Marc Ysaye : Solide comme le rock

© RTBF

Il affiche 30 ans de RTBF au compteur. Animateur radio, musicien, motard et surtout directeur de Classic 21, Marc Ysaye est un patron “malgré lui” qui fait rimer guitares électriques et gestion atypique.

L’air de rien, il dirige une PME d’une autre dimension. Une petite boîte de 30 personnes qui ne fabrique pas de marchandises, mais un contenu impalpable qui se glisse volontiers dans les oreilles de 300.000 auditeurs quotidiens. A 58 ans, Marc Ysaye est, à vrai dire, un manager atypique dont la casquette est triple puisqu’en plus d’être le directeur de la chaîne ertébéenne Classic 21, l’homme est aussi animateur radio et batteur au sein du groupe rock Machiavel.

Une fonction entrepreneuriale qui lui est un peu tombée dessus “à l’insu de son plein gré” mais dont il savoure aujourd’hui la pleine mesure du privilège. Car l’inoxydable quinqua a plutôt le vent en poupe. Dévoilés il y a trois semaines à peine, les derniers chiffres du CIM ont en effet propulsé “sa” radio dans le Top 5 des stations francophones belges les plus écoutées avec 7,92 % des parts de marché, dépassant et volant ainsi la vedette à sa grande s£ur La Première qui se tasse quelque peu à 7,4 %.

Ravi, Marc Ysaye savoure évidemment son joli score, même s’il ne la ramène pas pour autant. “Je sais que rien n’est jamais gagné, déclare l’homme des ondes, et qu’il s’agit d’un travail de chaque instant. Alors, bien sûr, on peut encore grandir à 9 % de parts de marché et même rêver d’atteindre les 10 % étant donné le potentiel de la marque, mais il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers et plutôt susciter la remise en question permanente.”

Musicien avant tout

Résolument tournée vers l’histoire du rock tout en gardant une oreille attentive sur les productions actuelles, Classic 21 se définit comme une “radio adulte de service public visant les 35-54 ans” et dont le slogan – “Ecoutez l’original” – a récemment fleuri sur une campagne de pub mettant en scène des clichés en noir et blanc de grandes stars signés Paul Coerten.

A la barre de la station depuis huit ans déjà, Marc Ysaye se serait bien vu, à vrai dire, diplomate ou même politicien. Mais les soubresauts de la vie en ont décidé autrement. A 16 ans, l’adolescent tâte pour la première fois de la batterie et, peu réceptif aux sirènes des études “sérieuses”, il multiplie les expériences musicales de petits groupes en petits bals. En 1974, il rejoint, à 20 ans, la ville d’Arnhem, aux Pays-Bas, pour perfectionner son jeu de baguettes au sein d’une école de musique et fonde, un an plus tard, le groupe Machiavel pour lequel il signera plusieurs compositions et poussera également les vocalises.

Première formation belge à remplir la salle mythique de Forest National, Machiavel multipliera albums et succès pendant sept ans jusqu’à la séparation du groupe en 1982… et sa renaissance étonnante une petite quinzaine d’années plus tard ! “Marc est un vrai amoureux de musique et cela se ressent aujourd’hui dans son rôle de directeur, analyse son ami comédien et ancien animateur radio Patrick Bauwens. Avec lui, c’est la première fois que l’on a, en Belgique, un responsable de chaîne qui est d’abord un musicien, ce qui donne une approche complètement différente dans la programmation, le respect des artistes et la philosophie de la chaîne.”

De la batterie à la cassette

A cet hommage, on pourrait aussi ajouter le fait que Marc Ysaye a commencé tout en bas de l’échelle radiophonique avant d’être propulsé, en 2004, à la direction de Classic 21. Lorsque Machiavel “splitte” au début des années 1980, le batteur se retrouve en effet quelque peu dans le flou. “J’avais vécu des trucs dingues avec ce groupe pendant sept ans et, malgré le succès, je me retrouvais subitement à 28 ans sans argent et avec une petite fille à élever, confie-t-il. Comme, par la force des choses, je connaissais un peu le monde de la radio et que je parlais anglais, j’ai fait la maquette d’une émission de musique et j’ai envoyé la cassette à Jacques Mercier qui l’a ensuite transmise à Claude Delacroix.”

