Mário Centeno, le ‘Ronaldo des ministres des Finances’ à la tête de l’Eurogroupe

Mário Centeno © Belga

En tant que ministre des Finances, l’économiste de Harvard Mário Centeno a, ces deux dernières années, aidé l’économie portugaise à se remettre sur pied. À présent, il a reçu pour mission de donner un nouveau souffle à l’Eurogroupe.

Son surnom, il l’a déjà : le Cristiano Ronaldo des ministres des Finances. Ce titre honorifique, Mário Centeno l’a reçu de l’ancien ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble. Centeno, tout juste 51 ans, est ministre des Finances du gouvernement portugais depuis 2015.

Lundi, il a gagné la bataille diplomatique pour la présidence de l’Eurogroupe, le groupe des ministres des Finances de la zone euro. Centeno succède au Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, qui occupait le poste depuis 2013.

Centeno était nouveau en politique quand il a pris ses fonctions de ministre en 2015. Peu de temps avant cela, le Portugal avait été mis sous perfusion d’aide européenne, pas vraiment une position de départ idéale pour un ministre des Finances.

Son Premier ministre, le socialiste António Costa, voulait en outre inverser la politique d’austérité de son prédécesseur de centre droit, ce qui a provoqué une certaine inquiétude chez ses collègues européens.

Afin de dresser un tableau complet, soulignons que Centeno avait été comparé, lors de sa prise de fonctions, à Yanis Varoufakis, le flamboyant ancien ministre des Finances grec, qui n’a pas été en mesure de répondre à la discipline budgétaire exigée par l’Europe, et en particulier à Schäuble.

Architecte économique

Sans étiquette politique, Centeno a d’emblée mis fin à la comparaison avec le ministre grec. En tant qu’architecte économique du gouvernement portugais, il allait adoucir la politique d’austérité, déclara-t-il, mais néanmoins respecter les règles européennes.

En fait, Centeno a misé sur le fait que l’adoucissement des mesures d’austérité (notamment avec un relèvement des salaires minimums et des pensions) dynamiserait la croissance portugaise, ce qui comprimerait le déficit budgétaire.

Les faucons budgétaires européens étaient sceptiques, mais le pari de Centeno a fonctionné. Le déficit budgétaire portugais a diminué, jusqu’à 2,1% l’an dernier – le niveau le plus bas en quarante ans. La Commission européenne observe même une poursuite de la diminution du déficit cette année, jusqu’à 1,7%. En partie grâce à l’augmentation des exportations et des investissements, la croissance économique s’est également accélérée.

Selon les estimations, elle atteindra cette année 2,8%, le niveau le plus élevé en dix ans. En septembre, Centeno a reçu l’ultime récompense. Les obligations portugaises, qui avaient échoué au statut spéculatif, ont à nouveau acquis le label de qualité, l’investment grade de l’agence de notation S&P.

Club informel

Centeno aurait très bien pu saisir cette occasion pour triompher devant les caméras. Mais il a gardé la tête sur les épaules. Il s’est sans doute rendu compte que le succès était également à attribuer au gouvernement précédent, qui avait notamment procédé à de pénibles réformes du marché du travail.

Centeno a prévenu que, malgré sa crédibilité financière regagnée, le Portugal avait toujours une lourde dette publique, égale à 130% du produit intérieur brut. C’était “la quatrième plus importante dette du monde”, dit-il. Réduire l’ampleur de la dette nécessiterait “un énorme pragmatisme”.

Ce penchant pour le pragmatisme est probablement lié à la formation de Centeno. Il a étudié les mathématiques à Lisbonne et l’économie à l’université américaine de Harvard ensuite, où il a également obtenu un doctorat.

En 2000, il a commencé en tant qu’économiste de recherche auprès de la Banco de Portugal, la banque centrale portugaise, où il s’est rapidement élevé au poste de directeur adjoint du service des études.

Le pragmatisme se révélera utile pour l’Eurogroupe qui, depuis la crise grecque, n’a pas vraiment la meilleure des réputations. Quand la Grèce avait besoin d’un train de mesures d’aide d’urgence supplémentaire, c’était souvent l’Eurogroupe qui traçait les contours et resserrait les conditions.

Et qui, par la suite, a solidement rappelé les Grecs à l’ordre, malgré la contraction de l’économie et la hausse du chômage. La puissance de l’Eurogroupe, en particulier, a fait l’objet de critiques. Ses décisions déterminent la vie des gens ordinaires, mais il reste malgré tout un club informel. Les concertations se font derrière des portes closes, officiellement il n’y a même aucun procès-verbal.

Il y a quelques mois, le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, a même qualifié l’Eurogroupe de “scandale démocratique”.

Centeno sait donc ce qui lui reste à faire. Maintenant que l’Europe a des projets pour renforcer l’union monétaire, l’Eurogroupe a tout intérêt à faire preuve d’un peu de transparence et de responsabilité. C’est au modeste, mais brillant Portugais qu’incombe cette mission.

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