Foot business, Affaire Damso… Nous avons réuni Salvatore Adamo et Mehdi Bayat

© Laurie Dieffembacq (belgaimage)

Le chanteur aux 100 millions d’albums vendus n’avait jamais rencontré l’administrateur délégué du Sporting de Charleroi. A l’invitation de “Trends-Tendances”, Salvatore Adamo et Mehdi Bayat ont bloqué leur agenda pour un déjeuner étoilé.

Après un début de saison sur les chapeaux de roue, le Sporting de Charleroi peine à trouver sa place en playoffs. Son administrateur délégué Mehdi Bayat n’en garde pas moins le sourire, d’autant plus qu’il rencontre aujourd’hui Salvatore Adamo à la table de L’Ecailler du Palais Royal à Bruxelles.

Les deux hommes ne se connaissent pas et c’est parce qu’ils ont justement plusieurs points en commun que Trends-Tendances a décidé de les réunir pour une interview croisée. Au programme : rêve déchu, ” foot business “, transferts exorbitants et, bien sûr, le fameux ” non-hymne ” des Diables Rouges. Coup d’envoi !

MEHDI BAYAT. Quand on m’a proposé de vous rencontrer, j’ai d’abord trouvé cela très insolite. Puis, j’ai gratté et j’ai vu que…

SALVATORE ADAMO. Le football m’intéresse beaucoup !

M.B. Exactement !

S.A. En fait, je n’ai jamais rêvé d’être chanteur. J’ai toujours rêvé d’être footballeur et cela a tenu jusqu’à mes 18-19 ans. A l’époque, je jouais à Jemappes, plus exactement à la Royale Union jemappienne. J’étais ailier droit, j’avais le plaisir, j’avais l’enthousiasme, mais je ne crois pas que j’avais l’étoffe…

M.B. Mais pourquoi n’avez-vous pas continué ?

S.A. Parce que la musique est arrivée ! Mais j’ai quand même continué le football tout en étant chanteur. J’ai fait partie de toutes les équipes ” comiques ” : les ” Polymusclés “, les ” Polyvalents “, les ” Va-nu-pieds “… J’ai joué avec Jean-Paul Belmondo et avec Claude Brasseur. Je me souviens d’ailleurs d’un match homérique au Standard entre la Belgique et la France…

TRENDS-TENDANCES. Aujourd’hui, de quel club belge êtes-vous supporter ?

S.A. A la vérité, j’ai toujours été plus fan des joueurs que des clubs. J’ai l’honneur et le privilège d’être le parrain de la deuxième fille d’Enzo Scifo, et je l’ai donc suivi quel que soit le club où il pouvait être. Cela a été pareil pour de grands joueurs comme Zinédine Zidane, que j’ai suivi de Bordeaux au Real Madrid en passant par la Juventus.

M.B. Vous avez donc été Carolo quand Enzo Scifo est passé par Charleroi !

S.A. Oui et je vous avoue que, ces derniers temps, quand j’ouvre le journal, je vais tout de suite voir les résultats du Sporting de Charleroi. Il y a quelque chose qui se réveille par la proximité. L’année dernière, j’ai failli venir voir Charleroi-Anderlecht, mais il n’y avait plus de place…

M.B. C’est fou, ça ! Bon, je vais vous donner mes coordonnées. La prochaine fois, vous m’appelez et je vous trouverai une place ( rires) !

S.A. D’accord ! J’aimerais bien rencontrer votre entraîneur Felice Mazzu. C’est quelqu’un que j’admire. Il est Sicilien ou Sarde ?

M.B. Heu… Mazzu n’est ni Sicilien, ni Sarde. ( Hésitant) Il est, si je ne dis pas de bêtise, heu…

S.A. Le nom pourrait être sarde…

M.B. On va l’appeler ! ( Il dégaine son téléphone portable et compose le numéro) Allô, coach ? Je suis en train de déjeuner avec Salvatore Adamo qui voudrait savoir de quelle région d’Italie vous venez. J’ai un doute… ( Etonné) Ah, vous êtes Calabrais ?

S.A. On est voisins !

M.B. ( Toujours au téléphone, il s’adresse à Adamo) Il me dit que ses parents lui faisaient écouter, enfant, Tombe la neige ( sourire) ! Bon, coach, on va inviter Salvatore à un match et on aura l’occasion de parler de tout ça ensemble. Allez, au revoir et merci, coach !

