Ce que les Américains font payer à Obama

© Reuters

Une vague républicaine a, comme prévu, déferlé sur le Congrès mardi. Alors que les élections législatives avaient valeur de référendum sur la politique d’Obama, un message clair de mécontentement a été adressé au président des Etats-Unis.

Les Américains ont beau avoir voté pour les représentants et les sénateurs, c’est bien le bilan d’Obama qui était jugé lors des élections de mi-mandat. Et le verdict a été sans appel : il a déçu. Sur les 99 sièges démocrates “en danger” à la Chambre, les républicains en ont raflé au moins 66, soit largement plus que les 39 sièges dont ils avaient besoin pour prendre la majorité. Au Sénat, les démocrates conservent la majorité de justesse mais ont quand même perdu 10 sièges dont deux à des candidats du Tea Party.

Certes, le parti du président perd toujours (à deux exceptions près) des sièges lors des “midterms”. Mais la moyenne est de 32 sièges à la Chambre et de deux au Sénat… Cette fois la tendance a été d’autant plus marquée que lors des dernières élections législatives, en 2006 et 2008, les démocrates avaient bénéficié de l’impopularité extrême de l’administration Bush. Certains gains républicains correspondent donc simplement à un retour à la normale. N’empêche que la déroute cinglante des démocrates traduit bel et bien un puissant mécontentement de la part des Américains.

Trop de chômage Mécontentement à cause du chômage d’abord. Le plan de relance d’Obama à 787 milliards de dollars a quand même permis de sauver ou de créer 3 millions d’emplois, selon le Bureau du budget du Congrès. “Mais ‘Ca aurait pu être pire!’ n’est pas un super slogan”, reconnaît Timothy Egan du New York Times. Surtout, le plan n’a pas empêché le chômage de frôler les 10%. Peut-être l’une des plus grosses erreurs tactiques de l’administration Obama aura été de promettre en janvier 2009 que, grâce au plan de relance, le chômage ne dépasserait pas les 8% : cela fait 17 mois d’affilé qu’il est supérieur à 9%, du jamais vu aux Etats-Unis depuis la Grand Dépression des années 30.

Si Obama n’est pas responsable de l’éclatement de la crise financière, il paye néanmoins le prix d’une reprise balbutiante qui peine à se traduire concrètement pour les Américains. De fait, cette crise de l’emploi aurait pu être évitée, estiment les économistes comme Joseph Stiglitz ou Paul Krugman, si Obama avait eu le courage, face à l’opposition, d’imposer un plan de relance suffisant, de l’ordre de mille milliards de dollars.

Sur le même registre, d’autres accusent le gouvernement d’avoir perdu son temps à se battre pour la réforme santé au lieu de se concentrer sur le rétablissement, bien plus urgent, de l’activité économique. “Ce n’est pas seulement que l’économie va mal, c’est qu’Obama et son équipe ne donnent pas l’impression qu’il essaient de la réparer”, explique le sondeur républicain Steve Lombardo

Trop de saisies Le chômage élevé signifie aussi que de moins en moins de propriétaires sont en mesure de rembourser leur crédit hypothécaire. D’où une explosion du nombre des saisies immobilières, qui ont même dépassé pour la première fois la barre des 100.000 en septembre. Obama peut se vanter d’avoir fait passer cet été une vaste réforme financière censée empêcher qu’un nouvelle crise des subprime ne se produise, mais en attendant, très peu a été fait pour protéger les propriétaires insolvables actuels.

Trop de déficit Non seulement le plan de relance est perçu comme ayant échoué mais en plus il est vu comme ayant aggravé le déficit colossal de l’Etat, qui frôle cette année les 13 000 milliards de dollars. On pourrait croire que le public américain ne se sent pas directement concerné par les questions de finances publiques, mais l’ampleur du Tea Party tend à prouver le contraire. Serait-ce la crise de la dette souveraine grecque qui aurait tiré la sonnette d’alarme ? En tout cas le mouvement populiste ultra-conservateur, qui prône une baisse drastique des dépenses, a réussi à se faire une place au Congrès mardi.

Trop de gouvernement De ce côté de l’Atlantique, la réforme de la santé est célébrée comme une grande avancée qui permettra de couvrir 32 millions d’américains. Elle n’en est pas moins impopulaire pour une majorité d’Américains, réticents, de manière générale, à ce que le gouvernement s’immisce dans leur vie privée. La réforme est d’autant plus mal aimée que ses bienfaits tardent à se faire sentir, un grand nombre de mesures n’étant appliquées qu’en 2014.

Pas assez de grandes idées

Orateur hors pair lorsqu’il était candidat, Obama a perdu de sa verve depuis qu’il est président. De manière générale, les républicains ont réussi à faire passer “les démocrates non seulement pour élitistes mais aussi pour non-américains” affirme Michael Tomasky dans le New York Review of Books. Et ces derniers ont été incapables de se défendre. Alors que les républicains évoquaient sans cesse des valeurs populaires aux Etats-Unis comme “la Liberté”, et évitaient d’élaborer sur des mesures concrètes susceptibles de déplaire à la classe moyenne, ( cadeaux fiscaux qui profitent surtout aux plus riches), les démocrates ont fait le contraire : sachant que leurs valeurs, telles que “la Justice” et “la Solidarité” étaient moins populaires, ils ont préféré parler de politiques spécifiques, comme par exemple la sécurité sociale pour tous. Ils n’ont donc pas réussi à appuyer leurs propositions sur de grandes idées qui leur auraient permis de reprendre le dessus dans le débat politique.

Laura Raim

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