“Ne pas perdre d’argent c’est déjà bien”

DONALD TRUMP L'incertitude pèse sur la confiance des consommateurs et des entreprises. © REUTERS

L’année 2017 promet d’être riche en tensions politiques, et les investisseurs risquent d’en subir les conséquences. Le cash pourrait jouer ainsi un rôle important dans votre portefeuille. Pour saisir les opportunités lorsque les marchés vont trop loin. Mais aussi pour se mettre à l’abri. Parfois, c’est déjà bien de ne pas perdre d’argent…

Brexit, élection de Donald Trump… 2016 a été une année fertile en surprises politiques. Et 2017 promet également son lot de suspense. Avec au programme des élections aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, ce sont trois pays clés de l’Union européenne et de la zone euro qui vont au-devant d’une période d’incertitude. Car avec le succès de partis populistes comme le PVV aux Pays-Bas, le FN en France et l’AfD en Allemagne, plus personne n’ose encore se prononcer sur l’issue de ces scrutins en cette ère de “politique post-vérité”. On peut d’ailleurs également s’attendre à une poussée de fièvre politique dans notre pays à la veille des élections communales de 2018 et des élections fédérales un an plus tard.

 MARINE LE PEN Détenir du cash en euros ne protège pas contre les politiques qui aimeraient voir disparaître l'Union monétaire.
MARINE LE PEN Détenir du cash en euros ne protège pas contre les politiques qui aimeraient voir disparaître l’Union monétaire.© C. Platiau/Reuters

Bien entendu, les tensions politiques ne se limiteront pas aux pays où l’électeur pourra faire valoir sa voix. 2017 sera également l’année où commenceront véritablement les négociations sur le Brexit, où une solution devra être trouvée pour les banques italiennes, et où Donald Trump fera son entrée à la MaisonBlanche et donnera forme à sa politique commerciale et étrangère. Pour clore cette longue liste d’incertitudes, citons encore des dossiers internationaux délicats comme la guerre civile en Syrie, les ambitions croissantes du président russe Vladimir Poutine et le regain de tensions avec Pékin en mer de Chine méridionale, sans compter un président chinois Xi Jinping qui prend de plus en plus de pouvoir.

Recoins

En d’autres termes, les incertitudes politiques seront nombreuses. Et celles-ci peuvent se répercuter de diverses manières sur l’économie. L’incertitude pèse sur la confiance du citoyen, qui préfère éviter de délier les cordons de la bourse. Les entreprises diffèrent leurs investissements, surtout si des perturbations sur les marchés font qu’il est plus difficile d’obtenir des financements. Selon Patrick Moonen, stratégiste en chef de NN Investment Partners, l’incertitude politique a également un effet paralysant sur les pouvoirs publics, “en empêchant ou en freinant la mise en oeuvre des réformes structurelles nécessaires”.

Koen Van De Maele, stratégiste chez Candriam, voit la montée du populisme comme un présage de relâchement budgétaire, “et donc de plus de croissance et d’inflation aux dépens d’une hausse des dettes publiques”. Ce qui aura une influence sur le comportement des autres acteurs de l’économie. Pour résumer : une bonne dose d’incertitude politique – imaginons que Marine Le Pen (FN), élue présidente de la République française, veuille quitter l’euro – se fera sentir à tous les niveaux de l’économie mondiale.

Si l’on peut concevoir de nombreux biais par lesquels l’incertitude politique peut influer sur l’économie, il est impossible d’y accoler des chiffres concrets. Le monde est trop complexe pour cela. Pour Koen Van De Maele, il est en tout cas acquis qu’en perdant en prévisibilité, la politique a gagné en importance pour l’investisseur. “Auparavant, une analyse économique suffisait ; aujourd’hui, l’analyse politique constitue peut-être la moitié du travail.”

