7.800 emplois créés en 2017 ? Le tax shift aux rayons X

Marcia De Wachter © .
Ewald Pironet Ewald Pironet est rédacteur du Knack.

Combien de nouveaux emplois le tax shift a-t-il générés ? Pour la première fois, un chiffre est paru: 7.800 emplois cette année. Cela semble peu comparé aux fanfaronnades du gouvernement Michel, mais Marcia De Wachter de la Banque Nationale estime que ‘ce n’est vraiment pas rien’.

‘Cette année, 7.800 emplois ont été créés grâce au tax shift’, affirme Marcia De Wachter, directeur de la Banque Nationale de Belgique et Vice-présidente du Conseil supérieur de l’emploi. Pour la première fois, un chiffre concret paraît sur l’impact du très controversé tax shift sur la création d’emploi. Car il était déjà clair depuis longtemps que de nouveaux emplois avaient été créés au cours du gouvernement Michel, mais une grande discussion existait concernant l’attribution de cette augmentation à la croissance économique plutôt qu’aux mesures du gouvernement Michel, dont le tax shift est un élément essentiel. “13% du nombre total des nouveaux emplois ont été créés grâce au tax shift”, selon De Wachter.

Nous observons une polarisation de notre marché de l’emploi: les personnes les moins qualifiées et celles hautement qualifiées trouvent du travail, les personnes entre les deux en trouvent plus difficilement

Marcia De Wachter

D’emblée lors de sa prise de fonction en octobre 2014, le Premier ministre Charles Michel (MR) a clarifié les priorités de son gouvernement : ‘Jobs, jobs, jobs.’ Et ces derniers se sont également concrétisés au cours de ces trois dernières années. Et en grand nombre : selon les chiffres les plus récents, le nombre de jobs a progressé de 73.000 unités en une seule année (entre mars 2016 et mars 2017). C’est la progression la plus importante depuis l’éclatement de la crise financière en 2008. Depuis l’entrée en fonction du gouvernement Michel, plus de 162.000 emplois supplémentaires ont été créés. Et pour la première fois depuis longtemps, ces jobs sont surtout apparus dans le secteur privé. Cela a été estampillé la nouvelle la plus positive depuis des années.

Grâce au tax shift, la contribution des employeurs à la sécurité sociale évolue de 32,40% à 25% en 2018. Une partie de cette diminution a déjà été réalisée en 2016. Il fallait ainsi ralentir la croissance du coût salarial dans le but de créer davantage d’emplois. Jusqu’à présent, leur nombre n’était que présumé. La Banque Nationale l’a récemment chiffré. Marcia De wachter : ‘L’an dernier, 4.700 emplois ont été créés grâce au tax shift, ce qui représente 8% du nombre total des nouveaux emplois. Les prochaines années, ce pourcentage augmentera jusqu’à plus de 25% de la croissance d’emploi annuelle. Pour l’ensemble de la période entre 2015 et 2021 compris, 52.100 emplois supplémentaires auront été créés globalement grâce au tax shift.’

Contrats temporaires

Une remarque importante s’impose concernant ces chiffres : il ne s’agit pas de 52.100 emplois à temps plein. ‘Ce sont des emplois qui sont disponibles’, explique De Wachter. ‘Certains sont à temps plein, parfois il s’agit de contrats à temps partiel ou temporaires. Selon le Rapport annuel du Conseil supérieur de l’emploi, 40% des nouveaux emplois étaient à temps partiel l’an dernier et pour 52%, il s’agissait de contrats temporaires. ‘Une évolution plutôt récente’, poursuit De Wachter. ‘Notre marché du travail devient plus flexible. Mais cette flexibilité se situe à un niveau plus faible en Belgique qu’aux Pays-Bas, en Allemagne ou dans les pays scandinaves par exemple. Des pays où il y a notamment beaucoup plus d’emplois temporaires et à temps partiel et où le travail dominical et du soir est beaucoup plus fréquent.’

Le résultat du tax shift n’est-il pas un peu maigre ? De Wachter : ‘52.100 emplois supplémentaires au-delà de la croissance normale de l’emploi, ce n’est vraiment pas rien. La diminution des cotisations patronales, en partie ciblée sur les bas salaires, crée la plupart des nouveaux jobs et ce au prix budgétaire le plus bas. Le tax shift est en conséquence une mesure très efficace en matière de création d’emplois.’

