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“Nous payons tous pour Dexia !”

Si le Premier ministre Yves Leterme jure que pas un cent ne sera perdu dans l’opération Dexia, il voulait surtout dire que personne ne perdra un cent… si ce n’est le contribuable.

Même si tout cela reste encore un peu flou ce matin, il semble que Trends avait bel et bien tapé dans le mille la semaine dernière. Le groupe Dexia sera scindé en une partie belge et une partie française. Les actifs à risque seront rassemblés dans une banque de défaisance (bad bank). Par ailleurs la rentable filiale turque DenizBank sera vendue.

Le CEO Pierre Mariani et le président Jean-Luc Dehaene ne ressortent pas grandis de cette histoire. Pas plus tard que la semaine dernière, ils juraient encore leurs grands dieux que Dexia ne serait pas scindé. La nouvelle de cette scission pourrait ternir durablement le blason de ces deux hommes.

Il est vrai que le dossier Dexia est de plus en plus chaotique. Le géant franco-belge est, dans sa forme actuelle, devenu ingérable. Les intérêts de l’Etat français, de l’Etat belge, des autorités flamandes, de certains partenaires financiers qui risquent de voir leurs pertes augmenter… tout cela s’entrechoque et rend toute gestion stratégique extrêmement difficile. Les autorités belges et flamandes devront par ailleurs être vigilantes, dans ce dossier, si elles ne veulent pas être roulées dans la farine par les Français.

Si le Premier ministre Yves Leterme, comme il l’a encore précisé ce matin sur les ondes de Radio 1, jure que pas un cent ne sera perdu, ce qu’il voulait surtout dire, c’est que personne ne perdra un cent… si ce n’est le contribuable. Nous payons tous pour Dexia.

L’idée que Dexia souffre en particulier de la perte de valeur de ses obligations d’Etat grecques n’est que partiellement vraie. Dexia risque surtout de plonger à cause de sa stratégie bancaire hallucinante. Où, dans un montage improbable qui ressemble à un vrai hedge fund, elle a trop d’engagements à tenir par rapport aux “fonds en coffre”. Un énorme volume de financements à court terme a été utilisé pour le rééquilibrage de son financement à plus long terme.

Dans le cadre d’une application aveugle de son modèle de risque pour recapitaliser Dexia, la banque a pris des crédits en yen ou en franc suisse pourtant réputés pour leur faible taux de rendement. La hausse du taux de change de ces monnaies par rapport à l’euro a rendu la banque exsangue. D’évidence, des hedge funds bien gérés auraient couvert les risques de manière beaucoup plus efficace que l’option choisie par Dexia.

Néanmoins, les troupes ne devraient pas être trop sévères envers leurs capitaines de navire Mariani et Dehaene. Ces derniers ont hérité d’un paquebot qui avait été mal piloté depuis de nombreuses années. La plus grande responsabilité de la débâcle de Dexia – parce qu’on parle bien ici de débâcle – se trouve dans les mains des anciens stratèges du passé, tels que François Narmon, mais aussi et surtout Pierre Richard et Axel Miller.

Dexia : Leterme et Reynders ne se comportent pas en hommes d’Etat

Les hommes d’Etat gardent en toutes circonstances la tête froide. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour calmer les foules en émoi et trouver des solutions aux problèmes auxquels ils sont confrontés. Dans l’affaire Dexia, Yves Leterme et Didier Reynders ne se comportent pas comme des hommes d’Etat, que du contraire.

Reynders parle de Dexia comme d’une “banque très forte”. Le Premier ministre démissionnaire déclare que Dexia possède “encore assez de potentiel” et que “personne ne perdra un cent d’euro dans l’affaire”. Ces déclarations sont, de façon flagrante, fausses et n’ont de ce fait aucune vertu apaisante auprès des institutions financières. Pire, elles ont même l’effet inverse et insufflent un vent de panique tant on sait bien que ces déclarations ne reposent sur rien.

Par ailleurs, Leterme sort de son rôle lorsqu’il promet que le gouvernement belge serait prêt à donner, si nécessaire, une garantie d’Etat à Dexia. Ce genre de déclaration réconforte uniquement les actionnaires puisque la seule solution structurelle pour Dexia consiste en un démantèlement et une liquidation. Via Arco, il y a, pour l’ACW, bras politique du Mouvement ouvrier chrétien en Flandre et bastion politique d’Yves Leterme et Jean-Luc Dehaene, beaucoup d’argent sur la table.

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