Pieter Timmermans

Baisse de l’impôt des sociétés: un nouveau cadeau aux employeurs ?

Pieter Timmermans Administrateur délégué de la FEB

Voilà à quoi nous devons nous attendre. Dans les semaines à venir, d’aucuns vont qualifier la baisse de l’impôt des sociétés comme un énième ‘cadeau’ en faveur des employeurs…

C’est exactement la même terminologie qu’ils utilisaient il y a deux ans lorsqu’il a été décidé dans le cadre du tax shift d’abaisser les charges patronales sur le travail. Ils y voyaient même une ‘politique de Saint-Nicolas’ qui allait directement s’évanouir dans les bénéfices des entreprises et ne rapporterait rien d’autre. Depuis lors, nous savons ce qu’il en est réellement.

Les mesures de réduction des charges patronales et de l’impôt des sociétés étaient absolument indispensables en premier lieu parce que dans les comparaisons internationales, nous commencions à nous isoler dangereusement du reste du monde. Les chiffres de l’OCDE de 2015 montraient par exemple que l’écart entre le coût salarial et le salaire net en Belgique était de loin le plus important de tous les pays de l’OCDE : 55,3% pour un salaire moyen. La Belgique était ainsi le seul pays des 34 que compte l’OCDE à afficher un écart salarial supérieur à 50%. Les mesures du tax shift vont ramener cet écart sous la barre des 50% d’ici à 2018, nous permettant de sortir de l’isolement.

Il en va de même pour la diminution du taux de l’impôt des sociétés. Avec 33,99%, la Belgique possède actuellement le troisième taux le plus élevé au monde. Seuls la France (34,4%) et les États-Unis (38,9%) connaissent un taux supérieur. Entre-temps, plusieurs pays ont annoncé une baisse de leur taux : le Président Macron souhaite diminuer le taux à 25%, les Pays-Bas à 21% et la Grande-Bretagne à 15%. Ils y pensent. La Belgique, elle, l’a fait. Les décisions du gouvernement visant à abaisser le taux de base en deux étapes, à 29,58% en 2018 et 25% en 2020, à introduire la consolidation fiscale et à porter la réduction RDT à 100% étaient absolument nécessaires. Nous allons ainsi réduire notre écart excessif par rapport aux pays qui nous entourent et accroître nos chances d’attirer des investissements étrangers.

Il ne s’agit donc pas d’une ‘politique de Saint-Nicolas’, mais de la correction d’une politique économique effroyable qui, pour les investisseurs étrangers, devait plutôt ressembler à une politique d’Halloween.

En deuxième lieu, les mesures du gouvernement visent naturellement à aider les entreprises à croître davantage, à investir et à créer de l’emploi. Et c’est ce qu’elles font.

Selon les derniers chiffres de l’Institut des Comptes Nationaux (ICN), la croissance du PIB belge serait passée à 1,5% en 2016, essentiellement grâce à une croissance plus forte des exportations (+7,5%) et des investissements des entreprises (+4,9%). Fait plus marquant encore, l’emploi dans le secteur privé a progressé en 2016 de 55.100 unités, affichant ainsi une croissance plus forte que l’économie (1,8% par rapport à 1,5%), ce qui est très exceptionnel. On en oublierait presque que les attentats de Paris et Bruxelles ont eu un effet économique négatif de 0,6% du PIB.

Grâce à la baisse des charges, au saut d’index et à la modération salariale, la croissance est donc particulièrement intensive en travail actuellement. Et le tax shift n’a pas encore déployé tous ses effets positifs sur l’économie. Une récente étude de la Banque Nationale révèle qu’en 2016, seulement 4.900 emplois supplémentaires ont été créés grâce au tax shift et que ces créations d’emploi vont augmenter progressivement pour atteindre, de façon cumulée, 52.100 emplois nouveaux d’ici à 2021.

Il y a longtemps que je ne crois plus à Saint-Nicolas. Je crois par contre dans les chiffres de l’emploi, et ceux-ci sont bons

La réduction de l’impôt des sociétés, qui se finance principalement en interne par la suppression ou la limitation de certains postes de déduction, va produire les mêmes effets. À court terme, une baisse du taux de l’impôt des sociétés peut entraîner une hausse des recettes du précompte mobilier (qui a été relevé à un niveau record de 30%), pour autant que les bénéfices soient distribués. Toutefois, il est plus vraisemblable que ces bénéfices après impôt plus élevés soient affectés à de nouveaux investissements d’extension et d’innovation et aux emplois y afférents. Les effets positifs sur la société seront alors encore plus beaucoup importants.

En outre, la baisse de l’impôt des sociétés va surtout permettre d’attirer à nouveau des investissements directs étrangers dans les années à venir. Sur la base d’une étude comparative internationale de De Mooij et Ederveen de l’Université Erasmus de Rotterdam, nous pouvons déjà estimer qu’une baisse du taux de l’impôt des sociétés à 25% d’ici à 2020 (financée en interne pour les trois quarts) entraînerait une croissance des investissements étrangers de près de 1 milliard EUR. Dans le secteur privé belge, cela se traduirait par 4.500 emplois nouveaux d’ici à 2020. Ce faisant, nous pourrions revenir dans quelques années aux niveaux d’investissements d’avant 2008 (8.000 à 10.000 emplois par année). En effet, en 2016, le compteur était encore bloqué à 5.300 emplois nouveaux créés grâce aux investissements étrangers.

Au niveau (para)fiscal, de nombreuses mesures ont donc été prises ces dernières années. Si la réforme de l’impôt des sociétés est correctement mise en oeuvre dans les mois qui viennent, de sorte qu’il existe un cadre clair et offrant la sécurité juridique nécessaire à nos entreprises et aux investisseurs étrangers, les résultats iront en s’améliorant. Et bien entendu, nous avons également d’autres défis à relever pour améliorer l’attrait de notre pays aux yeux des investisseurs, comme nos problèmes de mobilité et la question énergétique. Certes, il faut également y travailler, mais les mesures prises constituent déjà un pas très important dans la bonne direction.

Il y a longtemps que je ne crois plus à Saint-Nicolas. Je crois par contre dans les chiffres de l’emploi, et ceux-ci sont bons. Avec la réforme de l’impôt des sociétés, ils vont encore s’améliorer grâce à la croissance des investissements.

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