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Mario Draghi a (presque) gagné !

Le prêt de 100 milliards d’euros que l’Europe va consentir à Madrid pour recapitaliser ses banques a été présenté comme une victoire par Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol. Etrange ? Pas vraiment.

Le prêt de 100 milliards d’euros que l’Europe va consentir à Madrid pour recapitaliser ses banques a été présenté comme une victoire par Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol. Etrange ? Pas vraiment, puisqu’en ayant pour bénéficiaire le secteur financier et non l’Etat, cette aide n’obligera pas le pays à passer sous les fourches caudines du bailleur de fonds. Et ceci au grand dam de l’Irlande d’ailleurs, dont la dette publique a explosé suite au sauvetage de ses banques, mais qui a ensuite été aidée en direct. Moyennant des conditions draconiennes imposées par l’Union européenne et le Fonds monétaire international. L’Espagne bénéficiait sans doute d’un privilège : celui du too big to fail. C’est que l’effet de dominos commence ici à frapper un grand pays et que l’ordre est connu de longue date : l’Espagne suit le Portugal, tandis qu’elle précède l’Italie, laquelle est suivie par la France. Alerte !

Il est également vrai que si la situation de l’Espagne est très inconfortable, elle n’est pas désespérée comme celle de la Grèce ni même aussi préoccupante que celle du Portugal. Le chômage est très élevé et le chemin de croix du secteur immobilier, déjà douloureux, n’est pas terminé. Avec tout ce que cela implique comme créances douteuses – lisez : largement irrécupérables – au bilan des banques. La banque centrale d’Espagne les chiffrait à 148 milliards d’euros à la fin de l’an dernier, une hausse d’un tiers à un an d’écart. Ce n’est pas rien ! Par contre, en dépit de son explosion des dernières années, la dette publique de Madrid ne se montait encore qu’à 68,5 % du PIB à la fin 2011. L’aide de 100 milliards aux banques la fera bondir au-delà de 80 %. Ce n’est cependant qu’un chouia de plus que l’Allemagne et… un fifrelin de moins que la France. L’Irlande et le Portugal se situent à 108 %, la Grèce à 165 %.

La défiance des marchés n’en reste pas moins un défi colossal. Au lendemain de l’opération signée à Bruxelles, la Bourse de Madrid a bondi de 5,9 %… avant de clôturer légèrement dans le rouge. Quant au taux exigé des emprunts espagnols à 10 ans, il a d’abord fléchi de 0,2 %, mais a finalement terminé en hausse de 0,3 %, une ascension qui s’est poursuivie le lendemain. Ce n’est pas encore gagné, loin s’en faut !

A propos de gagné, le véritable vainqueur de l’opération de sauvetage des banques espagnoles – qui, lui, ne s’en vantera jamais- n’est autre que Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne. Etrange ? Sûrement pas, dès l’instant où l’on regarde en coulisses. Voici ce qu’on y trouve. On a pu s’étonner du manque de réaction de la BCE face à l’offensive des marchés contre les obligations espagnoles. N’est-elle pas intervenue à plusieurs reprises dans le passé pour calmer le jeu ? Mario Draghi aurait-il une dent contre Madrid ? Il a plus simplement pris le pays en otage pour forcer la main aux politiques. Bien que tacite, le message fut clair : la Banque centrale en a déjà fait des tonnes et il est temps que vous vous y mettiez à votre tour ! Coïncidence ou pas : Ben Bernanke, son confrère américain, vient de tenir des propos semblables.

Ainsi poussés dans le dos, les ministres européens des Finances ont donc réagi aussi rapidement que généreusement. Et voilà que, sur cette lancée, on réclame de tous côtés l’union bancaire avec plus de force. Un catalyseur pour davantage d’intégration financière, voire économique ? On peut l’espérer. España es el problema, Europa es la solución, écrivait en 1910 José Ortega y Gasset, pionnier de l’idéal européen. Cela vient de se vérifier pour les banques espagnoles mais, avec un peu de chance, on en retiendra un jour l’inverse au niveau de l’intégration économique européenne.

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