La candidature de Marc Ysaye arrive au bon moment. A l’époque, la RTBF vient de lancer Radio 21, un nouveau format “music & news” sous l’impulsion de Claude Delacroix précisément et l’ex-batteur de Machiavel s’y sent tout de suite à l’aise. Il débute comme assistant, fait tout doucement son trou, assure des remplacements à l’antenne et se voit enfin consacré animateur radio. Le 3 janvier 1988, jour de ses 34 ans, débute la première de l’une des émissions les plus cultes de la RTBF, Les Classiques, “ses classiques”, qui fêteront leur quart de siècle l’année prochaine et où ce fan de Genesis, Led Zep’ et les Beatles décortique avec passion les grands albums et autres destins de l’histoire du rock.

Quand Radio devient Classic

En 2001, Marc Ysaye est ensuite nommé directeur de Radio 21, canal qu’il scindera trois ans plus tard en deux chaînes musicales bien distinctes : une pour le public jeune, Pure FM, dirigée par Rudy Léonet, et l’autre dédiée à un public plus adulte, Classic 21, et dont il prendra logiquement les rênes. Si l’on vante aujourd’hui cette décision audacieuse – l’audience cumulée de ces deux “nouvelles” stations approche désormais les 11 % de parts de marché, soit deux fois et demie celle de Radio 21 en 2004 -, il n’en fut pas toujours de même à une époque où Marc Ysaye était taxé de “boss autoritaire”, “mettant son nez partout” et “incapable de déléguer”.

“Il aime prendre de l’embonpoint à tout niveau, mais cela fait partie de son charme, confirme Thierry Plas, ancien guitariste de Machiavel et aujourd’hui patron de Zoo Productions, une boîte de services audiovisuels. Il ne faut pas oublier qu’il a débarqué à la RTBF comme un simple passionné de musique et qu’il s’est finalement retrouvé patron de chaîne, à devoir gérer les ressources humaines et les syndicats. Et franchement, il s’est bien débrouillé.”

Si Marc Ysaye avoue aujourd’hui s’être “calmé” et avoir beaucoup travaillé sur lui “pour apprendre à déléguer”, l’homme ne se sent pas pour autant frustré d’avoir acquis toutes ses compétences de manager sur le tas. “RTBFiste convaincu” (comme il se définit lui-même), il salue d’ailleurs cette opportunité d’avoir pu forger son rôle de patron au sein de l’institution et se dit viscéralement attaché au service public.

Produits dérivés, motos et tournées

Optimiste, il croit plus que jamais en l’avenir de sa chaîne et surtout au potentiel de sa marque.

Preuve en est d’ailleurs avec les “produits dérivés” qu’il multiplie : compils, livres – Making of 2 vient de sortir -, mais aussi voyages labellisés Classic 21, comme cette “Route du Blues” de 12 jours en Harley Davidson, de Chicago à la Nouvelle-Orléans, du 25 mai au 6 juin prochain, et dont la centaine de billets (6.940 euros en formule duo et 4.780 euros en formule single) se sont écoulés en 36 heures à peine…

Car le batteur de Machiavel – il a repris les tournées et les concerts ! – est également un fan de moto – il en possède une quinzaine – et se dit prêt à se fondre dans la masse de ses auditeurs pour partager, en tant qu'”excellent conteur” (c’est un de ses amis qui le dit), sa triple passion de la radio, de la musique et des belles mécaniques. Une façon originale de montrer, finalement, qu’il n’est décidément pas un manager comme les autres.

FRÉDÉRIC BRÉBANT

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