Baisse du taux de la BCE : un flop ?

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La baisse du loyer de l’argent est trop faible pour améliorer véritablement la situation économique. En outre, la Banque Centrale Européenne ne répond pas aux mesures de soutien non conventionnelles réclamées par les économistes.

En baissant son taux directeur de 25 points de base, la BCE a pris une décision historique. A 0,75%, jamais le loyer de l’argent n’a été aussi bas dans la zone euro. Cette décision aurait dû logiquement provoquer l’enthousiasme des marchés. Mais voilà, c’est l’inverse qui s’est produit. Les bourses européennes, qui étaient à l’équilibre avant la décision de la BCE, sont toutes passées dans le rouge jeudi en début d’après-midi. En fin d’après midi, Madrid perdait 3%, Milan 2%, le CAC 40 1,17% et le Dax 0,45%. La décision de la BCE a aussi généré des tensions sur les marchés obligataires : le taux d’emprunt à 10 ans de l’Italie remontait en flèche et passait au-dessus des 6%.Celui de l’Espagne s’envolait à 6,731%, contre 6,375% la veille. Décryptage.

Une baisse des taux peu efficace

Une baisse des taux d’intérêt historique, c’est bien. Mais une baisse des taux d’intérêt efficace, c’est encore mieux pour les marchés. Or de ce point de vue, la décision de la BCE est peu convaincante. En matière de conjoncture économique, c’est la variation des taux d’intérêt qui compte, plus que le niveau. La réduction du loyer de l’argent de 25 points de base ne changera pas grand-chose pour les ménages et les chefs d’entreprises, qui bénéficiaient déjà depuis plusieurs mois d’un taux d’intérêt historiquement bas. Les banques, qui ont emprunté 1000 milliards d’euros à la BCE grâce au fameux LTRO, paieront un taux d’intérêt de 0,75% au lieu de 1%. Mais le crédit ne sera pas relancé pour autant. Mario Draghi, l’avoue lui-même. Dans une période où la demande de crédit est faible, la transmission de la politique monétaire à l’économie est plus difficile. “Cette baisse des taux est largement symbolique”, résume Jennifer McKeown, économiste de Capital Economics.

La BCE était attendue sur d’autres mesures

Depuis quelques semaines, la pression monte autour de la BCE. Christine Lagarde lui demande d’être plus créative et plus inventive. La directrice du Fonds monétaire international va même jusqu’à donner des conseils, en réclamant la poursuite du programme d’achat d’obligations souveraines mis en sommeil depuis le mois de janvier. Les économistes, eux aussi, réclament de nouvelles mesures de soutien en plus de la baisse des taux, comme par exemple la mise en place d’une limite pour les spreads observés sur les marchés obligataires. Mais la BCE fait la sourde oreille. En dehors des taux d’intérêt, aucune mesure n’a été discutée lors du conseil de politique monétaire, avoue Mario Draghi. La BCE veut d’abord que les pays de la zone euro avancent dans le règlement de leurs problèmes avant de fournir un effort supplémentaire. Elle veut aussi attendre de voir si les fonds de secours mis en place suffisent à endiguer la crise. Lors de sa conférence de presse, Mario Draghi a jugé que le FESF et le MES étaient suffisants pour gérer la situation. Le problème ? Beaucoup d’experts pensent le contraire. ” Pour recapitaliser ses banques et stabiliser les marchés obligataires, l’Europe a besoin d’une force de frappe d’au moins 1000 milliards d’euros “, estime Patrice Gautry. Avec le FESF et le MES on arrive, au mieux, à 700 milliards.

Les autres banques centrales se montrent plus actives

Le quasi immobilisme de la BCE, lors de sa réunion du 5 juillet, fait tâche. Pour contrecarrer le ralentissement économique observé durant la première moitié de l’année, la Fed vient de prolonger son “opération Twist”. Cette décision n’a rien de cosmétique : l’allongement de plus de deux années de la maturité du portefeuille d’emprunts d’Etat de la Fed est équivalente à un achat de près de 600 milliards de dollars, notent les experts de Pictet. La Banque d’Angleterre, de son côté, a annoncé l’injection de 50 milliards de livres (62,2 milliards d’euros) supplémentaires ans l’économie britannique. L’annonce a eu lieu quelques heures à peine avant le conseil de politique monétaire de la BCE. ” La BCE prépare certainement sa réplique “, assurent les experts de Pictet. Selon eux, elle attend qu’un cadre politique soit fixé par les gouvernements de la zone euro pour légitimer une intervention plus audacieuse “. Espérons qu’elle ne se trompe pas sur le calendrier et qu’une crise sur les marchés – par exemple cet automne, avant que le MES ne soit mis en place – ne l’oblige pas à prendre en catastrophe des nouvelles mesures de soutien.

Par Sébastien Julian

Trends.be avec l’Expansion.

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