Mais les nouveaux emplois voient également le jour grâce à d’autres facteurs. De Wachter : ‘A partir de 2009, les gouvernements ont commencé à travailler à une modération salariale. Sous le gouvernement Di Rupo, un pacte de compétitivité a par exemple été conclu par lequel les salaires ont été gelés pendant deux ans et les cotisations sociales diminuées. Ensuite, le gouvernement Michel a effectué un saut d’index. Cela nous a rendu à nouveau compétitifs et génère aujourd’hui pas mal de jobs.’

Ensuite, il y a également la reprise de l’économie. Cette année, celle-ci croîtra de 1,7%, et en Allemagne – essentiel pour nos exportations – de plus de 2%. ‘La croissance économique fournit aujourd’hui plus vite et davantage d’emplois qu’auparavant’, relève De Wachter. ‘Il y a dix ans, notre croissance économique devait dépasser 2% l’an si l’on voulait observer un quelconque impact sur le marché du travail. Aujourd’hui, une croissance économique de 1% génère déjà plus d’1% de croissance au niveau de l’emploi. L’intensité de main d’oeuvre de notre croissance a donc considérablement augmenté. Et c’est notamment grâce à toutes les mesures que les gouvernements ont prise pour rendre le travail plus attrayant.’

Un débat fait également rage concernant les groupes de la population concernés par ces nouveaux jobs. Le sont-ils tous ? La spécialiste en pauvreté Bea Cantillon a récemment déclaré dans le journal De Tijd que ‘les nouveaux emplois sont surtout favorables aux personnes hautement qualifiées’. Marcia De Wachter secoue la tête : ‘Nous n’observons pas cela dans nos chiffres. Nous voyons même plutôt le contraire : par rapport à il y a dix ans, il y a une augmentation relativement plus forte des personnes peu qualifiées dans les nouveaux emplois que des personnes hautement qualifiées. Les personnes les moins qualifiées trouvent plus facilement du travail et elles gravissent même les échelons vers des emplois moyennement qualifiés. D’autre part, nous constatons, depuis un certain temps déjà, que ce sont surtout les personnes moyennement qualifiées qui sont touchées par les pertes d’emploi. Nous observons donc une polarisation de notre marché de l’emploi : les moins qualifiés et les hautement qualifiés trouvent du travail, les personnes qui se situent entre les deux ont plus de mal.’

Différence entre les Régions

Le nombre de jobs augmente donc significativement, mais en même temps le nombre de personnes en âge de travailler (entre 20 et 64 ans) augmente aussi. C’est la raison pour laquelle le pourcentage de ces personnes en âge de travailler qui ont un emploi – dans le jargon on appelle cela le taux d’emploi – est important: la croissance de l’emploi est-elle parallèle à la croissance du nombre de personnes capables de travailler ? Lors de l’entrée en fonction du gouvernement Michel, le taux d’emploi s’élevait à 67,1%. Nous étions à cet égard parmi les derniers de la classe en Europe. Entre-temps, ce chiffre a légèrement augmenté à 68,3% et nous sommes toujours à la traîne. Et la Belgique vise un taux d’emploi de 73,2% en 2020. Pour obtenir cela, quelque 350.000 emplois devront être créés au cours des trois prochaines années. Ce n’est pas réaliste.

De Wachter: ‘Le Conseil supérieur de l’emploi dit depuis longtemps déjà que ce chiffre n’est pas réalisable pour la Belgique. Je pense que nous arriverons à un taux d’emploi de 70% en 2020. Il y a toutefois une disparité entre les Régions : la Flandre atteint déjà 73% à présent et elle atteindra probablement son objectif pour 2020 (76%) en 2021. Le problème se situe dans les autres Régions. Bruxelles et la Wallonie n’avaient pas d’objectif explicitement préétabli. Mais conservons ces 73% de taux d’emploi comme objectif. Vous voyez que les mesures favorisant l’emploi paient. Nous devons dès lors aussi poursuivre dans cette voie. Et nous devons bien sûr encore activer davantage. Et maintenir les personnes plus longtemps à l’emploi. Et nous observons que les personnes dans des pays où l’âge de la pension a déjà été relevé il y a des années, comme les Pays-Bas, l’Allemagne et la Scandinavie, travaillent également réellement plus longtemps.

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