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Pas d’euphorie en matière d’emploi

Le dernier rapport de l’Onem publié il y a une quinzaine de jours avait défrayé la chronique. Ce rapport assez volumineux décortique les dimensions multiples du marché du travail et regorge de statistiques. Chacun peut en extraire l’une ou l’autre réalité.

Le dernier rapport de l’Onem publié il y a une quinzaine de jours avait défrayé la chronique. Ce rapport assez volumineux décortique les dimensions multiples du marché du travail et regorge de statistiques. Chacun peut en extraire l’une ou l’autre réalité. Ainsi, on pouvait lire dans la presse francophone que le taux de chômage n’avait, depuis 20 ans, jamais été aussi faible, et que la Wallonie surperformait en matière de chômage par une diminution du nombre de chômeurs de 6,2 % depuis 2007, alors que la Flandre faisait face à une légère augmentation de 0,2 % sur la même période. Ces résultats ne sont pas faux. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’agit d’une interprétation particulièrement optimiste des chiffres.

Le taux de chômage n’est pas au plus bas
Avec un taux de chômage de 8,2 %, l’année 2011 se solderait donc par le meilleur résultat jamais enregistré depuis 20 ans. Mais de quel chômage parle-t-on ? La définition du taux de chômage peut être issue d’enquêtes (comme c’est le cas des statistiques publiées par Eurostat) ou d’un comptage des différentes catégories de chômeurs. La sélection de certaines catégories plus ou moins restrictives dans ce comptage permet en fait de donner le résultat que l’on veut. Essayons donc de redonner un peu d’objectivité à ces chiffres en prenant une définition la plus simple et intuitive possible : le taux de chômage est le rapport entre le nombre de personnes qui (officiellement du moins) désirent travailler mais n’ont pas d’emploi et la population active, c’est-à-dire l’ensemble des personnes en âge de travailler et qui désirent travailler. En 2011, la Belgique comptait une population active de 5.177.000 personnes, dont 546.000 n’ayant pas d’emploi, soit un taux de chômage de 10,5 %. C’est certes un peu mieux qu’en 2010 (11 %), mais contrairement à ce qui a pu être dit dans la presse, ce n’est en aucun cas le meilleur score depuis 20 ans ! Les années 2001 et 2008 furent bien meilleures.

Par ailleurs, rappelons que sur les 26.000 emplois nets salariés créés entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011, près de 15.000 l’ont été dans le secteur des soins de santé. L’industrie n’a créé aucun emploi, de même que le secteur de l’information et des communications, le secteur financier et des assurances ou le secteur de l’immobilier. Une telle évolution n’est pas tenable et traduit un état du marché du travail bien plus dégradé qu’il n’y paraît. Tout comme d’ailleurs le fait que de très nombreux emplois créés sont subventionnés par les autorités : le bénéfice pour l’Etat de ces emplois n’est donc pas énorme.

La Flandre fait mieux ! La vision selon laquelle la Wallonie surperforme la Flandre en matière de chômage est également le fruit d’une interprétation très optimiste de la réalité. Certes, en choisissant consciencieusement la période (2007-2011) et le type de chômeurs (chômeurs complets indemnisés), on peut en effet montrer que le chômage a baissé récemment en Wallonie (-6,2 %) alors qu’il a stagné en Flandre (+ 0,2 % sur la même période). Au-delà de la joie passagère que certains auront en voyant que la Wallonie “fait mieux”, celle-ci retombera très vite en sachant que l’emploi en Flandre est traditionnellement plus lié au cycle de l’activité économique compte tenu d’une part plus faible d’emplois publics. Il est donc normal que la Flandre n’ait pas encore entièrement absorbé l’énorme récession de 2008-2009 et le plus récent ralentissement économique. Regarder l’évolution du chômage uniquement au cours de la période la plus difficile du cycle économique n’est donc pas très relevant. Pour s’en convaincre, regardons l’évolution du chômage sur plus longue période, c’est-à-dire sur plusieurs cycles consécutifs : entre 1995 et 2012, le nombre de demandeurs d’emplois inoccupés (DIE) recensé par les organismes régionaux pour l’emploi (Forem et VDAB), a diminué de 24,5 % en Flandre et de… 0,6 % en Wallonie. Cela se passe de commentaire. Même si on ne peut nier certaines améliorations sur le front de l’emploi au cours des dernières années, sélectionner le meilleur profil du marché du travail ne sert à rien, sinon à se voiler la face. Cela laisse aussi penser que l’on peut crier victoire et qu’il n’est finalement pas nécessaire d’engager les réformes structurelles qui pourront générer davantage d’activité et d’emplois.

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