Les 8 chantiers de Melchior Wathelet

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Energie, Environnement, Mobilité et Réformes institutionnelles : le secrétaire d’Etat a du pain sur la planche. Et la volonté chevillée au corps.

Parfois, au vu des compétences déjà confiées à l’un ou l’autre secrétaire d’Etat, la mauvaise foi qui sommeille en chacun de nous pouvait se demander s’il ne risquait pas de s’ennuyer sec. Avec Melchior Wathelet, pas de ça ! Energie, Environnement, Mobilité et Réformes institutionnelles : le “golden boy” du CDH a du pain sur la planche. Pas qu’il se tournait les pouces au sein de feu Leterme Ier, puisqu’à côté de la Politique des familles et des Institutions culturelles fédérales, il avait à faire avec le Budget, la Migration et l’Asile. Excusez du peu.

Du pain sur la planche, donc. D’autant plus que ces matières sont neuves pour lui. “Ce sont de très belles compétences, commente ce Verviétois de 34 ans. Le lien entre environnement, énergie et mobilité est fondamental.” Et pas le développement durable, qui est du ressort de Servais Verherstraeten (CD&V) ? “Une autre logique a joué : ce domaine aura un impact très fort sur les bâtiments de l’Etat, qui doit montrer l’exemple. Il a donc été lié à la tutelle sur la Régie des bâtiments. Vous savez, à l’époque, Paul Magnette, en charge du Climat et de l’Energie, ne disposait pas de la Mobilité. Et aujourd’hui, tout le monde semble trouver que c’est une excellente idée.”

Dernier détail à évacuer : doté d’autant de compétences, ne regrette-il pas de ne pas être ministre, mais “juste” secrétaire d’Etat ? “Il fallait 13 ministres dans le gouvernement et voilà ! Cela ne m’empêche pas de dormir. La manière dont je vais gérer mes compétences est bien plus importante.” Justement : Melchior Wathelet passe en revue les défis qui l’attendent.

1. La sortie du nucléaire

Sitôt sa nomination officielle, le député Ecolo Georges Gilkinet l’a rebaptisé, sur Twitter, “secrétaire d’Etat à l’Energie (nucléaire)”. Une allusion à la proposition de résolution déposée en 2006, plaidant en faveur d’une prolongation des centrales belges. “Jusque-là, la sortie du nucléaire n’avait jamais été liée à la question de la sécurité d’approvisionnement, recadre Melchior Wathelet. On parlait de tourner la page de l’atome, sans dire ce qu’on allait faire pour cela. C’était un peu court.”

Quoi qu’il en soit, la feuille de route belge est claire à présent : dans les six mois, le secrétaire d’Etat devra présenter un plan d’équipement pour la sortie du nucléaire, les trois réacteurs les plus anciens devant s’éteindre en 2015. “Ce plan envisagera aussi les choses d’un point de vue “micro” : poste par poste, projet par projet. Pour sortir du nucléaire, la mixité sera de mise. Il y aura du gaz, c’est indiscutable. Mais aussi beaucoup de renouvelable.” Et si l’objectif s’avère intenable, la Belgique pourrait-elle décider de reporter (une fois de plus) sa décision ? La porte n’est pas fermée, concède Melchior Wathelet. “Mais ce n’est clairement pas le but. J’ai une feuille de route et je la respecterai.”

2. La rente nucléaire

Les négociateurs se sont accordés pour taxer la rente des producteurs nucléaires à hauteur de 550 millions d’euros. Une décision qui a fait bondir chez GDF Suez, la maison mère d’Electrabel. “Oh, c’est sûr qu’il y aura des actions judiciaires, il y en a déjà. Ce montant, nous y sommes arrivés sur la base de données et d’une formule de calcul, que nous publierons l’année prochaine. L’idée est de bétonner le tout, de rendre les textes le plus inattaquables possible.”

