Après huit ans de crise, retour à la normale annoncé pour la Grèce

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Les ministres des Finances de la zone euro vont chercher jeudi à s’entendre sur les modalités de sortie de la Grèce des programmes d’aide dont elle bénéficie depuis huit ans, dont des mesures d’allègement de sa dette, sur lesquelles ils restent divisés.

Ces discussions s’avèrent cruciales pour qu’Athènes puisse, comme prévu, quitter la tutelle de ses créanciers le 20 août prochain et se financer seule sur les marchés, après plusieurs années de profonde récession.

Selon un haut responsable européen, les ministres des 19 pays ayant adopté la monnaie unique ont “70% à 80% de chances” de parvenir à un accord jeudi soir à Luxembourg, où se tiendra la réunion.

“Nous sommes très proches du moment où nous récolterons les fruits d’années de sacrifices et d’efforts difficiles”, s’est félicité mercredi le Premier ministre grec Alexis Tsipras.

En huit ans, la Grèce a bénéficié de plus de 273 milliards d’euros d’assistance de la part de ses créanciers, zone euro et Fonds monétaire international (FMI), au cours de trois programmes d’aide.

En contrepartie, les Grecs ont été contraints de mettre en oeuvre plusieurs centaines de réformes, souvent douloureuses, notamment pour assainir leurs finances publiques.

La croissance du PIB a atteint 1,4% en 2017 et devrait encore progresser cette année (1,9%) et l’an prochain (2,3%). Dans le même temps, la Grèce affiche désormais un excédent budgétaire de 0,8%, après avoir enregistré un déficit de 15,1% en 2009.

Mais le niveau de la dette du pays reste le plus élevé de la zone euro et ses créanciers conviennent qu’un dernier “allègement” est nécessaire pour assurer sa crédibilité sur les marchés financiers.

L’Allemagne et certains pays du nord de l’Europe sont cependant plus réticents et exigent, en échange de leur soutien, que la Grèce soit suivie de très près après sa sortie du programme.

‘Matelas financier’

“Evidemment, personne ne devra perdre d’argent”, a insisté mercredi le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici.

“Mais nous devrions collectivement trouver un moyen d’alléger la dette, soit en prolongeant les échéances des prêts existants, soit en rachetant les plus coûteux”, a ajouté M. Moscovici.

La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, également favorable à un allègement de la dette, prendra part à la discussion à Luxembourg.

L’institution basée à Washington a participé financièrement aux deux premiers programmes grecs, mais se contente pour l’instant d’un rôle d’observateur dans le troisième, car elle estime que la dette d’Athènes n’est pas soutenable sur le long terme.

“C’est dommage, mais ça ne va pas choquer les marchés”, a assuré le haut responsable européen.

Outre la question de la dette, les Européens devront boucler la jeudi les derniers détails du troisième programme d’aide à la Grèce: 88 nouvelles réformes en échange d’un tout dernier versement.

Cet argent, qui serait versé en juillet, sera destiné à alimenter un “matelas financier” d’une vingtaine de milliards d’euros pour les 18 premiers mois qui suivront sa sortie du programme.

Athènes sera alors sous le coup d’une surveillance encore jamais vue de la part des Européens, bien plus stricte que celles mises en place dans le passé pour le Portugal, Chypre ou l’Irlande.

Sous la pression de l’Allemagne, l’allègement de la dette grecque à court terme restera conditionné à la poursuite des dernières réformes, dont certaines s’étendront au-delà du 20 août et sur plusieurs mois.

“Pour la Grèce, la principale préoccupation est de ne pas avoir de quatrième programme d’aide ou de ne pas donner l’apparence d’un quatrième programme”, a reconnu une source de l’UE.

“Mais il y a des réformes qui devront faire l’objet d’un suivi approfondi”, a-t-elle ajouté.

Les discussions sur la Grèce seront suivies d’échanges encore plus ardus sur les réformes de l’Union économique et monétaire, en particulier une proposition de la France pour un budget de la zone euro, sur laquelle Paris a obtenu cette semaine le soutien de la chancelière allemande Angela Merkel.