S.A. Vous avez fait une saison magnifique. Maintenant, il faut confirmer avec les playoffs…

M.B. Le sujet, aujourd’hui, c’est où en est Charleroi exactement ? Car il ne faut pas oublier cet élément qui est extrêmement important : on revient de très loin ! Quand on a repris le Sporting avec Fabien Debecq il y a un peu plus de cinq ans, le Sporting était au plus mal. Il revenait de Division 2, il était en faillite virtuelle et nous avons réussi à ce que le club, aujourd’hui, ne soit plus ignoré…

S.A. C’est ça qui est magnifique !

M.B. Aujourd’hui, on participe aux playoffs et certains nous critiquent parce qu’on est passé de la deuxième à la troisième place à la fin de la phase classique. Tout est relatif…

S.A. Pendant longtemps, Charleroi a été un club aimé, mais considéré comme ” fantaisiste “. Il manquait un peu de fiabilité. Et là, depuis deux ans, c’est un club solide.

M.B. Exactement. On a réussi à faire en sorte que le Sporting de Charleroi redevienne un club respecté, même craint, mais ce qui est important dans le projet qu’on essaie de mettre en place, c’est qu’on veut permettre aux gens de s’identifier…

Profil: SALVATORE ADAMO

74 ans.

Chanteur, auteur et compositeur.

Originaires de Sicile, ses parents quittent l’Italie en 1947 pour travailler en Belgique. Salvatore a 4 ans et grandit à Jemappes, dans le Borinage.

A 16 ans, il participe à un concours de Radio Luxembourg et remporte la finale à Paris. En 1963, il connaît ses premiers succès avec Sans toi ma mie, Tombe la neige et Vous permettez, Monsieur ?

Les tubes s’enchaînent : Les filles du bord de mer (1964), Mes mains sur tes hanches (1965), Inch’Allah (1966)…

Au total, Adamo a sorti 25 albums studio en français, une dizaine d’albums en allemand, en espagnol et en italien, ainsi que deux albums en japonais.

Si vous saviez… est son dernier album en date, sorti récemment chez Universal.

Il sera en concert le 30 avril au casino de Blankenberge, avant une tournée de deux semaines, en mai, au Chili. Il sera également sur la scène de Bozar, à Bruxelles, le 31 octobre.

Vous avez développé une nouvelle dynamique sociale, fédératrice, dans la région ?

M.B. Oui, complètement ! Et puis, on est un club moins riche que les grosses cylindrées. C’est pour ça que je dis toujours qu’il est important que le club ne dépende pas de l’argent de quelqu’un, mais dépende de l’argent qui vient du travail accompli au sein du club. Le Sporting doit grandir par son propre investissement.

S.A. C’est ça qui génère le respect et la sympathie.

M.B. Oui, les gens s’identifient beaucoup plus à ce type de projet : un club qui, avec ses moyens, est en train de grandir tout doucement. Et puis, on a beau dire ce qu’on veut, dans la région, on participe non seulement à une dynamique, mais on est un peu le dernier des Mohicans. Dans le football hennuyer, au niveau de la représentation en première division, il ne reste pas beaucoup d’équipes…

S.A. En Wallonie, il y a le Standard qui se réveille, ce qui est bien aussi…

M.B. Oui, le Standard reste un club historique, bien sûr, mais Mons a disparu.

Salvatore Adamo
Salvatore Adamo© Laurie Dieffembacq (belgaimage)

Vous avez assisté, ces 20 dernières années, à l’accélération du “foot business” et à la ” starification ” des joueurs. Quel est votre sentiment à ce propos ?

S.A. C’est terrible. Aujourd’hui, on parle des joueurs en termes de valeur financière et non plus sportive. On parle d’un footballeur à 10 millions, 50 millions, 100 millions… L’argent est devenu le critère de hiérarchisation des joueurs. Je déplore cette situation, surtout lorsqu’ils peuvent être achetés en cours de saison. C’est très frustrant, pour un supporter, de voir partir le meilleur joueur de son équipe d’un jour à l’autre. On a l’impression qu’il faut presque les cacher pour ne pas qu’on vous les pique ! Et je ne parle même pas du cynisme de certains clubs qui ont acheté des joueurs pour les mettre sur le banc…

M.B. Cela devient très compliqué. On est clairement dans une ère nouvelle, malheureusement ou heureusement je dirais, parce que vous allez toujours trouver quelqu’un qui va faire une critique négative ou positive sur le même sujet. Quand on voit le dernier transfert de Neymar au PSG pour 222 millions d’euros…

S.A. C’est surréaliste !

