Kerviel coupable : 5 phrases-clés pour comprendre le procès

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L’ex-trader de la Société Générale est reconnu coupable de tous les chefs d’accusation et condamné à cinq ans de prison, dont trois ferme, et à verser… 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts à la SocGen !

Jérôme Kerviel, poursuivi pour une perte record de près de 5 milliards d’euros début 2008, a été condamné mardi à cinq ans de prison, dont trois ferme, et à payer la somme qu’il a perdue en dommages et intérêts à la banque française. Son avocat a annoncé qu’il faisait appel de cette condamnation.

Dominique Pauthe, président de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, l’a déclaré coupable des trois chefs d’inculpation retenus contre lui : abus de confiance, faux et usage de faux, introduction frauduleuse de données dans un système informatique.

L’ancien trader de la Société Générale a “outrepassé le cadre de son mandat en prenant des positions spéculatives à l’insu de la banque, et dans des proportions gigantesques”, a jugé le tribunal après plus de trois mois de délibéré. “Les éléments indiqués par la défense ne permettent pas de déduire que la Société Générale ait eu connaissance des activités frauduleuses de Jérôme Kerviel”, a encore déclaré Dominique Pauthe.

L’accusation avait requis cinq ans de prison dont quatre ferme à l’encontre du jeune homme de 33 ans, devenu un symbole des dérives de la finance mondiale. Jérôme Kerviel a également été condamné à verser à la Société Générale les 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts que la banque réclamait pour la perte subie début 2008.

Durant le procès, Jérôme Kerviel n’avait pas dévié de sa ligne de défense : il a admis avoir perdu le sens des réalités mais répété que sa hiérarchie l’avait laissé faire, voire encouragé à prendre des risques, dès lors qu’il gagnait de l’argent.

Jérôme Kerviel aura eu tout l’été pour méditer les trois semaines de procès qui viennent de s’achever. Voici son histoire, à travers les différents points de vue développés lors des audiences.

“Je reconnais des erreurs, des choses complètement débiles, mais je ne suis pas d’accord pour dire que mes actes étaient invisibles”

C’est Jérôme Kerviel qui l’a dit, lors de sa confrontation avec Daniel Bouton, l’ex-PDG de la Société Générale. Un mea culpa timide qui n’occulte pas le fond de sa stratégie de défense : la banque savait, et elle a, à tout le moins, laissé faire. La preuve, c’est que, dans une salle de marché, “tout se voit, tout se sait”, une phrase répétée comme un leitmotiv lors de débats, comme le résumé d’une thèse à laquelle il s’est sans cesse raccrochée, laissant les interrogations planer sur ses véritables motivations.

“C’est l’histoire d’un jeune homme passionné par la finance, qui n’a qu’un seul objectif en se levant et se couchant : celui de faire gagner de l’argent à sa banque”

C’est Me Huc-Morel, associé de Me Metzner, médiatique avocat de Jérôme Kerviel, qui prononce cette phrase lors des plaidoiries de la défense. Elle est emblématique de la ligne choisie pour expliquer le comportement du trader : Jérôme Kerviel n’est pas un escroc, il n’a pas volé un seul centime à la banque et, s’il a été trop loin, c’est aussi, et surtout, la faute de la banque qui fermait les yeux sur ses pratiques tant que “JK” faisait des profits.

Comme le résumait Me Metzner vendredi dernier : “Et si, en janvier 2008, le marché avait été à la hausse ? La Société Générale aurait encaissé 5 milliards. Et nous ne serions pas là.” Pour la défense, la SocGen est responsable, parce qu’elle a mal débouclé les positions prises par son trader et que ses procédures de contrôle ont failli. Elle réclamait dès lors la relaxe de Jérôme Kerviel pour deux des chefs d’accusation, l’abus de confiance et le “faux et usage de faux”, et plaidait coupable sur le dernier chef d'”introduction frauduleuse de données” dans un système de traitement automatisé.

“Il n’est pas fou, j’en conviens, puisqu’un expert le dit, mais enfin…”

Me Jean Veil, avocat de la Société Générale, n’a eu de cesse de “descendre” l’ex-trader, qualifié de “menteur, faussaire, truqueur”. Pour lui, Jérôme Kerviel a tout fait pour déjouer les contrôles, dissimulant ses pertes par des opérations fictives et fabriquant des faux pour rassurer sa hiérarchie : “Cette extraordinaire histoire était fondamentalement médiocre”, a tonitrué Me Veil pour fustiger la banalité de la personnalité de l’accusé à qui il demande pourtant des dommages et intérêts astronomiques de 4,9 milliards, correspondant aux pertes subies par la banque.

“Vous ne pouvez pas reprocher à la victime d’un cambriolage de ne pas avoir de chien”

L’accusation a balayé d’un revers de main les arguments de la défense lors du réquisitoire. Jean-Michel Aldebert, chef de la section financière du parquet de Paris, a appelé le président du tribunal à ne pas se tromper de procès, à ne pas faire celui de la Société Générale, mais bien celui de Jérôme Kerviel : “Il s’agit d’arrêter le discrédit sur les banques, il en va de l’ordre public, économique et financier”, a-t-il argumenté avant de requérir cinq ans de prison, dont quatre ferme, contre Kerviel, qualifié, encore, de “manipulateur, menteur et tricheur”.

“Il est difficile de vous faire sortir de votre chemin, de vous faire changer de point de vue”

Dominique Pauthe, président de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, a d’abord semblé agacé par l’attitude un brin arrogante de Jérôme Kerviel, qui s’est rapidement racheté une conduite. Au cours des débats, le juge a déploré de ne pas pouvoir percer ce qu’il a appelé “le mystère Kerviel”. Les motivations de l’ancien trader restent encore, à ses yeux, trop floues. Il a semblé regretter l’enfermement de l’accusé dans une ligne de défense trop mécanique : “N’avez-vous pas d’autres déclarations à faire ? C’est la dernière perche que je vous tends”, lui a-t-il demandé avant les plaidoiries et le réquisitoire. Jérôme Kerviel ne l’a pas saisie.

Trends.be, avec L’Expansion.com

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