Rappel des principales étapes de cette crise

‘Statistiques grecques’

Arrivé en octobre 2009, le gouvernement socialiste de Georges Papandréou entame des révisions des chiffres de déficit public des années précédentes sous-évalués par le précédent gouvernement conservateur. On découvre qu’en 2009 ce déficit a culminé à 15%. Le pays plonge dans la catégorie insolvable, l’accès aux marchés lui est barré.

La simple expression “statistiques grecques” devient une blague dans les milieux européens, mais la situation menace la monnaie unique. Après avoir traîné les pieds, la zone euro se résout à sauver financièrement la Grèce, et embarque dans l’aventure le Fonds monétaire international (FMI).

La purge

En mai 2010, la Grèce devient le premier pays de la zone euro à recevoir un prêt international, 110 milliards d’euros. Il lui est en échange prescrit une purge d’austérité, qui soulève tout le pays, avec une succession de violentes manifestations où trois personnes trouveront la mort ce mois-là.

Les concepteurs de cette cure, admettent désormais que préparée dans l’urgence et non dénuée d’arrières pensées punitives, elle a en partie contribué à prolonger la crise.

L’impasse

En 2011, l’état du malade s’aggrave: la dette continue de gonfler, la récession s’installe, avec sa cohorte de chômeurs. Plus d’un quart du PIB sera perdu en quatre ans.

Le gouvernement socialiste est poussé vers la sortie par Berlin et Paris, ouvrant une séquence électorale qui, tandis que la rue ne cesse de gronder, débouche finalement en juin 2012 sur la formation d’une coalition droite-socialiste.

Rémission?

En mars 2012, les créanciers accordent un deuxième prêt de 130 milliards d’euros, et s’accordent avec les banques privées pour qu’elles effacent 107 milliards d’euros de dette, sur un total de 206.

S’installe alors la routine des visites de la “troïka” , l’attelage représentant les créanciers (Commission européenne, BCE, FMI), auprès de ministères largement réduits au rôle de chambres d’enregistrement.

La mise en oeuvre effective des réformes laisse souvent à désirer, mais les chiffres amorcent une légère embellie, au point qu’en avril 2014, la Grèce opère une brève sortie, plutôt réussie, sur les marchés.

Athènes et Bruxelles commencent à évoquer une “success story”, qui tourne court quand l’électorat grec refuse de continuer à en payer le prix.

Grexit

La Grèce devient en janvier 2015 le premier membre de l’UE à être dirigé par la gauche radicale. Le Premier ministre, Alexis Tsipras, promet d’en finir avec la rigueur et s’attaque à la “crise humanitaire” qui touche le pays.

Un bras de fer s’engage: les créanciers coupent les fonds, le pays manque une échéance de paiement au FMI, et un contrôle des capitaux est imposé fin juin.

La menace du Grexit est tour à tour agitée par la Grèce pour tenter de faire plier ses créanciers puis brandie par l’Allemagne pour finalement emporter la mise.

Malgré le “Oxi” (Non) des Grecs à la feuille de route que veulent leur assigner UE et FMI, lors d’un référendum début juillet, Alexis Tsipras signe une semaine plus tard le maintien du pays sous perfusion.

De nouveau ‘normal’

Le troisième prêt, de 86 milliards d’euros, qui arrivera à échéance ce 20 août, est consenti en échange d’un nouveau sursaut de rigueur, de l’accélération des privatisations, et d’une réforme de la sécurité sociale en souffrance depuis des décennies.

L’iconoclaste ministre des Finances Yanis Varoufakis est débarqué du gouvernement, mais Alexis Tsipras réussit à se faire réélire, en septembre 2015. Il choisit alors de se conformer sans plus traîner les pieds aux injonctions de l’UE et du FMI.

En 2017, le pays renoue avec la croissance, avec une progression de 1,4% de son PIB. Les satisfecit s’enchaînent envers Athènes, le dernier en date avec la clôture début juin de la dernière inspection menée dans le cadre des programmes de prêts.

Le pays redevient “normal” se félicite la Commission européenne. Mais toujours plombé par une dette qui a grimpé à 178% du PIB, et engagé à opérer de nouvelles économies en 2019 et 2020, il restera soumis à une “surveillance renforcée” ont prévenu ses créanciers.

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