Méfiez-vous de l’immobilier dédié aux investisseurs !

- © Getty Images/iStockphoto

L’immobilier était à la fête en 2017. Vivrons-nous une magnifique “after party” en 2018 ? Une forte hausse des taux pourrait décourager les investisseurs en immobilier. Mais ceux-ci doivent principalement se méfier de la surchauffe et des segments saturés.

Les promoteurs et vendeurs d’immobilier voient la vie en rose dans notre pays. En témoigne l’indice d’activité immobilière du baromètre des notaires qui a atteint un nouveau record cette année. L’augmentation du nombre de transactions est allée de pair avec une hausse des prix des maisons et des appartements.

Pour 2018 aussi, tous les voyants semblent être au vert. Il est fort à parier que grâce à la croissance du nombre de ménages, au regain de confiance des consommateurs et aux taux qui demeurent très attrayants, le marché immobilier sera une fois de plus en effervescence.

Cependant, tout le monde ne partage pas l’enthousiasme et l’optimisme des acheteurs, vendeurs et investisseurs en immobilier. Certaines organisations internationales comme l’OCDE et le FMI font part depuis longtemps de leurs préoccupations quant à l’évolution des prix de l’immobilier résidentiel dans notre pays. La Banque nationale de Belgique n’est pas rassurée non plus et a dès lors plaidé en faveur d’une plus grande prudence dans l’octroi de crédits. Au sein du secteur immobilier également, des voix s’élèvent pour mettre en garde contre un risque de bulle. Ainsi, de nombreux promoteurs immobiliers s’interrogent quant aux sommets qu’atteignent les offres sur les terrains destinés à la réalisation de projets. Il y a lieu d’être attentif à une suroffre dans quelques marchés de niche.

L’immobilier tiendra-t-il encore son rôle de refuge ? Où reste-t-il encore des opportunités à saisir pour quiconque souhaite investir ? Y a-t-il des produits qu’il est préférable d’éviter ? Nous avons sondé plusieurs spécialistes quant à leurs attentes pour 2018.

Encore en hausse en 2018 ?

Selon Frank Maet, senior economist chez Belfius, la longue ascension des prix de l’immobilier résidentiel belge ne devrait pas tout de suite arriver à son terme. “Premièrement parce que l’économie continue à se redresser, explique-t-il. Nous prévoyons une croissance économique de 1,7 % environ pour la Belgique. Parallèlement, les taux à long terme demeurent historiquement bas. Cet élément soutiendra aussi le marché immobilier en 2018. Ces dernières années, les investisseurs ont été nombreux à se lancer sur le marché de l’immobilier parce que les produits d’investissement classiques à taux fixe proposent des rendements trop faibles.”

-
© Getty Images/iStockphoto

Mais que se passerait-il si la hausse des taux tant attendue devait effectivement se concrétiser en 2018 ? “Nous tenons compte d’une légère hausse des taux, répond Frank Maet. Mais même dans ce cas, les taux resteraient très bas, ce qui serait donc favorable pour le marché de l’immobilier.” Geert Gielens, chief economist chez Belfius, estime qu’une forte hausse des taux, qui pourrait être préjudiciable pour le marché de l’immobilier, est peu probable. Même si les banques centrales en Europe et aux Etats-Unis abandonnent leur politique des taux bas. “Tant que l’on continuera à injecter de l’argent dans l’économie à l’échelle mondiale, les taux ne pourront pas beaucoup grimper, affirme Geert Gielens. Le Japon, par exemple, continue à injecter énormément d’argent dans l’économie. Imaginez que le taux sur les obligations d’Etat belges atteigne 2 %, on assisterait à un afflux massif d’argent en provenance du Japon qui pousserait les prix des obligations vers le haut et ferait baisser les taux.” Les économistes de Belfius prévoient une augmentation des prix sur le marché résidentiel qui suivra la croissance économique. “C’est-à-dire une hausse des prix de plus ou moins 2%”, estime concrètement Frank Maet.

Chez le conseiller en immobilier CBRE, on table aussi sur une poursuite de l’ascension des prix. “Principalement dans les grandes villes, parce que l’exode y engendre une augmentation de la demande”, constate Sebastien Verstraete, directeur de l’immobilier résidentiel chez CBRE. Selon lui, on prête trop attention à l’effet d’une hausse des taux. “Cela fait trois ans que l’on nous rebat les oreilles en disant que les taux vont monter et jusqu’à présent, les choses n’ont pas beaucoup bougé, analyse-t-il. N’oublions pas non plus que si les investisseurs se tournent vers l’immobilier, c’est essentiellement en raison de ces taux. Ils sont nombreux à choisir l’immobilier parce qu’ils veulent investir dans quelque chose de tangible.”

Iain Cook, managing director du réseau de courtiers ERA Belgium, se montre plus prudent. “Si les prix restent stables, ce sera déjà bien, nous confie-t-il. Evidemment, la situation va largement dépendre de l’évolution des taux, mais je suis également curieux de savoir comment les banques vont mettre en pratique le durcissement dans l’octroi des crédits, réclamé par la Banque nationale. Je prévois quand même que leur nouvelle politique en matière de crédits hypothécaires va peser sur le nombre de transactions immobilières.”

Quelles opportunités reste-t-il à saisir ?