Les Flamands paniquaient. Non seulement, Damso était un artiste francophone, mais certaines de ses chansons étaient jugées sexistes et, en plus, il allait signer le nouvel hymne des Diables.” Mehdi Bayat

M.B. Oui, c’est surréaliste, mais en même temps, le PSG se rend compte que c’est rentable parce qu’ils ont tellement vendu de maillots avec le nom de Neymar qu’ils n’ont même plus peur de payer des montants pareils.

S.A. Cette folie de rétribution des joueurs, cela a commencé quand Naples a acheté Maradona au milieu des années 1980. Rien que sur l’annonce de l’arrivée de Maradona, le club avait vendu 70.000 abonnements ! Et c’est sur la base de cette annonce que le manager de Maradona a dit : ” Mais pourquoi mon joueur n’en profiterait-il pas ? “. C’est à partir de là que tout a été chamboulé. Donc, que les managers défendent leurs joueurs, c’est bien, mais je trouve qu’il faudrait légiférer pour protéger un tant soit peu le déroulement d’une saison.

M.B. C’est une question légitime et qui fait de plus en plus de bruit. En Angleterre, ils demandent maintenant d’arrêter le mercato avant le début du championnat. Parce que le mercato s’ouvre théoriquement le 1er juillet pour s’arrêter le 31 août. Or, le championnat commence début août ! Moi, j’ai été confronté à ça et c’était un peu compliqué. Cette saison, on a débuté avec cinq victoires, 15 points sur 15, on était premier avec Bruges. C’était exceptionnel. Mais on était encore fin août à ce moment-là, le mercato n’était pas fini et j’avais des joueurs qui s’étaient mis en évidence. Donc, les offres sont rentrées et ce n’étaient pas des petites offres…

Profil: MEHDI BAYAT

39 ans.

Administrateur délégué du Sporting de Charleroi.

D’origine iranienne, il grandit dans le sud de la France et décroche son diplôme à l’école de commerce HEC de Nice à 21 ans.

Lorsqu’on son oncle Abbas Bayat rachète le Sporting de Charleroi en 2000, Mehdi le rejoint et gravit peu à peu les échelons du club. En 2003, il devient directeur commercial du Sporting, puis directeur général en 2010.

En 2012, le club est vendu à l’homme d’affaires carolo Fabien Debecq et Mehdi en devient l’administrateur délégué. En cinq ans, le binôme a complètement redynamisé le Sporting, tant sur le plan sportif que financier.

Mehdi est également membre du conseil d’administration de la Pro League, l’association qui représente les 16 clubs de Division 1, et administrateur à l’Union belge de football.

Il est aussi le frère de Mogi Bayat, l’un des plus puissants agents de joueurs en Belgique.

En tant que manager de club et donc chef d’entreprise, comment réagit-on ? On doit être forcément tenté par l’argent…

M.B. Oui, mais il y a aussi la crédibilité du projet sportif. Parce que si je commence à lâcher mes joueurs à ce moment-là, alors que nous sommes premiers ex æquo au classement et que nous sommes en train de faire quelque chose d’extraordinaire, les supporters me l’auraient reproché tout au long de la saison, surtout si on se casse la gueule juste après ! Moi, j’ai passé quelques nuits où je n’ai pas bien dormi…

S.A. Il faut être capable d’équilibrer les opérations pour satisfaire le côté financier du club sans frustrer le supporter qui pourrait être privé de son joueur favori du jour au lendemain…

M.B. Oui, mais cela crée une terrible injustice par rapport aux clubs qui n’ont pas les mêmes moyens. Les petits essaient de lutter et, souvent, ils ne peuvent rien faire lorsqu’on essaie de piquer leurs joueurs. A Charleroi, nous sommes conscients que si un tout grand club veut s’offrir un de nos joueurs à coups de millions, cela devient difficile de résister. Sans compter qu’on peut se mettre aussi le joueur à dos si on refuse…

S.A. Cela me déplaît, mais d’un autre côté, c’est vrai qu’il faut être pragmatique.

A propos de pragmatisme, on ne vous a jamais demandé de chanter l’hymne des Diables Rouges ?

S.A. En 1994, j’ai écrit une chanson qui s’appelle Jouer au ballon qui a failli l’être, mais il y a eu un veto au nord du pays. Il y avait pourtant quelques mots en flamand, speel met ons mee, mais il y a eu un blocage. Je n’ai jamais su vraiment pourquoi…

Et cette année, on n’est pas venu vous rechercher en urgence après l’affaire Damso ?

