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Allons-nous enfin prêter attention à la reconversion professionnelle ?

L’étude sur le marché du travail en 2030 présentée hier par Agoria nous permet enfin de chiffrer une cruelle réalité : 310 000 Belges sont assis sur un ” siège éjectable “. En effet, d’ici une dizaine d’années, leur travail sera automatisé. Cependant, le reste de la population active doit également réfléchir à la reconversion si elle ne souhaite pas manquer le train de la numérisation.

Après tout, nos entreprises ont un score supérieur à la moyenne en termes d’intégration technologique. Selon l’Indice relatif à l’économie et à la société numériques (DESI) 2018, nous nous classons cinquième sur 28. Un bon point certes, mais cela ne fait que rendre le problème plus criant.

Bien que le secteur “pleure” pour accueillir de nouveaux talents, il semble qu’il soit encore en bonne santé… pour l’instant… Notre population active comprend plus de spécialistes en matière de technologie que la moyenne : 4,2% par rapport à la moyenne européenne de 3,7%. Nos entreprises ont besoin de ces spécialistes pour les accompagner dans le processus de numérisation. Celle-ci est nécessaire si nous ne voulons pas être lâchés par le peloton européen. Selon l’Harvard Business Review, les entreprises numériques sont plus productives, plus efficaces et donc moins chères.

En dépit d’efforts constructifs, pas d’afflux des bons profils

Tout cela est bien beau, mais les bons profils ne suivent pas… Malgré toutes les initiatives pertinentes en Flandre (“plan d’action STEM 2020”) et en Wallonie (“École numérique 2020”), mais également des initiatives privées comme BeCode, CoderDojo ou Kodo Wallonie, selon le rapport DESI précité, seulement 13,3 étudiants sur mille entreprennent des études dans les domaines des sciences, de l’ingénierie, de la technologie ou des mathématiques.

Entre-temps, dans les rangs des employeurs, Proximus et Microsoft parmi d’autres, continuent à faire de la publicité pour la technologie dans nos écoles belges. La networking academy (“Netacad”) de Cisco reçoit de plus en plus de demandes des écoles secondaires pour ses cours d’introduction “IT essentials”. Un travail structurel est également fourni à la base : le ministre de l’Agenda numérique, Alexander De Croo a apporté un soutien financier à WeGoSTEM via le Digital Skills Belgium Fund, Digital Wallonia investit dans l’élargissement de CoderDojo en Wallonie. Il s’agit d’une évolution positive.

Ne plus apprendre tout au long de la vie

Gageons toutefois que cet appui et ces initiatives ne faibliront pas, parce que dans le domaine de l’apprentissage tout au long de la vie, nous nous situons à trois pour cent sous la moyenne européenne de 10 %. Par conséquent, l’écart préalable ne fait que se creuser. Notre voisin, le Luxembourg, n’obtient pas non plus de meilleurs résultats en matière de reconversion (de personnes peu qualifiées). C’est pourquoi le Ministère du Travail a lancé, entre autres, le programme Digital Skills Bridge, avec lequel il jette les fondations d’une coopération intensive entre l’enseignement, les autorités publiques et le monde des affaires au Grand-Duché de Luxembourg. Dans le secteur technologique, il s’agit d’une priorité absolue. Les compétences deviennent rapidement obsolètes et des compétences inédites sont constamment nécessaires.

Le skills bridge luxembourgeois cible dès lors les entreprises et les postes qui seront touchés par la numérisation. PricewaterhouseCoopers a calculé que la reconversion des salariés dans les entreprises luxembourgeoises revient à quelque 30 000 euros, à comparer à une indemnité de licenciement moyenne de 100 000 euros. Vous pouvez même doubler ce montant, car le même montant est nécessaire pour aider le demandeur d’emploi à se réinsérer sur le marché du travail aux frais de l’État. Les entreprises ont donc une responsabilité financière. Par ailleurs, au sein d’entreprises belges, nous assistons à la naissance d’écoles, autant d’initiatives qui doivent bénéficier d’un soutien accru.

Nécessité d’un programme fédéral de reconversion

Selon Statbel, le chômage dans notre pays est en baisse depuis plus d’un an. En cette période électorale, vous l’entendrez sans doute plus d’une fois. Mais les quelque 10 000 postes vacants (moyenne) dans le numérique restent difficiles à pourvoir et l’automatisation va encore nettement accentuer ce besoin en compétences numériques.

Au cours de la dernière année académique, notre “Netacad” a enregistré une augmentation de 20 % du nombre d’étudiants et, selon les chiffres de l’asbl Belgian IT Academy Support Center (BiASC), les autres académies affiliées, entre autres celles des entreprises technologiques Google, VMware et Oracle, ont également enregistré une augmentation. L’industrie technologique met tout en oeuvre pour recycler, reconvertir et/ou requalifier la population active, mais un cadre est nécessaire.

Un programme fédéral de reconversion qui incite les entreprises à orienter leurs collaborateurs vers de nouveaux parcours numériques en est un. Cependant, cette reconversion n’est pas bon marché. Forts d’un soutien ciblé et d’un programme de reconversion numérique à l’échelon national, nous aidons nos petites et moyennes entreprises à s’engager plus rapidement sur la voie du numérique. En Europe, la Belgique a reculé de deux places au classement numérique cette année et se retrouve huitième. Nous devons donc intensifier nos efforts.

Arnaud Spirlet, General Manager Cisco Belgium

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