Week-end à zurich

© SYLVIE BRESSON

La ville d’affaires semble ignorée des voyagistes spécialisés dans les city-trips. Est-ce parce que, d’après une enquête de l’Economist Intelligence Unit, elle serait la deuxième ville la plus chère au monde, derrière Singapour et à égalité avec Hong Kong ? Zurich est pourtant bourrée de charme, avec ses quartiers anciens, ses musées contemporains et son lac vivifiant entouré de vertes collines.

Pour une vue époustouflante sur la métropole suisse, prenez la direction de l’Uetliberg. But de balade classique pour les autochtones comme pour les touristes, cette colline est desservie par la ligne de train S10 au départ de la gare centrale. Plutôt métro de banlieue au démarrage, le convoi prend ensuite des allures de train de montagne. Une petite demi-heure de trajet, un quart d’heure de marche ensuite, et l’on débouche sur une esplanade dominant de 500 mètres Zurich et son lac. Exceptionnel dans le genre, et sans commune mesure avec les vues qu’offrent les trains à crémaillère Dolderbahn ou Rigiblick. Pour une autre vue en hauteur incontournable dans le centre-ville, il faut gravir les 187 marches, de pierre puis de bois, de la tour sud du Grossmünster, la cathédrale. La récompense en vaut la peine : du haut de cette église romane célèbre pour avoir été l’un des hauts lieux de la réforme protestante, la vue plonge sur le vieux Zurich, de la gare au lac, avec la rivière Limmat aux pieds.

Shopping de luxe

La Bahnhofstrasse, la rue de la gare, est la plus célèbre artère de Zurich. Elle rassemble les boutiques chics, très nombreuses dans cette ville prospère. Dans le domaine horloger, outre les enseignes propres, un nom s’impose : Beyer, maison fondée en 1760. A défaut d’y acquérir le dernier modèle de Patek Philippe, on peut en visiter le charmant musée. Au tout début de la Bahnhofstrasse, côté lac, vous trouverez le magasin Schweizer Heimat, avec toutes sortes d’objets suisses de qualité, du gadget amusant à la luxueuse boîte à musique arborant un prix à quatre chiffres.

Chocolat suisse oblige, on ne saurait faire l’impasse sur les douceurs. L’incontournable pâtissier-chocolatier Sprüngli trône au coin de Paradeplatz (plusieurs boutiques ailleurs). Produit phare : les petits macarons appelés Luxemburgerlis, avec une mention spéciale pour ceux au parfum ” champagne de luxe “… Irrésistibles ! Un peu plus haut, la boutique Teuscher ne passe pas inaperçue, avec sa vitrine très richement décorée. Grand choix de pralines, y compris au champagne (décidément ! ). On retient enfin la maison Läderach, juste avant la gare, qui décline le chocolat en diverses inspirations, notamment d’amusantes mini-mousses.

Déambuler dans la vieille ville

S’étalant de part et d’autre de la Limmat, la rivière issue du lac, le vieux Zurich est une large zone préservée dont l’automobile est quasiment absente. Sur la rive gauche, près du lac, on y boit, on y mange… et on y danse, plus précisément sur l’île Bauschänzli, près du Frauenbad, ” la piscine des femmes “, un bâtiment nostalgique de style Art nouveau.

Premier arrêt plus au nord, pour l’église Fraumünster et ses vitraux de Chagall, et un second à l’église St-Peter, pour son cadran de 8,70 m, le plus grand d’Europe. Dans le quartier Schipfe voisin, on emprunte le passage marqué Zum Hauptbahnhof, qui passe sous les maisons, au bord de la Limmat. Un peu plus loin, on peut jeter un coup d’oeil au… commissariat de la ville, pour y admirer les fresques peintes par Augusto Giacometti, en variations oranges et rouges.

Sur la rive droite, on peut esquiver la très touristique Niederdorfstrasse pour se promener plus au sud. En prenant le Neumarkt puis la Spiegelgasse. Arrêt au Cabaret Voltaire, avec sa boutique au rez-de-chaussée et un café presque délabré au premier étage. L’intérêt ? C’est ici que le mouvement Dada naquit il y a exactement un siècle ! Après s’être souvenu de Tristan Tzara et d’Hugo Ball, figures phares du mouvement, la visite de la ville se poursuit obligatoirement par le Grossmünster, où l’on admire les vitraux de Giacometti et ceux de Sigmar Polke, en pierres d’agate. La crypte de la cathédrale recèle une statue de Charlemagne, fondateur supposé de l’édifice originel et de rares fresques du 15e siècle. La rue Kirchgasse, qui longe la cathédrale, dévoile quelques maisons superbes, mais il faut s’enfoncer plus loin encore et flâner dans la vieille ville, avec ses jolies boutiques et de charmantes placettes. En dessous de la Villa Tobler, le musée des Beaux-Arts de Zürich (Kunsthaus Zürich), on passe par quelques ruelles villageoises inattendues… avant de retrouver l’agitation urbaine de Rämistrasse.

Landesmuseum et Zurich West

Situé derrière la gare, dans un étrange palais néo-gothique de la fin 19e siècle, le Landesmuseum permet de mieux faire connaissance avec la Suisse. Avec d’autant plus de satisfaction qu’il ne verse pas dans le nationalisme étriqué ou hypocrite : les premiers panneaux soulignent l’apport des étrangers à la Confédération, tandis que la salle réservée à la finance n’occulte pas les gros ennuis de la banque UBS avec le fisc américain. On y admire aussi tant du mobilier contemporain que de riches intérieurs de bois remontant aux 17e et même 16e siècles. De cette visite, on retient aussi que l’histoire du pays fut bien plus agitée qu’on ne l’imagine généralement.