Du point de vue des investisseurs, cet accès probablement plus difficile à l’achat immobilier sera en fait positif, raisonne Iain Cook : “Les marchés de la vente et de la location sont des vases communicants. Un repli des ventes devrait dès lors renforcer le marché de la location. Je pense qu’il s’agit d’une aubaine pour les investisseurs en immobilier propriétaires d’immeubles à louer qui ciblent la classe moyenne aisée. Ce sont des personnes qui, certes, ne resteront pas longtemps sur le marché locatif – peut-être quelques années, afin de pouvoir épargner – mais ce sont en revanche des locataires de haute qualité, ce qui permet de maintenir l’intérêt de son investissement à niveau”.

-
© Getty Images/iStockphoto

Les prix ayant grimpé ces dernières années sur le marché immobilier, le rendement locatif de l’immobilier résidentiel classique est mis sous pression depuis un certain temps. Les investisseurs en immobilier se satisfont déjà d’un rendement locatif de 3 à 4 %. Les investisseurs qui visent un rendement supérieur peuvent-il se tourner vers d’autres segments ? D’après Gabriel Uzgen, administrateur délégué du développeur Besix Red, l’appartement classique reste un bon investissement, mais il attire l’attention sur les opportunités à saisir dans des segments plus cycliques. “Etant donné que l’économie continue à se redresser, les commerces, par exemple ou les unités PME peuvent constituer des alternatives intéressantes, explique-t-il. Mais dans ces segments, il convient aussi de se méfier des tendances, comme la numérisation croissante et la progression de l’ e-commerce qui réduisent le besoin en mètres carrés.”

“CBRE est actif dans tous les segments de l’immobilier, mais en tant qu’investisseur particulier, je me limiterais quand-même à l’appartement classique, conseille Sebastien Verstraete. Ce sont surtout les appartements compacts qui sont intéressants pour les investisseurs : un studio de 40 m2, un appartement une chambre de 60 m2 ou un appartement deux chambres de 80 m2. Une superficie plus grande pèse sur le rendement. Alors que des plans qui privilégient une utilisation efficace de l’espace peuvent procurer pratiquement le même sentiment d’espace.”

Sebastien Verstraete insiste en outre sur l’importance du choix de l’emplacement. “Un bon emplacement, c’est là où il y a beaucoup de locataires, explique-t-il. En fin de compte, c’est bien le locataire qui génère le rendement. C’est pourquoi nous croyons surtout dans le potentiel des grandes villes.” Gabriel Uzgen a une vision plus large. Il parle de “villes complètes” qui répondent à la demande d’habitants au profil très diversifié – étudiants, travailleurs, personnes âgées, etc. “L’offre d’infrastructures et d’équipements doit être suffisamment variée afin d’attirer différentes générations”, précise l’administrateur délégué de Besix Red. Outre les grandes villes, il aperçoit aussi un potentiel croissant dans les centres-villes et les villes provinciales. “La problématique accrue de la mobilité en Belgique joue en la faveur des emplacements urbains”, poursuit-il.

Geert Gielens met le doigt sur les “villes qui réussissent le pari de la modernisation”. “Il s’agit des villes qui parviennent à allier qualité de vie et développement urbain performant, précise-t-il. Personnellement, je suis plutôt un investisseur boursier et dans cette optique, je considère aussi que le timing est primordial. Plusieurs villes ont déjà largement réussi à se renouveler. Et cela se voit dans les prix de l’immobilier. Dans ces villes au top, le potentiel haussier est restreint. Les plus petites villes ont généralement entamé le processus de modernisation plus tardivement. Et selon moi, c’est là que se situent les opportunités à saisir pour les investisseurs en immobilier.”

De quels produits faut-il se méfier ?

L’intérêt des investisseurs pour l’immobilier résidentiel (urbain) n’a évidemment pas échappé aux développeurs de projets. Il ne serait toutefois pas sans risque de réagir trop avidement à cette demande. Lors de l’acquisition de terrains destinés à la réalisation de projets immobiliers, la concurrence entre les promoteurs fait considérablement grimper les prix des offres. Cela peut se traduire par des prix élevés (irréalistes) dans la phase de commercialisation. Il ne faut pas non plus perdre de vue le risque de suroffre d’appartements. Mais selon Geert Gielens, ce risque est, tout bien considéré, assez limité. “Les statistiques des permis de bâtir ne révèlent pas d’augmentations anormales. Une vague de constructions comme il y en a eu en Espagne, en Irlande ou aux Pays-Bas notamment, n’est pas d’actualité dans notre pays. Les promoteurs immobiliers surveillent cela de très près. Mais je peux imaginer qu’en certains endroits, les choses vont trop vite.”

-
© Getty Images/iStockphoto

Le promoteur Philippe Janssens d’Immpact estime qu’une certaine prudence est de mise pour des produits qui sont spécifiquement destinés aux investisseurs – comme les flats pour les expatriés, mais aussi les kots pour étudiants et les logements à assistance. “Chez Immpact, nous avons toujours essayé de développer un produit qui est aussi intéressant pour le marché local traditionnel”, commente-t-il.

Gabriel Uzgen fait une analyse similaire : “Presque tous les promoteurs de Flandre ont à l’époque pris le train des logements à assistance et des logements étudiants. Aujourd’hui, ces marchés présentent des signes de saturation. Mais par partout : selon la localisation – la mobilité étant ici le facteur prépondérant -, il reste encore des opportunités sur ces marchés également.”

Sebastien Verstraete met aussi en garde contre une suroffre (locale) des logements à assistance et de l’immobilier estudiantin. “Sans compter qu’en tant que bailleur de ce genre de produits d’investissement typiques, vous êtes fortement dépendant de la qualité de la prestation de services de l’exploitant ou du gestionnaire.”

Laurenz Verledens

Partner Content