30 millions d’avoirs libyens et tunisiens gelés en Belgique

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EXCLUSIF | Les pétrodollars libyens, le trésor de guerre de Ben Ali et les milliards d’Hosni Moubarak se cacheraient-ils en Belgique ? Si les limiers financiers belges ont déjà gelé 30 millions d’euros d’avoirs bancaires, des statistiques enfouies de la BNB identifient le montant des avoirs libyens, tunisiens et égyptiens détenus par les banques et établissements financiers belges.

Pour en savoir plus, retrouvez le dossier complet “Où sont les magots des dictateurs déchus ?” dans le magazine Trends-Tendances du 12 mai 2011.

Si la Suisse est à la pointe dans le blocage préventif des fonds de dictateurs – elle a gelé les avoirs du clan Ben Ali cinq jours après son départ et les avoirs d’Hosni Moubarak une demi-heure à peine après sa démission – la Belgique ne se débrouille pas trop mal. Pour l’heure, le blocage des avoirs constitue avant tout une mesure préventive. Personne ne sait en effet ce que l’on trouvera dans les coffres des banques. En attendant, Carl Devlies, le secrétaire d’Etat à la coordination de la lutte contre la fraude, dévoile le montant des avoirs bancaires gelés chez nous jusqu’à présent : “Les cinq dossiers tunisiens et libyen ouverts en Belgique représentent une somme globale de 29,2 millions d’euros.”

A défaut de gel administratif et de gel en urgence par la Cellule de traitement des informations financières (CTIF), cette dernière peut aussi alerter le procureur du Roi compétent ou le procureur fédéral pour effectuer des saisies conservatoires. Le parcours judicaire belge peut aussi débuter sur la base d’une plainte avec (éventuellement) constitution de partie civile ou dans le cadre de la coopération judiciaire internationale.

Toutefois, il va sans dire que les magistrats n’agissent pas sans plainte de l’Etat spolié ou sans le feu vert des Nations unies et du Conseil européen. Poursuivre un chef d’Etat étranger en exercice pour blanchiment aurait en effet de quoi provoquer une crise diplomatique. Depuis le printemps arabe, le parquet de Bruxelles se démène. A l’heure actuelle, quatre dossiers tunisiens de gel des avoirs sont ouverts et des réquisitoires bancaires épluchant des comptes sont encore en cours. Si plus d’un million d’euros avait été saisi dans les premières heures, cette somme vient d’être restituée après vérifications sur son origine et ses bénéficiaires. A ce jour, seul un immeuble bruxellois appartenant au clan Ben Ali est saisi de façon conservatoire par la justice.

Concernant les avoirs belges d’Hosni Moubarak, peu d’informations filtrent. Si l’ambassade d’Egypte à Bruxelles se tait dans toutes les langues, certaines sources nous confirment qu’elle a transmis une liste de 14 noms d’anciens fonctionnaires et proches de Moubarak au ministère luxembourgeois des Affaires étrangères. S’agit-il d’administrateurs de la société de droit luxembourgeois Egypt Trust, au conseil d’administration de laquelle siégeait Gamal Moubarak, fils cadet de l’ex-président égyptien ?

Dans l’affirmative, cela nous ramènerait vers la Belgique car, fondée en 1996, la société d’investissement Egypt Trust est domiciliée et mandatée auprès de la Kredietrust Luxembourg, filiale de la KB Lux, qui, elle-même, fait encore partie de l’organigramme de la banque flamande KBC.

Fin mars, c’était au tour d’opposants libyens de dénoncer au parquet fédéral belge de nombreux mouvements de fonds suspects sur un compte de la KBC ouvert par des proches du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Selon les plaignants, le clan Kadhafi aurait transféré récemment des sommes importantes vers le Tchad et le Soudan.

Mais une question se pose : où se cachent les pétrodollars libyens, le trésor de guerre de Ben Ali et les milliards d’Hosni Moubarak ? Si les limiers financiers tentent d’en retrouver la trace depuis plusieurs mois déjà, nous avons épluché les statistiques de la Banque nationale de Belgique (BNB). D’après celles-ci, les banques et établissements financiers belges détenaient, fin décembre 2010, 463,6 millions d’euros de créances auprès de contreparties libyennes, tunisiennes et égyptiennes (institutions financières, entreprises, particuliers). Tel est le montant en provenance des pays en question et enregistré dans le bilan des banques belges. En l’état, il est impossible de savoir quelle partie de cette somme a été octroyée directement ou indirectement aux clans des dictateurs arabes. Les 463,6 millions d’euros n’équivalent pas à l’argent volé des dictateurs mais peuvent l’englober.

Autre mystère : la forme de ces fonds. S’agit-il de dépôts de liquidités, de fonds en actions, de prêts interbancaires, ou encore de financements obligataires ? La BNB ne le précise pas. Notons que ce chiffre ne prend pas en compte les prises de participations dans des groupes cotés ou les investissements immobiliers.

Cette exposition des banques belges est cependant relativement marginale. Par exemple, les banques françaises abritent quant à elles 8 milliards de dollars d’avoirs libyens. Les établissements suisses hébergent, eux, 2,7 milliards d’euros d’avoirs égyptiens.

Très étonnante est la part du passif (dépôts des clients, prêts, endettement…) des banques belges auprès des trois pays évoqués. Au total, le passif bancaire belge auprès de la Libye s’élève à 1,2 milliard d’euros. Auprès de l’Egypte, le total du passif ne s’élève qu’à 353.460 euros et 118.965 euros auprès de la Tunisie. Notons que la majeure partie de ces montants se retrouvent dans les trois principales banques du pays, KBC en tête.

Valéry Halloy

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