Une start-up informatique nigeriane travaille avec le monde entier

Merijn Campsteyn (Accounteer) " Beaucoup se trompent sur l'Afrique ", dit-il. Mais pas lui. © DIETER TELEMANS

Qui croit encore que l’Afrique n’est pas capable de fournir des services technologiques de qualité ? En tout cas, certainement pas Mark Zuckerberg, qui a investi via sa fondation 24 millions de dollars en 2016 dans Andela, une start-up nigériane qui fournit des logiciels au monde entier. Ni Merijn Campsteyn, qui a créé sa société informatique à Louvain et fait aujourd’hui appel aux programmateurs d’Andela…

En 2015, Merijn Campsteyn démissionnait de son poste de consul-tant chez Deloitte pour créer, à Louvain, sa propre entreprise informatique, baptisée Accounteer. Une entreprise qui devient déjà rentable en 2017, après quelques débuts difficiles.

Lors du lancement de son projet il y a deux ans, Merijn Campsteyn n’aurait jamais imaginé qu’il serait le seul de son équipe à travailler effectivement en Belgique. En effet, aujourd’hui, tous ses collaborateurs opèrent à partir du Nigeria ou d’Afrique du Sud. C’est d’ailleurs au Nigeria que l’entreprise louvaniste enregistre la plus forte croissance.

Merijn Campsteyn s’est chargé personnellement de développer le logiciel d’Accounteer, une plateforme de comptabilité en ligne destinée aux entrepreneurs à la tête d’une petite entreprise comptant jusque 10 travailleurs. ” Quand je travaillais pour Deloitte, j’avais remarqué que quelque chose manquait : aucun logiciel de comptabilité qui soit complet et n’exige aucune formation financière préalable n’était disponible pour les petits entrepreneurs. “, explique-t-il.

Une profession en pénurie chez nous

” Ayant auparavant vécu deux ans au Kenya, j’ai rapidement pensé à déployer ma plateforme en Afrique, ajoute-t-il. Il y a là-bas une réelle demande pour ce type de services. Et les choses se sont accélérées après quelques mois. J’ai donc essayé de trouver des développeurs en Belgique, mais ce n’était pas facile, sans compter que ceux disponibles sont très chers. ”

C’est au Nigeria que Merijn Campsteyn a trouvé la solution. La start-up nigériane Andela met en relation de jeunes développeurs africains avec des entreprises technologiques aux Etats-Unis, qui sont d’ailleurs les premières à peiner pour pourvoir leurs postes de développeurs informatiques. Cette start-up a attiré l’attention de pas mal de noms connus dans le domaine de la technologie. A commencer par Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, qui a investi pas mal d’argent dans l’affaire via la Chan Zuckerberg Initiative, créée avec son épouse Priscilla Chan. Mark Zuckerberg était l’année dernière encore au Nigeria, le premier marché de Facebook en Afrique. Autre investisseur d’Andela : GV, anciennement Google Ventures.

Uniquement les meilleurs développeurs

Depuis sa création en 2014, Andela a rassemblé 40 millions de dollars et emploie aujourd’hui plus de 500 travailleurs à Lagos au Nigeria, à Nairobi au Kenya et à Kampala en Ouganda. La start-up recrute des développeurs informatiques – uniquement les meilleurs – pour les louer ensuite à d’autres start-up du monde entier. Et il n’y a pas que les grandes entreprises technologiques de la Silicon Valley…

” Le personnel que fournit Andela intègre réellement votre équipe, explique Merijn Campsteyn. Des vidéoconférences sont organisées quotidiennement. Vous n’avez vraiment pas l’impression d’avoir affaire à quelqu’un d’extérieur à l’entreprise. ” Grâce à Andela, un développeur kenyan et un autre nigérian participent désormais à la programmation du logiciel d’Accounteer. Une autre société louvaniste, SettleMint, spécialisée dans le blockchain, a, elle aussi, fait elle aussi appel à Andela en employant des développeurs situés à Nairobi.

Un marché immense

” Le salaire mensuel d’un développeur senior en Belgique grimpe vite à 6.000 euros. Nous, nous payons 600 euros par mois pour un développeur nigerian, ce qui est supérieur à la moyenne pour le pays “, fait observer le fondateur d’Accounteer. En réalité, les développeurs d’Andela coûtent plus cher, étant donné que l’on contribue à payer la formation qu’ils ont reçue. Aujourd’hui, Andela n’est plus la seule à proposer des services informatiques externalisés visant à jumeler des développeurs africains à des entreprises technologiques situées dans des pays où cette profession est en pénurie.

Mais la start-up louvaniste s’est tournée vers l’Afrique pour d’autres raisons encore. ” Il existait déjà une forte concurrence pour notre plateforme aux Etats-Unis et en Asie, explique Merijn Campsteyn. Cibler ces régions n’aurait donc pas eu beaucoup de sens. Beaucoup se trompent sur l’Afrique. A lui seul, le Nigeria compte 180 millions d’habitants. C’est plus de la moitié de la population des Etats-unis ! L’Afrique francophone comprend 17 pays dotés de la même législation comptable. Bref, nous pouvons atteindre un énorme marché en adaptant à peine notre produit. Et la même chose vaut pour une foule d’autres services. ”

Nairobi, Lagos et Le Cap constituent certes les principaux centres technologiques du continent, mais ils sont aussi le berceau de l’africapitalisme, un courant qui vise à s’écarter de la coopération internationale au développement et de l’exportation de matières premières pour faire la part belle au secteur privé africain à l’échelle internationale.

Benny Debruyne

Depuis sa création en 2014, Andela a rassemblé 40 millions de dollars et emploie aujourd’hui plus de 500 travailleurs à Lagos, Nairobi et Kampala.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content