, la suppression des subventions européennes ou le retrait temporaire des droits de vote lors des réunions ministérielles de l’UE. Une pilule qui ne sera pas facile à avaler pour les pays du Sud. Y compris la France, qui a toujours su se trouver des excuses pour ne pas respecter les règles.

Thomas Bronnec

Trends.be, L’Expansion.com

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