S.A. ( Rires) Non, il faut faire confiance à la jeunesse ! Bon, je n’ai pas tous les tenants et aboutissants dans cette histoire. C’est difficile de condamner, mais c’est aussi difficile d’ouvrir une porte qu’il vaut mieux ne pas ouvrir, peut-être. Là, on sortait de l’affaire Weinstein…

M.B. Ce n’est pas mon style musical, mais Damso est quelqu’un qui est très écouté chez les jeunes d’aujourd’hui. Ses albums se vendent bien. Il remplit les salles. Il faut savoir que la Fédération belge de football travaille depuis quelque temps avec Universal Music et que, chaque fois que l’on a une compétition importante, on collabore avec eux pour choisir le nouvel hymne des Diables Rouges. On a eu Stromae pour la Coupe du Monde précédente et Dimitri Vegas pour l’Euro 2016. Le choix se positionne par rapport à une cible jeune et à un artiste qui monte. A l’Union belge, personne n’a été voir le répertoire existant de Damso…

C’est de l’amateurisme ?

M.B. Je ne crois pas. Au départ, la fédération a fait tout simplement confiance à son partenaire Universal Music et personne n’a été plus loin. Je pense que c’est peut-être une erreur qui permettra de réfléchir différemment à l’avenir ( sourire). Vous savez, je suis le plus jeune des administrateurs de la fédération et je pensais vraiment que ça allait passer. Au départ, ce sont des groupuscules féministes qui ont agité l’affaire du côté francophone et ça s’est vite calmé. En revanche, c’est arrivé plus tard du côté néerlandophone, peu avant la Journée internationale des droits de la femme, et là, ça a explosé ! Les paroles des chansons de Damso ont été traduites en flamand, cela a fait la une des journaux et on a fait marche arrière. Alors, est-ce que le francophone est plus ouvert d’esprit et le Flamand un peu moins ? En tout cas, moi, j’ai ressenti les choses de cette façon…

Foot business, Affaire Damso... Nous avons réuni Salvatore Adamo et Mehdi Bayat
© Laurie Dieffembacq (belgaimage)

Donc, vous voulez dire que le renvoi de Damso est un choix flamand au sein de l’Union belge ?

M.B. Oui. Les Flamands paniquaient. Non seulement, c’était un artiste francophone, mais certaines de ses chansons étaient jugées sexistes et, en plus, il allait signer le nouvel hymne des Diables. C’en était trop pour eux. Nous, au niveau de la fédération, cela nous a fait un peu perdre la face parce que le choix de Damso a été critiqué, mais personnellement, je reste persuadé que ça fait partie du folklore artistique. Qu’on le veuille ou pas, il s’agit ici de la liberté d’expression et c’est ce qui fait qu’on vit dans un pays démocratique. Certains ont parlé d’art et je rappelle d’ailleurs que Brassens et Gainsbourg ont chanté aussi, à leur époque, des chansons choquantes. Quand Orange mécanique est sorti au début des années 1970, on a dit que Stanley Kubrick était le plus grand malade au monde et, aujourd’hui, on fait des trucs 100 fois plus trash que ça. Le procès d’intention qui a été fait à Damso, on en rigolera dans quelques années…

S.A. C’est très délicat à juger, en effet. Si on prend un photographe comme Robert Mapplethorpe qui a fait des clichés artistiques, mais quand même pornographiques, on ne l’a jamais empêché d’exposer…

Oui, mais ici, il s’agissait de faire un hymne fédérateur, censé réunir tous les Belges. Le rap comme style musical pour l’Union belge, c’était un bon choix selon vous ?

S.A. Mais oui ! Dans la mesure où une grande partie des footballeurs eux-mêmes écoutent cette musique, je trouve qu’elle peut être représentative. Même physiquement, elle colle bien à certains joueurs. Voyez Radja Nainggolan, cette musique lui va très bien ! Donc oui, je pense que l’Union belge a voulu élargir l’intérêt pour le football vers une catégorie de jeunes. Le rap peut être très riche. Moi, j’ai d’ailleurs fait un duo avec le rappeur Oxmo Puccino…

M.B. Les rappeurs racontent des scènes de la vie quotidienne et parlent de sujets d’actualité qui touchent les jeunes d’aujourd’hui. Les ados parlent comme Damso, filles et garçons, et ils s’identifient. Leur sexualité est complètement décomplexée. En plus, les paroles de la chanson qui était prévue pour les Diables Rouges étaient très bien. Il n’y a rien à dire. D’ailleurs, si Damso l’utilise sur son album, ça va marcher. Car le plus fou dans cette histoire, c’est que les féministes se sont complètement loupées ! Elles ont donné à Damso une visibilité incroyable. La meilleure manière de traiter le sujet, à mes yeux, aurait été l’ignorance. Là, les féministes l’ont mis en avant et il a plus d’adeptes qu’avant. A la place de Damso, je leur enverrais une lettre de remerciement et je leur ferais même un chèque pour toute cette com’ qui est juste exceptionnelle.

