Banqueroute ou purge : quelle solution pour la Grèce?

Un Grec sur deux préfèrerait la banqueroute du pays à l’austérité. Un défaut sur la totalité de la dette grecque peut toutefois avoir des conséquences dramatiques pour la population. A moins d’être organisé dans le cadre de la solidarité européenne.

Après le gouvernement, le parlement grec a choisi dimanche d’accepter l’austérité imposée par ses créanciers afin de pouvoir échapper à la faillite et rester dans la zone euro, après un vote du parlement en faveur d’un programme de rigueur draconien. Le vote a été salué lundi par les dirigeants européens. Pour le commissaire européen aux Affaires économiques Olli Rehn, c’est “une avancée cruciale”. “Nous saluons expressément” ce vote qui “démontre la bonne volonté de la Grèce à entreprendre des réformes difficiles”, a réagi de son côté la chancellerie allemande. Les marchés aussi ont apprécié. Les principales Bourses européennes ont terminé en hausse modérée lundi – Paris a gagné 0,34%, Franckfort 0,68% et Londres 0,91%.

Le soulagement des marchés et des partenaires européens contraste avec la violence des manifestations qui ont accueilli en Grèce le vote du plan. Edifices néo-classiques ravagés par les flammes, vitrines brisées: selon les décomptes officiels, 45 bâtiments ont été totalement ou partiellement endommagés dans la nuit de dimanche à lundi. Le ministère de la Santé a fait état de 54 citoyens blessés, et la police de 68 blessés dans ses rangs. La loi votée par les députés grecs comprend en effet des mesures particulièrement douloureuses pour la population (nouvelles baisses des salaires et des retraites et une nouvelle vague de suppressions d’emplois dans la fonction publique) pour économiser 3,3 milliards d’euros en 2012.

Ce vote est un premier pas vers l’octroi de prêts de 130 milliards d’euros et l’effacement d’une partie de la dette du pays. Il évite la banqueroute qui menaçait le pays alors que la Grèce doit rembourser 14,5 milliards d’euros de créances en mars. Mais il ne résout en rien des problèmes de fond qui touchent l’économie grecque. Le pays s’achemine vers une lente désintégration. En janvier, les recettes fiscales attendues ont chuté de 7% alors qu’elles devaient progresser de 9% selon les prévisions du gouvernement. “La Grèce est l’illustration parfaite de l’adage “trop d’impôt tue l’impôt” [la courbe de Laffer, ndlr], estime Jésus Castillo, économiste chez Natixis.

Explosion sociale

Depuis deux ans, les Grecs sont soumis à une cure de rigueur drastique, essentiellement composée de hausses d’impôts et de baisse des salaires des fonctionnaires. Résultat: l’économie du pays s’atrophie à grande vitesse, elle devrait connaître en 2012 une quatrième année de récession consécutive. La population grecque s’appauvrit – son niveau de vie a dégringolé de 50% en deux ans – et le chômage dépasse les 20%. Surtout, ils ne voient pas de sortie de crise: l’austérité accentuant la récession, les objectifs de réduction du déficit ne sont pas atteints et le gouvernement est obligé de prendre de nouvelles mesures d’économies budgétaires.

Aujourd’hui, les Grecs n’en peuvent plus. Un sondage réalisé ces jours-ci par l’institut RASS et publié par le site news247.gr relève que 48% des Grecs préfèrent la banqueroute à l’austérité contre 38% seulement qui acceptent de payer le prix du sauvetage de leur pays. Pour Thibault Mercier, économiste chez BNP Paribas, “une banqueroute de la Grèce serait terrible pour le pays; mieux vaut l’austérité, certes douloureuse, et la poursuite du réajustement budgétaire en contrepartie de financements de l’UE et du FMI”. Qui dit banqueroute, dit défaut sur la totalité de la dette publique grecque. Ce faisant, le pays n’aurait plus de charges d’intérêt à payer et son déficit public serait abaissé de 6 points.

Mais il resterait encore 3 point de déficit public à financer (6 milliards d’euros). Un défaut se traduirait en outre par des pertes pour les banques grecques équivalentes à 200% de leurs fonds propres. Autrement dit, elles feraient faillite et auraient besoin d’être recapitalisées à hauteur d’au moins 60 milliards d’euros. Or, souligne Thibault Mercier, “plus personne ne voudra prêter de l’argent à la Grèce, ni l’Europe et encore moins les marchés”. La seule solution pour le pays serait alors de quitter la zone euro, de rétablir la drachme, de la dévaluer fortement et de faire marcher la planche à billets pour financer l’Etat et les banques. Avec pour conséquence une inflation galopante et une baisse considérable du pouvoir d’achat des ménages – la Grèce importe bien plus qu’elle n’exporte.

Organiser la banqueroute

Faut-il alors continuer sur la voie actuelle, c’est-à-dire prêter de l’argent à la Grèce en contrepartie d’une austérité toujours plus sévère? “Non, car la Grèce est insolvable et lui prêter davantage d’argent ne sert à rien”, explique Jésus Castillo. Il faudrait en effet une réduction de 110 points de PIB de la totalité de la dette publique du pays pour rétablir sa solvabilité budgétaire, contre 40 points d’effacement prévus dans le plan de sauvetage européen. Il faudrait en outre réduire de 25% la demande intérieur pour rééquilibre le solde commercial. C’est impossible.

“Une annulation de la quasi totalité de la dette grecque, soit l’équivalent d’une banqueroute, est la seule solution, estime l’économiste de Natixis. Mais elle doit se faire dans une situation coopérative au niveau européen.” Autrement dit: le pays resterait dans la zone euro et ses partenaires lui prêterait de quoi recapitaliser ses banques et investir dans son économie pour restaurer sa compétitivité et, à terme, redresser durablement sa croissance. La solution de défaut est donc un choix politique que les dirigeants européens ne semblent pas être prêts à faire. Car cela pourrait créer un précédent et entraîner un effet de contagion aux autres pays de la zone euro. A défaut, il y a fort à craindre que la crise grecque ne perdure encore longtemps.

Emilie Lévêque (L’Expansion.com)

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