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Malheur aux petites entreprises

Le coût salarial augmente deux fois plus vite dans les entreprises de moins de 10 personnes que dans celles qui occupent plus de 200 personnes. Les microentreprises bénéficient en outre d’une plus faible réduction patronale des cotisations sociales.

L’année 2012 restera comme celle de la non consommation. Doublement angoissé par la crise des dettes souveraines et des licenciements massifs en cascade, le consommateur s’est remis à thésauriser avec en bout de course, un recul de la consommation privée. Du jamais vu depuis 30 ans ! Un timide regain de nos exportations a permis de limiter le recul du PIB (produit intérieur brut) à 0,2 %. Mais pas question de pavoiser pour autant. Spécialisé en produits semi-finis, notre pays est en quelque sorte devenu le sous-traitant de son principal client, l’Allemagne qui, en transformant les composants fournis, empoche l’essentiel de la valeur ajoutée.

Cette atonie de la demande se reflète bien évidemment dans les résultats de notre Top 30.000 qui est sorti de presse ce 4 décembre. Le chiffre d’affaires des entreprises industrielles et commerciales (718 milliards) y progresse certes de 1,4 % mais compte tenu de l’inflation de l’exercice sous revue (2 ,6 %), cette progression apparente masque en réalité une perte. Les bénéfices restent quasi inchangés, même si en 2012 une entreprise sur deux a réalisé un résultat net inférieur. Pour ne rien arranger, les investissements (pourtant garants de l’avenir) sont une nouvelle fois en berne (- 8,6 %). Malgré la concentration des sièges sociaux dans la capitale, 46,7 % des bénéfices nets sont réalisés en Flandre. Bruxelles suit avec 44,3 % et la Wallonie godille loin derrière avec 9,2 %. Ce sont pourtant les actionnaires bruxellois qui se montrent les plus gourmands. En 2012, ils ont empoché 56,4 % de l’ensemble des bénéfices réalisés par les entreprises industrielles et commerciales domiciliées dans leur région. Ceux de Wallonie suivent avec 53,1 % tandis que ceux de Flandre se contentent de 51,5 %.

Mieux vaut travailler dans une grande entreprise

Comme à l’accoutumée, la parution de cette bible des affaires se double d’une excursion dans les coulisses des comptes annuels, avec pour fil conducteur les dépenses en personnel respectives des grandes, moyennes, petites et microentreprises. Ont été considérées comme grandes celles qui occupent plus de 200 personnes ; moyennes, celles dont l’effectif oscille entre 50 et 199 personnes ; petites, celles dont le personnel s’étage de 10 à 49 personnes et comme micro-entités, celles dont le personnel occupé ne dépasse pas 10 personnes. Ont été exclues de l’échantillon, les sociétés purement financières ainsi que les banques et les compagnies d’assurance.

Un premier constat, relativement banal est qu’il vaut mieux travailler dans une grande entreprise que dans une petite. Le coût salarial – et dès lors le salaire – y est nettement plus élevé mais l’écart tend à se réduire. Si entre grandes et micro-entreprises, l’écart était d’un tiers environ (31 %) en 2008, cinq plus tard, il n’est plus que d’un quart (24 %). En d’autres termes, le coût salarial augmente deux fois plus vite (11,6 %) dans les micro-entreprises que dans les grandes où la progression, encadrée par des procédures collectives, est resté limitée à 5,2 %. Pour les moyennes et petites entreprises, l’augmentation respective est de 9,6 et 9 %. Si en 2012, un travailleur d’une grande entreprise coûtait en moyenne 60.055 euros, il ne coûte que 48.584 euros dans une micro-entreprise.

Poursuivant notre excursion dans les chiffres, nous nous sommes intéressés aux cotisations sociales payées dont le pourcentage par rapport au coût salarial augmente au fur et à mesure que se réduit la taille de l’entreprise. Une nouvelle discrimination ? Pas le moins du monde. Les cotisations sociales sont en principe les mêmes pour tous mais le numérateur de la fraction, le coût salarial, n’est pas le même. La pression fiscale sur les salaires enfante régulièrement – du GSM au PC privé en passant par la voiture de société ou les plans cafétéria – des formes de paiement alternatif. Ces dernières ont bien évidemment un coût et ont tendance à essaimer ou devenir plus conséquentes au fur et à mesure qu’augmente la taille de l’entreprise.

Où sont passées les réductions de cotisation ?

L’examen des chiffres dans le temps laisse toutefois dubitatif. Malgré la multiplication des déclarations à propos de l’impérieuse nécessité de réduire les charges patronales, cela ne se remarque pas dans les chiffres. Entre 2008 et 2012, l’augmentation est rampante, moins de 1 % l’an, mais réelle. Où sont donc passées ces réductions de cotisations dont on parle tant ? En chiffres ronds, elles avoisinent pour 2012 les cinq milliards d’euros dont l’essentiel, 4,1 milliards, va à ce qu’il est convenu d’appeler la réduction structurelle. Le reste, 853 millions, va à différents groupes cibles (jeunes, travailleurs âgés, chômeurs de longue durée, etc.) et représente 853 millions pour 2012. Cette simplification, en vigueur depuis 2004, remplace les 27 mesures qui existaient à l’époque dans lesquelles, finalement, plus personne ne se retrouvait. La réduction structurelle s’adresse à tous les employeurs, sauf ceux du non-marchand qui ont leur propre régime de réduction des charges (le Maribel social) et a concerné en 2012 un peu plus de deux millions de personnes dont les employeurs ont bénéficié en 2012 d’une réduction moyenne de 2.034 euros.

La réduction structurelle consistant en un montant forfaitaire par trimestre qui varie selon la rémunération de référence du travailleur, la catégorie à laquelle il appartient et la durée de ses prestations, il est logique que les montants ne soient pas identiques pour tous. Il n’en demeure pas moins que si l’on prend ce montant comme indice 100, l’employeur à la tête d’une grande entreprise reçoit 104 et celui qui dirige une micro-entreprise ne perçoit que 97. Après avoir déjà eu le “privilège” de payer deux fois plus d’impôt – 21,34 % contre 10,14 % pour les entreprises industrielles et commerciales qui occupent plus de 200 personnes – et un coût salarial qui augmente deux fois plus vite que dans ces mêmes entreprises, difficile de ne pas se sentir discriminé. Voire délaissé par des dirigeants qui oublient régulièrement de joindre le geste à la parole. Par rapport à 2008, le montant affecté à la réduction structurelle n’a pas augmenté. Au contraire, il recule même de 30 millions. Certes, dans l’intervalle, les montants affectés aux groupes cibles ont augmenté de 51 millions, ce qui porte l’augmentation globale des réductions de cotisations patronales à 21 millions en cinq ans. Vingt fois moins de ce qu’aurait donné une simple indexation…

Tony Coenjaerts

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