JASPER VEKEMAN

PISTES D’INVESTISSEMENTS

Le rôle éminent de la politique ne facilite pas la vie de l’investisseur. “Aujourd’hui, il est impossible ou presque de prévoir non seulement l’issue d’une élection, mais aussi la réaction du marché”, soupire Dirk Thiels, stratégiste en chef chez KBC Asset Management. Que doit faire l’investisseur ? Se mettre temporairement à l’abri et ne revenir que lorsque la poussière sera retombée ? “On sait qu’il est extrêmement difficile de déterminer le bon moment pour acheter ou pour vendre, indique Dirk Thiels. Mais quelques prises de bénéfices à la veille d’un tel événement ne peuvent pas faire de tort.” Le Brexit a cependant appris que les marchés pouvaient se redresser très rapidement après une correction. “On pourrait tout simplement choisir d’ignorer l’aléa politique, suggère Patrick Moonen. Mais cela me semble l’option plus risquée.”

PRESQUE CERTITUDE

En période de regain d’incertitudes, il n’y a en fait qu’une seule loi : les investisseurs optent massivement pour la sécurité, souvent par le biais d’obligations publiques de pays comme l’Allemagne. Mais celles-ci ne rapportent plus grand-chose vu le niveau actuel des taux. Pourtant, Koen Van De Maele ne condamne pas les obligations publiques, surtout en période de forte houle.

Dirk Thiels remarque que la plupart des scénarios tablent sur une hausse des taux, qui entraînerait mécaniquement une baisse des cours des obligations. Il déconseille dès lors d’allouer un poids trop important aux obligations publiques. Mais ces éventuelles fluctuations des cours ont-elles la moindre importance si l’on détient ses titres jusqu’à l’échéance ? “Mais alors, autant opter pour des liquidités et ne prendre aucun risque de taux, objecte Dirk Thiels. Le cash aussi offre la sécurité d’une obligation.”

DIVERSIFICATION

Un excès de liquidités en euros n’offre cependant aucune protection contre des dirigeants politiques qui souhaitent voir disparaître l’Union monétaire. Koen Van De Maele recommande dès lors une large diversification, “y compris en termes de devises”. Les grands classiques sont le dollar américain, le yen japonais et le franc suisse, mais Koen Van De Maele a également un faible pour des monnaies un peu plus exotiques comme le réal brésilien ou le rouble russe. “Aujourd’hui, les risques politiques ne se limitent plus aux pays émergents. Une raison de plus pour les prendre en portefeuille.” L’Amundi Funds Bond Global et le Legg Mason Brandywine Global Opportunistic Fixed Income Fund sont des exemples de fonds obligataires diversifiés.

OPPORTUNITÉS

Ces incertitudes politiques ont cependant un bon côté pour l’investisseur : davantage de volatilité, ce sont également des opportunités d’investissement qui apparaissent.

Dirk Thiels conseille de naviguer entre les liquidités et les actions. “Tant que la politique a peu d’effets sur l’économie et uniquement sur les Bourses, elle peut être porteuse d’opportunités.” Dans le cas contraire, des secteurs plus défensifs comme l’alimentation, la distribution ou les services aux collectivités seront plus performants. Pensez à des actions de dividende typiques comme Nestlé, Unilever ou Elia chez nous. Des fonds comme le BlackRock Global Allocation Fund et Invesco Balanced Risk Allocation Fund balancent activement entre liquidités et actions. Mais un investisseur peut également travailler avec des ordres de vente automatiques, afin de retrouver des liquidités lorsque les pertes prennent trop d’ampleur.”

L’opposition à la globalisation favorise enfin les plus petites entreprises surtout actives sur leur marché domestique. Aux Etats-Unis, elles sont regroupées dans l’indice Russell 2000, et l’iShares Russell 2000 ETF est un fonds qui reflète les performances de ce panier à peu de frais. Mais il n’est pas nécessaire d’aller chercher aussi loin. C+F Belgian Growth et Axa B Fund Equity Belgium sont des fonds qui se concentrent (en partie) sur les petites capitalisations belges. Et l’or, l’échappatoire classique en période de panique ? Le climat de hausse des taux et de montée de l’inflation ne lui étant pas favorable, l’or n’a de sens qu’à court terme et pour une partie limitée du portefeuille, affirme Koen Van De Maele. Le stratégiste lui préfère le cash : “On est ainsi certain de ne pas perdre de l’argent. Et parfois, c’est déjà bien”.

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