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Ne tirez pas sur l’analyste financier !

Et si tout ceci n’était qu’une immense illusion ? Si ces milliards de dettes, de plans de relance, de déficits publics n’étaient que des expressions virtuelles ?

Depuis la crise, le critère d’appréciation de la performance des entreprises s’est modifié. Ce n’est plus, aujourd’hui, la capacité bénéficiaire courante des entreprises qui consacre le bien-fondé d’une stratégie. C’est le cours de Bourse, censé représenter le consensus de l’appréciation des investisseurs, qui mesure la pertinence des choix d’investissement. Cette évolution concrétise une modification fondamentale : ce ne sont plus les flux financiers actuels générés par l’entreprise, mais l’anticipation de la capacité bénéficiaire qui mesure la performance.

Pour certaines entreprises, le rendement boursier n’est plus la variable résiduelle de la mise en oeuvre d’une stratégie d’entreprise. Elle en est devenue le vecteur décisionnel. Et le cours de Bourse, c’est-à-dire la mesure du patrimoine des actionnaires, constitue une mesure instantanée des choix des dirigeants d’entreprise, nommés, il est vrai, directement ou indirectement par ces mêmes actionnaires réunis annuellement au sein d’une assemblée générale.

Cette exigence de communication a peut-être entraîné des dérives. Certains dirigeants d’entreprise ont peut-être sacrifié la défense argumentée d’une stratégie, dont la pertinence doit s’apprécier sur plusieurs années, au jugement parfois évanescent et circonstanciel de certains analystes financiers.

Sous la pression des analystes financiers, considérés à tort comme les prophètes des marchés boursiers, des entreprises n’ont-elles pas, occasionnellement, privilégié les performances immédiates au détriment de stratégies plus avantageuses, mais aux effets plus lointains ? Des décisions urgentes n’ont-elles pas, parfois, été pilotées par les signaux d’achat et de vente envoyés par des analystes financiers ?

Avant l’explosion des krachs de 2000 et 2008, qui a, par exemple, assigné des objectifs insensés en matière de taux de croissance et de rendement sur fonds propres aux entreprises cotées ? Les analystes financiers, tombés sous le charme des perspectives bénéficiaires démesurées annoncées par les entreprises ou les dirigeants d’entreprise eux-mêmes, moralement obligés de satisfaire au climat ambiant de croissance à deux chiffres, apparemment exigée par les fameux fonds de pension anglo-saxons ?

Dans des économies caractérisées par des taux de croissance nominaux de l’ordre de 3-4 %, était-il raisonnable d’affirmer la pérennité de taux de croissance et de rendements sur fonds propres avant impôts supérieurs à 20 % ? Un taux de croissance annuel soutenu de 15 % conduit à doubler l’enrichissement des actionnaires en moins de cinq ans. Est-ce une vision sereine de l’économie à long terme ? Certainement pas.

En ces périodes d’incertitude, il est donc essentiel que les dirigeants d’entreprise relèvent le gant de la communication financière et réduisent l’asymétrie d’information. Ces dirigeants d’entreprise sont les mieux informés sur les potentialités, les risques et les perspectives bénéficiaires de leurs sociétés. Ils sont les mieux placés pour adresser les préoccupations des investisseurs. C’est la seule démarche qui redonnera confiance à des marchés boursiers indécis.

Crédibiliser la profession

Au reste, si les marchés n’ont pas de mémoire, ils n’en ont pas moins besoin d’information. Le cours boursier est fondé sur l’information qui doit idéalement être instantanément partagée. Qui dit bonne communication dit qualité, cohérence et continuité du message et de l’information. La communication d’une société doit impérativement répondre à des critères d’excellence car elle contribue à la formation de son image et sa réputation. Une réputation bien assise aide une société à se protéger d’événements externes, grâce à la consistance de son message. Un déficit de réputation entraîne une décote de valeur.

Si l’information financière obéit à des règles juridiques et comptables dont le respect est impératif, la communication financière d’une société relève du déploiement d’une stratégie. Elle constitue un outil de mise en relation privilégiée des sociétés cotées avec leur actionnariat, mais également avec des investisseurs institutionnels, des analystes et la presse.

Quel que soit le format de communication utilisé, le but final doit toujours consister à rendre une image cohérente et fidèle de la société, permettant l’appréciation des performances financières et opérationnelles, tout en donnant des indications sur les perspectives d’avenir.

C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la professionnalisation de la profession d’analyste financier. Cette évolution a conduit à de puissantes certifications, de type CIIA ou CFA, reconnues mondialement. De nombreuses banques les exigent désormais afin de crédibiliser leurs départements d’analyse financière. C’est une nécessité anglo-saxonne dont la transposition européenne semble inéluctable.

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