237 milliards pour l’indépendance de la Flandre: le scénario de Vermeiren ne tient pas la route

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La Flandre qui reprend 55% de la dette belge, soit 203 milliards d’euros. Une indépendance qui lui coûterait, au total, 237 milliards d’euros, voilà le scénario avancé par Remi Vermeiren dans son livre “Belgique. La mission impossible”. Le scénario de l’ancien haut dirigeant de la banque KBC ne tient pas compte de tous les paramètres.

D’après le groupe de réflexion séparatiste De Warande, le prix à payer pour une Flandre indépendante serait de 237 milliards d’euros. Ce montant correspond à la reprise par la République flamande de 55% de la dette publique de la Belgique (estimée à 203 milliards d’euros) et au maintien temporaire des transferts financiers entre le nord et le sud du pays. Selon “Belgique. La mission impossible” (België. De onmogelijke opdracht), le livre de Remi Vermeiren, ancien haut dirigeant de la banque KBC et actuel membre éminent du groupe de réflexion séparatiste, la Wallonie pourrait encore compter durant cinq ans sur 3,6 milliards d’euros provenant de Flandre. Une somme qui serait ensuite progressivement abaissée de 10% chaque année durant dix ans. Ce qui ferait un montant total de 34 milliards d’euros.

L’auteur plaide encore pour une division de la Belgique en trois entités: la Flandre, la Wallonie et Bruxelles, qui serait une ville-Etat. Les nouvelles frontières correspondraient aux frontières régionales actuelles et chaque Belge pourrait choisir laquelle des trois nouvelles nationalités il prend, et ce indépendamment du lieu où il vit. Bruxelles deviendrait un Etat indépendant, mais la Flandre et la Wallonie conserveraient la compétence d’y développer des services pour leur propre communauté.

C’est la première fois qu’un scénario complet, chiffré et objectif de scission du pays est mis sur papier du côté radical flamand, écrit De Morgen. Pourtant ce scénario ne tient pas tout à fait la route…

Trois questions à Philippe Ledent, senior economist chez ING Belgique et chargé de cours à l’UCL.

Est-ce que ce scénario est plausible ? Non, car c’est bien plus complexe que cela. D’une part, ce scénario est unilatéral. C’est comme dans un divorce, une partie décide du plan de séparation et puis cela se négocie avec l’autre partie. La décision n’est pas unilatérale.

Ce scénario tient d’autant moins la route que l’aspect “réputation” a fortement été sous-estimé dans celui-ci. Or sur l’économie d’un pays ou d’un Etat, cet effet “réputation” a un très fort impact. L’Europe ne pardonnerait jamais un tel scénario, et Bruxelles a énormément à perdre dans l’optique où les institutions européennes quitteraient le territoire bruxellois. Combien coûterait un tel départ ? Et ceci n’est justement pas chiffré et pris en compte dans le présent scénario.

Les chiffres avancés sont-ils réalistes ? Le plus gros montant est celui de la reprise de la dette. Plusieurs papiers et articles ont déjà été publiés sur le sujet : quel est le meilleur moyen de diviser la dette ? A nouveau ce sont des choses qui doivent se négocier en fonction du point de vue que l’on prend. Selon ce point de vue, la Flandre devrait reprendre de 0% à 100% de la dette belge.

Alors oui, on peut trouver un élément de justification à ce chiffre d’une reprise de 55% de la dette, mais on peut tout aussi bien justifier une reprise à hauteur de 70%. Tout est une affaire de point de vue et de négociations.

Un tel scénario serait-il viable pour Bruxelles qui deviendrait ainsi une ville-Etat ? Mon sentiment, c’est que cela me paraît difficilement viable pour Bruxelles, car il faudra tenir compte du fait que les institutions européennes quitteront la ville ! Ce qui viderait Bruxelles d’une partie de sa substance et cela ne me paraît pas viable économiquement parlant.

Mais il n’y a pas que l’économie, et là je sors un peu de mon domaine, il y a aussi tout l’aspect juridique en droit international qu’un tel statut poserait pour Bruxelles, mais aussi pour la Flandre et la Wallonie, car rien n’a été prévu dans les textes ! A l’heure où tout le monde se préoccupe du droit international, cela me semble particulièrement compliqué. Il faudrait que dans un premier temps ces entités sortent de l’Union européenne, car les textes fondateurs de l’Union ne les reconnaissent pas, puis redemandent leur adhésion, que celle-ci soit acceptée et qu’ils soient reconnus par les autres Etats membres…

Ce ne sont pas des scénarios qui peuvent être élaborés uniquement sous l’angle économique, et certainement pas sous un angle uniquement “comptable”. Au-delà de ces critères économiques, il existe toute une série de critères, notamment juridiques, qui ne peuvent pas être écartés, voire “éliminés”, du débat.

Voilà pourquoi le schéma économique de Remi Vermeiren a quelque peu du plomb dans l’aile.

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