belgacom : Didier Bellens au Parlement

© Image Globe / JULIEN WARNAND

Contrairement aux patrons de bpost, de la SNCB ou de Belgocontrol, le CEO de Belgacom a rarement dû s’expliquer devant les députés. Sa gestion contestée de l’entreprise, contrôlée à plus de 50 % par l’Etat belge, change la donne.

Bientôt le grand oral pour Didier Bellens. En neuf ans passés à la tête de Belgacom, il n’a quasiment jamais été entendu par les députés fédéraux. Bien que l’entreprise entretienne des contacts avec les parlementaires, la dernière visite du CEO dans l’hémicycle remonte à décembre 2007. Dans les prochaines semaines, voire dans les prochains jours, il sera contraint de reprendre le chemin du Parlement. La commission infrastructure, communications et entreprises publiques a en effet l’intention d’auditionner le patron de Belgacom. Le 28 septembre prochain, le point sera mis à l’ordre du jour, nous a confirmé la présidente de la commission, Maggie De Block (Open VLD). La convocation en bonne et due forme devrait suivre dans la foulée.

Si le patron de Belgacom est prié de venir s’expliquer, c’est évidemment en raison de la succession d’événements qui ont remué l’opérateur télécom. Pour rappel, Didier Bellens vient de sauver sa peau au terme d’un intense bras de fer avec son conseil d’administration. Contraint de lâcher du lest, l’administrateur délégué a accepté du bout des lèvres de “sacrifier” sa protégée, Concetta Fagard, dont le retour au sein de l’entreprise avait déclenché une levée de boucliers. Didier Bellens ne l’emploiera donc plus au sein de “Belgacom SA”, dixit l’ambigu communiqué de presse diffusé par l’opérateur vendredi dernier. Cette formulation laisse la porte ouverte à bien des supputations, notamment le retour “par la fenêtre” de l’ancienne vice-présidente en charge du sponsoring, cette fois au sein d’une… filiale de Belgacom (BICS, Scarlet…).

Pression en commission

Vu les circonstances, les parlementaires ont décidé de demander l’audition de l’administrateur délégué et de sa ministre de tutelle, Inge Vervotte. “L’enjeu des entreprises publiques est important, explique Catherine Fonck (cdH). En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas regarder passivement sans demander d’explications.” La commission infrastructure, communications et entreprises publiques commence à avoir une certaine expertise en la matière. Suite à l’accident de Buizingen, les trois patrons de la SNCB ont été longuement cuisinés par les parlementaires. Le CEO de bpost Johnny Thijs est aussi un habitué des travées de l’hémicycle. Jean-Claude Tintin, CEO de Belgocontrol, a lui aussi été reçu par les députés, suite à un audit mettant en cause sa gestion de l’entreprise.

Ces auditions permettent de mettre la pression sur ces entreprises publiques ou semi-publiques, avancent les membres de la commission. “Quand nous avons auditionné les patrons de la SNCB, ils ont été repoussés dans leurs derniers retranchements”, estime Catherine Fonck. Des décisions concrètes en matière d’amélioration de la sécurité du rail en ont découlé. Par contre, jusqu’à présent, Belgacom – détenue à 53,5 % par l’Etat belge -, avait été relativement épargnée par les membres du Parlement. Cela devrait changer. “Sur le dossier Belgacom, nous devons faire un travail de fond, un travail d’influence, insiste le député Ecolo Ronny Balcaen. Le Parlement a trop tendance à s’autolimiter. On traduit les dispositions européennes et on ne va pas plus loin. Je pense au contraire qu’il y a moyen de peser sur les débats.”

Vente ou pas vente ?

