Angela Merkel, l’histoire sans fin

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Bien qu’affaiblie par ses décisions liées à la question migratoire, Angela Merkel a toutes les chances de rester à son poste.

Bien des années avant d’être élue chancelière en 2005, Angela Merkel confiait à un photographe qu’elle avait bien l’intention de quitter la vie politique avant de devenir une ” loque humaine “. Elle pensait à deux de ses prédécesseurs de son propre parti, l’Union chrétienne-démocrate (CDU), restés bien trop longtemps aux commandes. Konrad Adenauer, qui s’est accroché au pouvoir pendant 14 ans avant de se retirer en 1963, et Helmut Kohl, qui a tenu 16 ans avant d’être poussé vers la sortie en 1998 par un scandale de financement occulte de son parti. Angela Merkel qui, fin novembre, a annoncé à son parti qu’elle briguerait un quatrième mandat, pourrait toutefois égaler, voire battre, ces deux records.

Elle reste en effet largement favorite pour remporter son quatrième mandat de quatre ans (la Constitution allemande ne limite pas le nombre de mandats). Le pays est certes très divisé sur la façon dont elle a ouvert la porte aux réfugiés à la fin 2015, mais depuis l’afflux de nouveaux arrivants a fortement diminué, et il restera gérable, puisque les frontières ont été fermées entre la Turquie et les Balkans. Maintenant que la crise intérieure s’est recentrée sur l’intégration des migrants déjà présents sur le sol allemand et sur la lutte antiterroriste, Angela Merkel passera l’année 2017 à démontrer qu’elle – et elle seule – est à la hauteur de la tâche.

Compter avec l’AfD

Mais la véritable raison pour laquelle Angela Merkel sera difficile à battre dans la bataille pour la chancellerie tient à un glissement inquiétant du système des partis allemand, dont beaucoup la jugent responsable. Depuis plus de 10 ans, par sa politique sociale, économique et énergétique, elle a en effet entraîné son parti, jadis éminemment conservateur, vers la gauche. Un mouvement qui, selon ses détracteurs, a libéré un espace à la droite populiste pour former un nouveau parti eurosceptique, anti-immigration et souvent xénophobe, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). En 2017, l’AfD enregistrera de nouvelles victoires électorales dans trois Länder et siégera pour la première fois au Bundestag.

Or aucun parti traditionnel ne se risquera à le courtiser pour former une coalition. L’entrée au Bundestag de la droite populiste aura au contraire pour effet de rendre mathématiquement impossible une majorité des trois partis de gauche – les sociaux-démocrates du SPD, les Verts et les postcommunistes de Die Linke. Du coup, même très affaibli, la CDU restera maître du jeu pour former la coalition de gouvernement.

Contestée par la CDU

Paradoxalement, sa candidature ne sera véritablement contestée que dans ses propres rangs. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le centre droit allemand a conclu un étrange pacte : les chrétiens-démocrates se présentent dans toutes les circonscriptions du pays, sauf en Bavière, où la CDU cède la place à un ” parti frère “, l’Union chrétienne sociale (CSU). Les deux formations sont indépendantes mais, par convention, font campagne ensemble pour les scrutins fédéraux et forment un seul et même groupe parlementaire. Horst Seehofer, dirigeant de la CSU et ministre-président du Land de Bavière était autrefois proche d’Angela Merkel. Mais depuis le week-end historique du 4 septembre – où, dans un élan humanitaire, la chancelière a accueilli des réfugiés bloqués dans une gare de Hongrie – , Horst Seehofer multiplie les attaques contre son alliée.

Il est possible qu’Angela Merkel se souvienne de sa détermination à ne pas finir en ” loque humaine ” et jette l’éponge. Ce qui provoquerait un séisme politique. Mais il est plus probable qu’elle s’accroche. En premier lieu parce qu’elle a encore un héritage à construire. Konrad Adenauer avait ancré la République de l’après-guerre en Occident ; Helmut Kohl avait présidé à la réunification. Pour l’heure, Angela Merkel n’a fait que gérer les crises – financière, de la zone euro, en Ukraine et ailleurs. Il lui reste à convaincre l’Allemagne que sa décision politique la plus importante – accueillir en si grand nombre des réfugiés d’une autre culture – était la bonne. Et elle aura sans doute besoin de quelques années de plus pour y parvenir.

Par Andreas Kluth, chef du bureau de “The Economist” à Berlin.

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