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Plus d’éthique, donc plus de profits ?

Les entreprises respectueuses de l’environnement ou attentives au bien-être de leurs collaborateurs sont-elles plus performantes pour leurs actionnaires que les autres ? Y a-t-il un intérêt financier à investir dans des sociétés “qui font le bien” ?

Les entreprises respectueuses de l’environnement ou attentives au bien-être de leurs collaborateurs sont-elles plus performantes pour leurs actionnaires que les autres ? Y a-t-il un intérêt financier à investir dans des sociétés “qui font le bien” ? Plusieurs auteurs anglo-saxons, à l’exemple de Geoffrey Heal dans son livre When Principles Pay (Lorsque les principes rapportent), soutiennent que c’est effectivement le cas. Ils soulignent les résultats de plusieurs études statistiques montrant que les rendements boursiers des actions des firmes “agissant bien” (bon score pour le respect de l’environnement, standards de responsabilité sociétale supérieurs à la moyenne,…) sont supérieurs à ceux du marché. Les auteurs mettent en avant trois types arguments pour expliquer cette meilleure performance financière.

Tout d’abord, les firmes ne disposant pas de bonnes politiques pour le respect de l’environnement ou la responsabilité sociétale s’exposent à des risques plus importants de pénalités financières (procès, amendes,…). Dans une étude parue il y a quelques années, la banque Crédit Suisse (peu suspecte d’angélisme en matière de corporate social responsibility) soulignait l’importance de ces risques pour la rentabilité à long terme, en particulier pour les firmes industrielles. Par exemple, les économies faites par BP sur sa plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique auront probablement été bien maigres face aux milliards de dédommagement que la firme a dû payer. Et en l’espace de quelques semaines, les actionnaires de BP ont perdu 50 % de leur argent.

Le second argument est que les entreprises qui “agissent bien” parviennent plus facilement à attirer les talents, et à les garder. Elles sont aussi capables de retirer plus de leur capital humain. Par exemple, les connaissances informelles (très utiles à l’efficacité de l’entreprise) sont mieux utilisées du fait d’une plus faible rotation du personnel.

Enfin, la respectabilité des firmes “agissant bien” leur permet d’attirer plus de clients (donc d’améliorer leurs parts de marché), et éventuellement de pouvoir vendre un produit similaire plus cher qu’un concurrent.

Ces arguments sont typiques du courant doing well by doing good aux Etats-Unis (être florissant en faisant le bien). Ils laissent à penser que ni régulation ni règlementation ne sont nécessaires pour rendre les firmes plus attentives au respect de l’environnement ou de leurs employés. Les entreprises tendront naturellement vers plus de responsabilités, car c’est là leur intérêt.

“Doing well by doing good”

Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Malgré les éléments avancés, il n’est pas clair que les firmes “agissant bien” soient plus rentables. D’autres auteurs ont montré que des firmes clairement “non-éthiques” (les producteurs de cigarette par exemple) sont au moins aussi rentables, si pas plus rentables, que les firmes “éthiques”.

De plus, la polémique fait toujours rage entre les spécialistes quant aux modèles statistiques à utiliser pour prouver la meilleure rentabilité des “bonnes” entreprises. En effet, il est possible que ce soient précisément les firmes les plus efficaces qui mettent en place des politiques de responsabilité sociétale; les autres ont d’autres chats à fouetter. Dans ce cas, dire que les firmes éthiques sont les plus performantes est une tautologie : ce sont les firmes performantes qui parviennent à mettre en place des politiques éthiques. L’argument du doing well by doing good ne suffit dès lors plus : un régulateur est nécessaire pour inciter toutes les entreprises à adopter les meilleurs standards environnementaux ou éthiques.

Enfin, il y a probablement un effet de mode dans le fait que les sociétés “éthiques” performent mieux sur les marchés boursiers. A l’occasion d’une recherche menée entre 2008 et le premier trimestre 2011 sur le rendement de firmes américaines bien classées dans les rankings “respect de l’environnement” et “responsabilité sociétale” (*) nous avons trouvé que ces firmes surperforment nettement le marché sur le court terme (un an). Au-delà de cette période, leur rendement retombe au même niveau que le marché.

Bien que cela soit encore à démontrer, il est donc possible que le doing well by doing good ne se vérifie que lorsque les actions “éthiques” sont liées à un effort de communication plus important des firmes sur le bien qu’elles font autour d’elles. Cela n’aurait rien de surprenant somme toute. Mais cela doit nous amener à nous interroger sur le caractère “éthique” de certains actes : un acte qui est fait avant tout pour l’impact médiatique positif attendu peut-il être encore qualifié d’éthique ?

Inversement, il n’est pas facile, même pour des personnes physiques, de concevoir des actes totalement désintéressés. De surcroît donc pour des personnes morales. Or le bon équilibre à trouver entre “engagement véritable” et “communication” est d’autant plus important à trouver pour les entreprises qu’elles sont composées de personnes physiques dont le jugement quant à ce qui est éthique peut varier énormément et dont la capacité de dénoncer via les médias les incohérences de leurs employeurs entre leurs actes et leurs messages est aujourd’hui très grande. Ne s’agirait-il donc pas plutôt de doing well by doing good and letting it know, in a balanced and coherent way? Plus facile à dire qu’à faire, assurément !

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