L’audition du patron ne pourra pas porter sur certains points. L’inculpation de Didier Bellens pour corruption passive ne sera pas évoquée. “Nous n’avons pas les pouvoirs d’une commission d’enquête”, explique la présidente de la commission. Par contre, elle pourrait servir de grand déballage, si jamais les partis décident de remettre sur la table ce vieux serpent de mer qu’est la vente de Belgacom par l’Etat belge. D’après Le Soir, cette opération est programmée. Le PS lui-même aurait planché sur l’hypothèse d’une vente par étapes, avec dans un premier temps une réduction de la participation de l’Etat dans Belgacom de 53 à 26 %. “C’est de l’intox, affirme la députée PS Karine Lalieux. Pour nous, il est hors de question de privatiser Belgacom.” Un grand débat… qui pourrait en amener d’autres. Didier Bellens n’en piétine certainement pas d’impatience, mais il sera forcé de répondre à toutes les questions des députés, de manière totalement transparente. “Le conseil d’administration de Belgacom prend des décisions, mais ne les communique pas (lire l’encadré), constate Valérie De Bue. L’audition du CEO en commission aura le mérite d’assurer la publicité des débats. Or, ceux-ci concernent tout le monde, vu les participations que possède l’Etat dans Belgacom.”

Si, jusqu’à présent, le patron de Belgacom n’avait quasiment pas été entendu par les parlementaires, c’est tout simplement parce qu’il était parvenu à se faire oublier. Climat social serein, bons résultats financiers, dividendes généreux… Un cocktail parfait pour les représentants de la nation. Mais les derniers soubresauts de l’entreprise ont mis en lumière une gestion des ressources humaines plutôt chaotique. La façade lisse de Belgacom est en train de se fissurer. Du coup, les membres de la commission aiguisent leurs lames. “Je me pose des questions au sujet des départs successifs dans le top-management, au sujet du forcing de l’administrateur délégué en faveur d’une collaboratrice licenciée, au sujet de l’ambiance au sein de l’entreprise, au sujet de la concurrence des câblo-opérateurs qui met en péril les parts de marché de Belgacom…”, énumère Valérie De Bue, députée MR. Au terme des auditions, la commission pourrait émettre des recommandations au sujet du dossier Belgacom. L’écologiste Ronny Balcaen souhaite aller plus loin : “Je milite pour que les parlementaires aient plus de pouvoir. Lors de la négociation du contrat de gestion, nous devrions avoir notre mot à dire.”

Le risque est que l’audition d’un patron aussi contesté que Didier Bellens se transforme en une série d’attaques ad hominem. C’est la raison pour laquelle Karine Lalieux tente de convaincre ses collègues d’entendre d’abord la ministre des Entreprises publiques Inge Vervotte, avant de solliciter Didier Bellens. “Même s’il y a pas mal de choses à dire sur la gestion des ressources humaines chez Belgacom, ce qui est important, c’est la sérénité de l’entreprise, avance l’élue socialiste. Il faut aussi éviter de déstabiliser une entreprise cotée en Bourse.” Malgré les réserves du PS, la probabilité de voir Didier Bellens devant la commission semble grande. La présidente de la commission, Maggie De Block (Open VLD), n’y voit en tout cas aucune objection.

GILLES QUOISTIAUX

Un CA silencieux

Engagé dans des discussions musclées avec le CEO Didier Bellens, le conseil d’administration de Belgacom s’est fait pour le moins discret. “On aimerait qu’on en parle moins, que le calme revienne. Nous nous sommes imposé un silence médiatique”, explique Pierre-Alain Desmedt, président de la FEB et administrateur de Belgacom. Les instructions sont claires : seul le président du CA, Théo Dilissen, peut s’exprimer. Et comme il ne s’exprime pas, l’affaire est réglée. “Tous les administrateurs ont signé une clause de confidentialité, explique Pierre-Alain Desmedt, par ailleurs président du comité d’audit de Belgacom. C’est un engagement éthique, qui vise à préserver l’image de l’entreprise.” Et en cas de non-respect de cette obligation de confidentialité ? “Des sanctions sont prévues, en fonction de la gravité de l’acte. On pourrait juger qu’il s’agit d’une faute grave.”

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