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On n’a pas sauvé l’euro, mais les banques !

Preuve de la gravité de la situation : la volte-face de la BCE. Elle frappe aujourd’hui plus fort qu’en 2008 puisque, non contente de rouvrir largement le robinet des liquidités, elle va acheter des obligations sur le marché, option encore rejetée jeudi dernier.

Les Européens ont l’étrange habitude de placer leur fierté dans le cours de leur devise, un sentiment inconnu ailleurs, en particulier aux Etats-Unis. C’est avec des mines contrites que, sur le petit écran, l’on évoquait ces dernières semaines une devise unique passant en dessous de la barre de 1,30 dollar pour un euro, puis fléchissant à 1,28 et même 1,25. La belle affaire, ont rétorqué nombre de chefs d’entreprise et économistes : c’est bon pour nos entreprises exportatrices ! Et les plus verts (ou un peu cyniques ?) d’ajouter : c’est une contrariété pour notre facture de diesel et de mazout, mais c’est de nature à accentuer les économies d’énergie.

De fait, même si un repli aussi rapide de l’euro fait un peu mauvais genre, il présente assurément plus d’avantages que d’inconvénients. Quant à la chute de cours des emprunts grecs, elle affecte inévitablement ceux qui en détiennent, notamment les banques commerciales, mais ne présente pas pour autant un risque majeur. Tel était le discours rassurant, et le sentiment rassuré, qui prévalait jusqu’à mercredi dernier, voire encore jeudi. En dépit de l’évidente inquiétude des marchés, pas apaisés du tout par les 110 milliards d’aide promis à la Grèce le week-end précédent. Un mauvais présage…

Et puis, tout a rapidement basculé. Dès le milieu de la semaine, les plus perspicaces notaient un sérieux malaise sur le marché interbancaire. Vendredi, c’est une vague de panique qui a déferlé en Bourse dans le courant de l’après-midi, les valeurs bancaires étant littéralement massacrées. On s’est alors rendu compte que le scénario catastrophe de septembre et octobre 2008 pointait à nouveau. Les banques redevenaient frileuses, se regardaient avec méfiance et hésitaient à se prêter. A défaut de subprime et autres CDO pourris, mon voisin n’aurait-il pas trop d’emprunts grecs au bilan ? Ou de papier espagnol, dont les cours vont peut-être sérieusement flancher à leur tour ?

Fantasme de trader apeuré ? Nullement. Alors que les CDS – ces assurances contre le risque débiteur – sur les banques poursuivaient leur appréciation, on a observé la semaine dernière un envol de l’Overnight index swap (OIS) dans la zone euro. Cet indicateur très technique est considéré comme une excellente mesure des tensions qui règnent sur le marché monétaire. Or, en milieu de semaine, il flirtait avec des sommets historiques. En observant la mise en place de ces quelques éléments du décor qui occupait la scène en automne 2008, les autorités européennes ont donc décidé qu’il ne pouvait être question de courir le risque d’un bis ! Car si quelques officiels ont, après les accords de Bruxelles, affirmé que l’Europe avait sauvé sa devise, c’est bien au chevet de son système bancaire qu’elle s’est en réalité précipitée. Aussi vrai que certains envisageaient carrément la culbute de quelques acteurs du Sud !

Preuve de la gravité de la situation : la volte-face de la Banque centrale européenne. Elle frappe aujourd’hui plus fort qu’en 2008 puisque, non contente de rouvrir largement le robinet des liquidités, elle va acheter des obligations sur le marché, option encore rejetée jeudi dernier. Ses consoeurs britannique et américaine ont ouvert la voie en 2008 et 2009 ; la Fed a en particulier acheté pour 1.250 milliards de dollars d’obligations liées à l’immobilier, pour abaisser les taux hypothécaires. C’est une option politiquement dangereuse pour la BCE, jugent certains. Tant pis : quand les pompiers viennent éteindre l’incendie, il importe peu que leur camion soit jaune et pas rouge…

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