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Peut-on/doit-on parfois bloquer les prix ?

Le gouvernement belge, qui a bloqué les tarifs de l’énergie jusqu’à la fin de l’année, pourrait-il élargir la mesure à certains prix alimentaires, comme proposé à la fin du mois dernier par le président du PS ? Les socialistes belges ne sont pas seuls à aborder la question.

Le gouvernement belge, qui a bloqué les tarifs de l’énergie jusqu’à la fin de l’année, pourrait-il élargir la mesure à certains prix alimentaires, comme proposé à la fin du mois dernier par le président du PS ? Les socialistes belges ne sont pas seuls à aborder la question. Le candidat à l’Elysée en avait fait un sujet de campagne, proposant un blocage des prix du carburant pendant trois mois. François Hollande y a toutefois renoncé provisoirement, a signalé son entourage en fin de semaine dernière. Quelques marginaux lui ont aussitôt reproché de ne pas tenir une de ses promesses les plus emblématiques. Réponse : ce n’est pas à l’ordre du jour… maintenant que les prix refluent. Le blocage a évidemment pour but de freiner une hausse, pas une baisse. Certains n’ont visiblement pas tout compris…

Bloquer les prix pour protéger le citoyen-consommateur d’une inflation excessive, est-ce une bonne idée ? Elle n’est pas neuve en tout cas. On la retrouve dans certains édits royaux du… 14e siècle, quand les vivres se font plus rares avant la nouvelle récolte. On veut alors geler les prix et lutter contre la spéculation. Rien de neuf ! En France toujours, c’est pour protéger les assignats, cette “monnaie de singe” qui commence à flancher, qu’on bloque les prix et salaires en 1793. Plus récemment, Paris gèle les prix et les revenus en juin 1982, pour endiguer l’inflation générée par le 2e choc pétrolier. Une initiative emblématique de l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand ? Non : la gauche n’a pas le monopole de pareilles mesures. La France les avait déjà appliquées en 1976. Ainsi qu’en 1963, sous la conduite du ministre des Finances du général de Gaule, un certain Giscard, pas vraiment socialiste.

C’est un premier constat : s’il peut paraître aberrant de bloquer le thermomètre pour lutter contre la fièvre, la gauche, pas très fan d’une économie de marché trop libre, n’est pas seule à y avoir recours. Ce n’est pas uniquement la fin de l’étalon-or que le président américain Nixon, fort peu socialiste, annonce en août 1971, mais aussi un blocage des prix et des salaires. Rebelote en juin 1973 pour les premiers. Par ailleurs, plusieurs villes américaines pratiquent toujours un encadrement des loyers, New York tout particulièrement.

Ce dernier est hérité des mesures exceptionnelles prises au lendemain de la seconde guerre mondiale, comme de la première du reste. C’est un deuxième constat : en des circonstances particulièrement difficiles, tous les Etats sont prêts à déroger aux règles communes. On a ainsi rappelé que le blocage des prix de l’énergie s’appuyait en Belgique sur la loi du 22 janvier 1945 (la France a suivi le 30 juin 1945), dont on peut comprendre la nécessité à l’époque. Elle donne au ministre de l’Economie le pouvoir de fixer des prix maxima, ou de “fixer la limite du bénéfice à prélever par tout vendeur ou intermédiaire”. Cette loi a été modifiée et complétée en 1969, puis en 1971, mais jamais abrogée.

Sa lecture impose un troisième constat. Le paragraphe 2 bis précise en effet “pour un terme de six mois au plus”. Il ne s’agit donc pas de casser le thermomètre des prix, seulement de le neutraliser temporairement, sous peine d’effets désastreux. De fait, il est clair que la pénurie de logements dont la France a toujours souffert est née du blocage _puis du très strict encadrement_ des loyers instauré en 1918. C’est donc à juste titre que le PS évoque une mesure “complémentaire et temporaire” devant précéder des mesures structurelles. Reste une question de taille : les circonstances actuelles sont-elles graves à ce point ou s’agit-il d’une dramatisation fort politique ?

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