Les “fermes à clics” du Premier ministre “social” du Cambodge

Hun Sen © Reuters

Entre ses “live” sur Facebook et ses étranges photos de vacances le montrant T-shirt mouillé sur la plage, le Premier ministre du Cambodge, Hun Sen, est devenu un phénomène des réseaux sociaux. Mais des doutes sont émis sur l’origine de ses cinq millions de fans.

Un soudain afflux de “like” sur sa page Facebook officielle par des internautes basés aux Philippines ou en Inde a suscité les sarcasmes de l’opposition.

La belle histoire échafaudée par les communicants de l’homme fort du Cambodge, qui se maintient au pouvoir depuis plus de trente ans, se révèle plus compliquée que ce qu’en dit la page d’accueil de sa page Facebook officielle.

En quelques mois de présence sur les réseaux sociaux, sa conquête de cinq millions de fans était censée montrer l’intérêt de la jeune génération, pour cet ancien “dinosaure” auto-proclamé, récemment converti aux réseaux sociaux, avant des élections prévues en 2018.

Or, grâce au logiciel de détermination des origines des “like” SocialBakers.com, il apparaît que nombre de ces clics vient d’Inde, d’Indonésie ou des Philippines, pays où il est peu probable que la page du Premier ministre cambodgien déchaîne les passions.

Inde et Philippines sont en revanche connues pour abriter des “fermes à clics” de sites illégaux qui proposent de faire acheter des “likes” par des internautes rémunérés pour cela.

Très populaire en Inde

Selon une projection réalisée par l’AFP sur SocialBakers.com, le site de Hun Sen a connu deux périodes de pics de “like” originaires d’Inde et des Philippines récemment. Elle montre aussi que seuls 55% des 5 millions de “fans” de Hun Sen vivent au Cambodge.

Par contraste, 82% des près de trois millions d’internautes qui suivent Sam Rainsy, le chef de file de l’opposition, sont au Cambodge.

Actif de longue date sur les réseaux sociaux, il est celui qui a sonné la charge contre Hun Sen dans cette affaire.

“Dans sa logique trompeuse et puérile, Hun Sen veut gonfler sa popularité sur Facebook, de façon à justifier sa politique répressive”, accuse Sam Rainsy, dans un mail envoyé à l’AFP depuis son exil en France, pour échapper à des poursuites judiciaires dans son pays, politiques selon lui.

Loin de son image bonhomme sur internet, inquiet de ne plus pouvoir jouer au golf à cause de son gros ventre, Hun Sen multiplie les pressions sur l’opposition. Et plusieurs internautes ayant eu l’audace de le dénigrer ont été arrêtés.

Plus de 11% des “fans” de Hun Sen se situent en Inde, pays peu réputé pour abriter une diaspora cambodgienne.

Mais les équipes de Hun Sen démentent tout achat de clics, dans des fermes indiennes ou autres.

“Si nous avons de l’argent, nous construisons des routes, des ponts et des hôpitaux. Nous ne dépenserions pas de l’argent pour l’achat de +like+ sur Facebook”, a démenti Sok Eysan, porte-parole du parti de Hun Sen, le Parti du peuple cambodgien, dans un pays connu pour sa forte corruption, qui reste largement sous perfusion de l’aide internationale.

Les accusations de recours à des fermes à clics sont le fait de politiciens “jaloux”, a-t-il ajouté. Des analystes indépendants comme Virak Ou s’étonnent cependant aussi de ces pics de popularité venus de l’étranger, Virak Ou leur trouvant “très peu d’explications raisonnables”.

Pendant ce temps, malgré les moqueries sur la toile, Hun Sen et son équipe “réseaux sociaux” continuent leur oeuvre de promotion sur Facebook.

Dans une récente vidéo ayant gagné une certaine popularité, Hun Sen arrête son convoi pour parler à un simple conducteur de mobylette, énième mise en scène de sa proximité avec le peuple.

Hun Sen a alors enfourché la mobylette et a embarqué l’homme, médusé, pour un tour, avant de lui donner près de 1.000 euros en cash.

“Maintenant, tu peux changer de moto. Mais ne change pas de femme”, lui a alors lancé Hun Sen.

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