3. Une Belgique plus “verte”

Sucrer la déductibilité fiscale des travaux économisant l’énergie (chaudière, châssis ou encore isolation), n’est-ce pas à l’opposé d’une politique “verte” ? “Soyons clairs : tous les partis sont d’accord pour dire que ces matières ne relèvent pas du fédéral mais des Régions, qui disposent de toutes les compétences nécessaires pour mener les politiques qu’elles entendent. Regardez Bruxelles qui a déjà augmenté ses primes énergie.” Et puis, malgré le retrait de la déductibilité, ce type d’investissement reste intéressant pour le citoyen, insiste le secrétaire d’Etat. “J’ajoute qu’en temps de crise, les moyens que ce mécanisme demandait, il est plus utile des les consacrer au soutien à la production d’énergie renouvelable et à l’investissement dans l’éolien offshore.”

4. Le prix de l’énergie

Voilà qui pèse sur le budget des ménages et la compétitivité des entreprises. Un dossier “très préoccupant”, note Melchior Wathelet. “Nous allons nous y attaquer par toutes les voies de compétences possibles.” Parmi les priorités : accroître la transparence de la structure des prix. “Plus c’est nébuleux, plus on ouvre la porte à des hausses indécentes.” Et utiliser une partie de la taxe nucléaire pour alléger la facture.

5. La mobilité

Le secrétaire d’Etat tient à évacuer la polémique créée autour de la SNCB, à qui l’on demande des économies alors qu’elle doit faire face au défi du RER ou de l’élargissement de la jonction Nord-Midi. Déjà, l’entreprise publique relève du portefeuille dévolu au socialiste Paul Magnette. “Ensuite, sa capacité d’investissement ne va pas changer. Un projet comme le RER dépend d’un financement spécifique qui est maintenu. Et il n’est pas question de rogner sur les besoins en matière de sécurité ! Les demandes adressées à la SNCB le sont dans le cadre de sa dotation d’exploitation : financer une partie du matériel roulant via des fonds propres. C’est un mécanisme de fonctionnement plus sain. En tout, la SNCB reçoit quelque 3 milliards d’euros – il doit bien y avoir moyen de réaliser des efforts, non ?”

Vignettes, taxes : nombres de compétences liées à la mobilité sont aux mains des Régions. “De notre côté, nous nous sommes attelés à rendre plus verte l’utilisation de la voiture, notamment en accentuant les contraintes CO2 pesant sur les véhicules de société.”

6. La sécurité routière

La semaine dernière, Touring dénonçait les 2.750 “cow-boys” qui sévissaient sur nos routes et qu’il faudrait “exclure de la circulation”.

“Les chiffres sont contestés mais le constat est partagé, réagit Melchior Wathelet, qui prend ce sujet à coeur. Les sanctions doivent être plus lourdes pour ceux qui adoptent un comportement crapuleux sur la route. Mais attention, cela relève de décisions de justice.” D’ici 2020, l’objectif de la Belgique est de diviser par deux le nombre de tués sur la route. “Dans ce domaine, il n’existe pas de mesure phare, il faut travailler tous les aspects à la fois : contrôles, infrastructures, sensibilisation, réglementation, parc automobile, etc.”

Sans oublier les publics cibles, comme les jeunes de 18 à 34 ans, les plus impliqués dans les accidents. Le secrétaire d’Etat s’interroge également sur les possibilités d’évaluation de la capacité à conduire des personnes très âgées. “Un sujet délicat”, confesse- t-il. Quoi qu’il en soit, d’ici 2013, la Belgique inaugurera ses nouveaux permis de conduire, format européen, à renouveler tous les 10 ans. Principalement pour que la photo sur le document ressemble effectivement au visage derrière le volant.

7. L’environnement

Une des matières dans lesquelles les Régions disposent déjà de la majorité des leviers. “Dans le cadre des négociations climatiques, la Belgique devra s’impliquer. Je jouerai le rôle de coordinateur entre les différentes Régions. Indispensable si l’on veut maintenir une ligne de conduite ambitieuse.” Autre chantier : la mise en £uvre, dès 2013, du marché du carbone, autrement dit, des “droits de polluer”.

8. Les réformes institutionnelles

Une attribution très touchy, sourit Melchior Wathelet. L’accord gouvernemental constitue la feuille de route du duo qu’il constitue avec le CD&V Servais Verherstraeten. “Nous savons où nous devons aller. L’essentiel est de restaurer la confiance, maintenant que chacun a fait des pas vers l’autre.” Premiers rendez-vous : BHV, le refinancement de Bruxelles et le vote des étrangers. Courant 2012, “avant les élections communales”.

Benoît Mathieu

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