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Pas d’indifférence pour les émergents !

Après la fort rassurante année 2013, économistes et investisseurs avaient entamé 2014 en mode serein, comme on qualifie le ciel après dissipation des nuages. De fait, les diverses menaces et hypothèques ayant parsemé les trimestres antérieurs s’étaient harmonieusement dissoutes dans une potion faite d’indicateurs économiques plus guillerets et de confiance progressivement retrouvée. C’était compter sans les marchés émergents, dont la rechute a étonné. Non pas en tant que telle : la fragilité de certains de ces pays est bien connue, pour avoir abondamment nourri l’actualité l’an dernier, et on sait que ni l’Inde, ni la Turquie, pas plus que l’Argentine ou l’Afrique du Sud n’ont fondamentalement amélioré leur situation depuis.

Ce qui a surpris par contre, c’est l’ampleur et la brutalité de ce mouvement de défiance, mais également son impact en Occident, où les indices boursiers ont sérieusement fléchi. Peut-être la Chine avait-elle psychologiquement préparé le terrain. Les inquiétudes suscitées là-bas par la “banque de l’ombre” figurent parmi les premiers thèmes traités cette année dans la presse économique internationale. On affirme qu’une part non négligeable des 3.000 milliards de dollars d’endettement des pouvoirs locaux et entreprises publiques y est à haut risque ! Quoique relatif, le ralentissement économique y est par ailleurs confirmé. Les soucis d’ordres divers alors affichés par Ankara, New Delhi ou encore Buenos Aires et Pretoria en ont reçu d’autant plus d’écho.

Souvent présentée comme génitrice du mouvement, la politique monétaire progressivement moins accommodante menée par la banque centrale américaine ne fut dès lors que le prétexte pour les investisseurs pour quitter ces contrées trop peu sûres. Il est vrai qu’en réduisant ses achats d’obligations de 85 à 65 milliards de dollars par mois, et ceci à deux mois d’écart seulement, la Fed a été plus vite en besogne que beaucoup ne s’y attendaient. Cela représente en effet pas loin d’un quart de liquidités en moins injectées dans le marché. Il est vrai aussi que les taux d’intérêt à long terme avaient sérieusement rebondi (le rendement de l’obligation américaine à 10 ans est passé de 2,6 à 3 % entre la fin octobre et la fin décembre), rendant les placements exotiques relativement moins attrayants.

Le lynchage des pays émergents et de leurs devises n’en reste pas moins surprenant dans sa brutalité et, surtout, dans son impact sur les marchés boursiers américains et européens. Le repli des investisseurs vers les placements obligataires fut d’ailleurs si massif que la hausse des taux évoquée ci-dessus était gommée dès la fin janvier ! Un bon point pour l’économie.

Faut-il par contre s’inquiéter de cette contagion ? D’aucuns ont évoqué la crise asiatique de 1998, qui avait rudement secoué le monde. Rien à voir, ont sereinement répondu la plupart des économistes. Présentée comme très rassurante, une étude de Goldman Sachs révèle toutefois quelques sujets de préoccupation. D’abord, les Bourses émergentes ne sont pas aussi bon marché que certains l’affirment. La correction devrait même se poursuivre dans les pays présentant un gros déficit de balance courante (Afrique du Sud, Turquie, Brésil…), nous apprennent les crises des derniers lustres. Ensuite, l’Europe est fortement exposée aux pays émergents. Dans des secteurs comme la chimie, la technologie et les biens de consommation, mais aussi la distribution et les télécoms, nos entreprises sont globalement plus sensibles à ces pays qu’aux Etats-Unis. Il nous est donc interdit d’ignorer superbement ce qui se passe dans les pays émergents !

GUY LEGRAND – Senior writer

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