Les quatrième et cinquièmes arrondissements de Zürich, anciennes zones industrielles, sont devenus les quartiers résolument à la mode de la ville. Le long de la Limmat, l’ancienne brasserieLöwenbrau abrite aujourd’hui de l’art contemporain (Kunsthalle et musée Migros) tandis que, de l’autre côté de la Limmatstrasse, se profile le fameux ensemble Viadukt : les arcades situées sous le viaduc du chemin de fer sont colonisées par une grosse trentaine de boutiques : design, mode, restauration, etc. On longe une plaine de jeux populaire, à l’ombre des trains et d’une énorme centrale thermique, pour déboucher à côté des voies de chemin de fer, sur Geroldstrasse.

Signalé par un empilement de conteneurs, le magasin Freitag, un pionnier du recyclage devenu célèbre, se voit de loin. Le recyclé y tend parfois vers le luxe : des sacs réalisés en bâches de camion pas toujours très nettes, par exemple, se vendent au prix du cuir griffé ! Tout à côté, le restaurant Gerold vaut le déplacement (lire “Les bonnes adresses d’Alain Dehaze”). Au bout de la rue, en passant sous un énorme viaduc routier, on débouche sur la Prime Tower, emblème du nouveau Zurich. Un peu plus loin, le Schiffbau, un ancien chantier naval accueillant bar, restaurant et trois salles de spectacle. On y récite parfois du Brel. Sympathiquement pittoresque ici, franchement moche là, toujours surprenant, Zurich West est aujourd’hui ” le ” quartier branché de Zurich.

Pas le feu au lac

Par beau temps, les Zurichois font volontiers trempette dans leur lac. Au Seebad Utoquai d’abord, dans un bâtiment de bois construit en 1889. Au Strandbad Tiefenbrunnen ensuite. Tous deux sont hébergés sur la rive droite du lac, la plus fréquentée des promeneurs et joggeurs, spécialement sur les deux kilomètres qui séparent la place Bellevue de la seconde de ces piscines. A mi-chemin, un crochet s’impose par la Höschgasse, pour découvrir la très colorée maison Heidi Weber, dernière réalisation du Corbusier. Tout en admirant la somptueuse villa voisine, on peut aussi se laisser tenter par le musée Bellerive en revenant sur ses pas, suivant l’expo du moment. Passé le Chinagarten, les grandes pelouses bordant le lac font place à des restaurants, un cinéma et, enfin, la seconde piscine évoquée. On peut revenir dans le centre en prenant le tram 2, dont le terminus est à deux pas. Pour aller plus loin sans se fatiguer : des croisières de 1h30 et 4 h sont proposées au départ de la Bürkiplatz.

Le musée Rietberg est le deuxième grand musée classique de Zurich. Il est renommé pour ses collections antiques, chinoises en particulier. D’autres collections ethniques, d’époques plus récentes : Congo, Côte d’Ivoire, Nigeria (un exceptionnel chevalier sur son cheval), mais aussi Océanie et Tibet à l’étage. Le ” dépôt ” du sous-sol révèle une face généralement inconnue des musées : l’amoncellement de pièces parfois quasiment identiques. On n’oublie pas une visite à la villa voisine, qui abrite une superbe collection de miniatures indiennes. La loupe est fournie… et nettoyée entre deux visiteurs : nous sommes bien en Suisse.

Se sustenter

Un grand classique parmi les restaurants qu’offre la ville : le Kronenhalle, au coin de la place Bellevue. La salle historique arbore des blasons, des maximes et surtout les tableaux qui font sa renommée, dont deux Chagall. Service classieux à l’ancienne : plat servi en deux fois, après réchauffement. La clientèle est très locale et pas nécessairement guindée. Dans l’assiette, le test est concluant, avec le traditionnel émincé de veau à la zurichoise.

Autre option pour manger, dans le rayon traditionnel : les Zuntfte sont les anciennes maisons de corporation, souvent vieilles de plusieurs siècles, devenues des restaurants ouverts à tous. Les test est ici un brin plus décevant, à la Zunfthaus zur Zimmerleuten (40 Limmatquai) : la portion de viande est plutôt chiche. Est-ce mieux à côté, au Haus zum Rüden ?

Les restaurants zurichois étant deux fois plus chers que les nôtres, le prétexte est tout trouvé pour explorer des pistes alternatives. Le hamburger haut de gamme, par exemple, auquel la ville a succombé à son tour. Deux adresses se détachent dans le centre. Resto basique dans son aménagement, l’Holy Cow (28 Zahringerstrasse) affiche la couleur : produits 100 % suisses. La viande est généreuse et les énormes frites magnifiquement cuites. Look différent pour le Jack & Jo, qui arbore une déco contemporaine et se revendique du slow food. Préparation à la demande, en version carnée comme végétarienne. Servi sur une planche.

Le Jack & Jo se situe au bout de l’allée Europa, l’avenue parallèle à la gare, et c’est l’occasion de voir un immense quartier neuf, déjà opérationnel au sud, encore en construction au nord. Outre le surprenant Frau Gerold’s Garten, le Reithalle, un restaurant coopératif qui a emménagé dans d’anciennes écuries, vaut le détour. Une vraie adresse alternative, appréciée pour le décor et l’ambiance.

GUY LEGRAND / PHOTOS : SYLVIE BRESSON

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