Aujourd’hui, on parle des joueurs en termes de valeur financière et non plus sportive. C’est terrible.” Salvatore Adamo

S.A. Moi, dans une chanson de mon dernier album, Si vous saviez, je raconte l’histoire de quelqu’un qui observe, de chez lui, une dame qui est sur un banc. Dans la version originale, je chantais : J’aimerais vous dire : Vous êtes belle / Mais vous condamneriez mon zèle / Alors je garde tout pour moi / N’insistez pas, n’insistez pas. C’était une forme d’humour, mais dans le contexte actuel, j’ai enlevé la dernière phrase du couplet pour la remplacer par Jusqu’à demain ou une autre fois. J’ai voulu rester correct, mais c’est bête de ma part.

Même Adamo est victime du politiquement correct ?

S.A. Cela m’a fait réfléchir parce que j’ai écrit cette chanson en plein dans l’affaire Weinstein. On en parlait tous les jours et aujourd’hui on est dans une situation où l’on en vient à se demander si le premier regard n’est déjà pas du harcèlement.

M.B. Le système est hypocrite, à tous les niveaux, même sur Damso. Moi, je n’ai pas de style musical proprement dit. J’écoute un peu de tout, du rock, de la chanson française, mais il faut qu’il y ait une mélodie. Le hard rock, par exemple, je n’y arrive pas. Le rap d’aujourd’hui aussi, j’ai du mal à m’identifier, mais ça fait partie d’une génération. En fait, j’aime bien les chansons qui racontent de vraies histoires…

S.A. La dernière chanson de mon album s’appelle Racine et elle pourrait vous toucher. C’est une promenade que j’ai faite au parc de Jemappes qui était contigu au terrain de football où je jouais. Je suis allé voir comment vivaient ” mes gens d’avant “. J’ai écouté leurs conversations discrètement et il m’est arrivé de les envier ou du moins d’envier leur tranquillité. Moi, je suis un privilégié, mais ces choses-là me manquent…

Mehdi Bayat
Mehdi Bayat© Laurie Dieffembacq (belgaimage)

C’est la rançon du succès ? On a moins de tranquillité en tant que personnage public ?

S.A. On a moins de contact avec la vraie vie. On est déconnecté et surprotégé. Mais pas toujours. Je me souviens avoir été à Kaboul au nom de l’Unicef en 2001 pour déposer 12 millions de doses de vaccins anti-polio. C’était à la Noël, trois mois après les attentats du 11 septembre…

M.B. Donc au moment où les talibans ont la main sur l’Afghanistan !

S.A. Notre jeep slalomait entre les carcasses de voitures ( rires). Je devais enregistrer un message là-bas pour inciter le peuple belge à être généreux vis-à-vis de l’Unicef. Après l’enregistrement, nous roulions après minuit dans Kaboul sans savoir qu’il y avait un couvre-feu et, surtout, un mot de passe pour les différents barrages. On s’est fait braquer par deux jeunes moudjahidines. Ils réclamaient le mot de passe mais personne ne savait rien. Le temps s’est arrêté ! Notre guide a tenté de négocier. Il nous a demandé des cigarettes, et c’est le seul moment de ma vie où j’ai regretté de ne pas fumer ! J’avais juste un stylo à quatre couleurs dans ma poche. Je l’ai offert et ils nous ont laissé passer…

M.B. C’est fou ! Pour terminer, je voulais vous dire que vous avez été très inspirant pour toute une génération, en termes d’intégration réussie, et vous continuez à l’être encore aujourd’hui.

S.A. Merci. Là, je vais demander la nationalité belge sans perdre l’italienne. Jusqu’il y a peu, l’Italie n’acceptait pas la double nationalité et moi, je ne voulais pas renoncer à ma nationalité italienne par fidélité à mon pays d’origine. Maintenant, c’est possible et c’est juste une question de démarches. Par gratitude pour la Belgique, c’est important pour moi.

M.B. Moi, je suis Franco-Iranien et bientôt Belge aussi. C’est une procédure administrative qui sera bientôt remplie. La Belgique, depuis 15 ans, est une terre d’accueil pour moi et elle fait partie de ma vie.

S.A. La plupart des gens me croient Belge et ça me fait plaisir…

M.B. Felice Mazzu est aussi un autre exemple de la nouvelle génération d’Italiens bien intégrés en Belgique, des gens qui réussissent et ça, c’est beau.

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